Actualités - CHRONOLOGIE
Paix américaine à Gnjilane
le 06 juillet 1999 à 00h00
Blindés lourds à chaque coin de rue, acclamés par des grappes d’enfants faisant le V de la victoire, graffitis à la gloire des États-Unis placardés sur les murs : à Gnjilane, la paix américaine a étouffé les violences qui couvent encore entre Serbes et Albanais. Barbelés en chicane sur toutes les routes et GIs en faction dans leurs guérites protégées par des sacs de sable signalent les entrées de la petite ville du sud du Kosovo, au cœur du secteur américain de la force de l’Otan, où 1 500 soldats veillent mètre par mètre. Depuis une fusillade dans laquelle un Serbe a été tué, le 25 juin, par des soldats américains, les habitants de Gnjilane vivent sous couvre-feu de huit heures du soir à trois heures du matin et le dispositif américain a été étoffé. «Aucun incident majeur n’a été signalé depuis. La vie ici est aussi normale que possible», remarque le lieutenant Randall Johnston, commandant de la section qui veille sur une partie de la ville. De jour en jour, la vie renaît dans le centre, quadrillé par les patrouilles américaines. Même les quelques Serbes restés à Gnjilane osent maintenant sortir, mêlés à la foule albanaise. «Ceux qui avaient des choses à se reprocher sont partis. Seuls ceux qui ne se sentent pas coupables restent», ajoute l’officier américain. «La semaine dernière, l’atmosphère était encore très tendue», raconte Hafiz Daku, un marchand de cigarettes albanais, qui évoque «les snipers serbes, les paramilitaires ayant trouvé refuge aux alentours». «Puis les Américains sont arrivés avec leurs renforts et les choses se sont calmées». À 75 ans, Maria Lisula n’a plus aucune raison de partir, comme l’ont fait tous les autres Serbes de sa rue. Elle aussi compte sur les Américains et elle espère que les Albanais la laisseront vivre en paix. Mais dans la foule, un groupe d’hommes menaçants s’approche de la vieille femme au fichu noir. «Ne lui parlez pas. Son fils faisait partie des paramilitaires». À Gnjilane, comme partout au Kosovo, les appétits de vengeance couvent sous le dispositif militaire de l’Otan, même si, comme le souligne le lieutenant Johnston, Serbes et Albanais «semblent vouloir coopérer» et rendent leurs armes dans les délais prévus. «Nous sommes les combattants de l’UCK et nous devons assurer la sécurité avec la Kfor», affirme très officiellement Syla Shemsi, l’un des «commandants» locaux de l’Armée de libération du Kosovo attablé dans un bureau d’un ancien bâtiment officiel. Rien de légal en cela mais les hommes de l’UCK, en pantalon et gilet noirs rappelant étrangement les uniformes qu’ils n’ont plus le droit de porter, occupent de toute évidence la ville. «Bien sûr, nous acceptons de rendre les armes comme prévu par l’accord avec l’Otan. Mais nous nous méfions, nous avançons pas à pas, car beaucoup de Serbes, eux, ne rendent pas leurs armes», ajoute Syla Shemsi. En face du bâtiment étroitement protégé par les hommes en noir de l’UCK, d’autres vigiles, américains cette fois, gardent l’entrée de la poste. Au fond du hall vide, cinq employés serbes bavardent en fumant, au milieu des liasses en souffrance de quittances de téléphone. Ces rescapés de l’administration assurent qu’ils ne vont pas bouger, que la poste de Gnjilane restera serbe. «Pas question», rétorque, depuis son bureau, le commandant Syla Shemsi, qui pratique, à sa façon, la tolérance ethnique : «La poste sera albanaise, 98 % des employés seront albanais, nous ne menaçons personne, mais nous disons à ceux qui ne veulent pas rester dans ces conditions qu’ils peuvent partir».
Blindés lourds à chaque coin de rue, acclamés par des grappes d’enfants faisant le V de la victoire, graffitis à la gloire des États-Unis placardés sur les murs : à Gnjilane, la paix américaine a étouffé les violences qui couvent encore entre Serbes et Albanais. Barbelés en chicane sur toutes les routes et GIs en faction dans leurs guérites protégées par des sacs de sable...
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