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Les agences de voyages attendent des jours meilleurs
Par GHOSN Charbel, le 03 juillet 1999 à 00h00
Sous l’effet de l’euphorie générale qui régnait à la sortie de la guerre et des perspectives optimistes que laissaient entrevoir les pourparlers de paix au Moyen-Orient, les agences de voyages se sont multipliées au Liban. Une quarantaine avant la guerre, elles sont aujourd’hui environ 700 qui s’acharnent à survivre en attendant que le Liban soit réintégré comme destination privilégiée sur les cartes. Malgré des marges bénéficiaires particulièrement limitées sur ce segment du marché touristique et en dépit de la très petite taille du marché libanais, le métier d’agent de voyages continue à attirer des micro-entreprises dont les propriétaires guettent le moindre retournement de tendance et attendent impatiemment des jours meilleurs pour le tourisme régional. De plus en plus aujourd’hui, à l’heure de la globalisation, avec l’ouverture prévue et d’ailleurs incontournable du marché libanais, le Liban apparaît comme un futur centre touristique et un fournisseur régional privilégié de services de tourisme. Il s’agit là effectivement d’un type de services où le Liban peut bénéficier d’un avantage comparatif certain. Beaucoup l’ont compris et ont donc monté leur petite agence de voyages, histoire de s’installer sur le marché en attendant que les choses commencent à bouger dans le secteur. Du coup, le Liban se retrouve avec près de 700 agences de voyages, assimilées en définitive à des intermédiaires dont l’activité se limite très souvent au «ticketing». Une concurrence acharnée Le «ticketing» ou la vente de billets d’avion constitue la principale activité des centaines d’agences de voyages libanaises. En effet, la demande intérieure libanaise est très faible pour les packages touristiques à l’étranger ; d’ailleurs la demande existante est accaparée par les leaders du marché. L’essentiel de la concurrence se fait au niveau des prix et, plus spécifiquement, ceux des billets. L’acharnement sur un nombre relativement limité de clients provoque donc une érosion inquiétante des marges, surtout que la marge brute des agences de voyages ne s’élève qu’à 9%. Les remises de 4 à 5% sont couramment accordées par les agences. Certaines vont même jusqu’à 7 ou 8% d’escompte pour garantir le client. La question se pose alors de savoir comment certains fins stratèges de l’escompte survivent... Concernant les packages, la concurrence se fait aussi bien au niveau des destinations, qu’au niveau des services et avantages inclus dans la formule. Bien que les prix soient plus ou moins bien alignés entre les agences, la différence réside généralement dans la qualité du service vendu. L’agence de voyages souvent contournée Pire que l’érosion des marges résultant de la concurrence acharnée entre agences, ce sont les compagnies aériennes elles-mêmes qui défient parfois les agences de voyages en biaisant le marché. Il arrive en effet souvent que les compagnies aériennes se mettent en contact direct avec les grandes sociétés du pays afin de s’assurer l’ensemble des voyages du personnel et de l’équipe dirigeante de l’entreprise. Des escomptes souvent très alléchants (parfois entre 9 à 20%) sont accordés dans ces cas, si bien que les agences de voyages se voient évincées du marché quel que soit l’escompte qu’elles seraient prêtes à consentir. Grâce à de telles pratiques peu élégantes, les compagnies aériennes se sont attribuées 30 à 35% du marché des sociétés. Sachant que les sociétés représentent le segment du marché le plus porteur pour les agents de voyages, surtout en basse saison, cette concurrence directe de la part des compagnies aériennes est très mal perçue par la profession. Les professionnels sont unanimes là-dessus : le fonctionnement du marché du «ticketing» ou de la «billetterie» au Liban ne fournit aucune protection à l’agent de voyages, intermédiaire entre le client et la compagnie aérienne, et qui se retrouve concurrencé par les compagnies aériennes elles-mêmes. Les observations du marché montrent aussi que les agences de voyages sont soustraites au système lors de l’organisation de voyages collectifs du type pèlerinages ou voyages culturels organisés, comme il est de coutume au Liban, par une paroisse ou par une association. Une profession qui souffre d’un déficit de réglementation Pour les vétérans du métier, il y va sans dire que la profession doit impérativement être réglementée afin d’assainir le marché pour rétablir les marges dans le secteur. À long terme, et contrairement à ce que l’on aurait tendance à croire, la réglementation de la concurrence défend aussi bien les droits des agents que les intérêts des consommateurs. Reste à voir comment devrait prendre forme la réglementation requise. La coopération entre le ministère du Tourisme et le Syndicat des agences de voyages serait sans doute un bon début. Par ailleurs, le Liban devrait coopérer plus étroitement avec des organismes internationaux tels l’IATA (International Air Transport Association) afin que soient appliqués les us et méthodes adoptés à l’étranger en matière de services offerts par les agences de voyages. Déjà, le système informatisé BSP (Bank Settlement Plan) récemment appliqué au Liban permet de réglementer plus strictement les paiements aux compagnies aériennes des billets vendus par les agences de voyages ralliées à l’IATA. Une clientèle peu renseignée et difficile à fidéliser Une précision s’impose d’abord, car rares sont les consommateurs qui sont au courant des procédures de réservation sur les avions. L’adoption du système de «yield management» par la plupart des grandes compagnies aériennes, et récemment par la Middle East Airlines, implique que tous les sièges sur un même vol ne sont pas vendus au même prix. Simplifié, le principe se résume comme suit : le total des sièges de l’avion est réparti en catégories, chaque catégorie ayant un prix différent, selon les conditions du billet et la date où il a été acheté. Généralement, il est difficile à un client de connaître la catégorie du billet qui lui a été vendu. Il peut en effet avoir obtenu un billet de la catégorie la moins chère mais l’avoir payé autant qu’un billet de la catégorie la plus chère. Sachant que la variation entre deux billets, sur un même vol, peut aller jusqu’à 200 $, cela revient à dire que le consommateur aurait plutôt intérêt à faire confiance à son agent de voyages. Mais l’ironie repose dans le fait que le Libanais se soucie surtout de l’escompte dont il bénéficie. Ainsi, un escompte de 8% l’éblouit tellement plus qu’un de 4% qu’il en oublie de comparer les montants finaux à payer ou, pire, de comparer les services offerts. Au-delà de la fourniture du billet C’est essentiellement à cause de cette guerre des escomptes que les agents de voyages avouent ne généralement pas pouvoir fidéliser leur clientèle facilement. Pour la plupart des agences de voyages, l’objectif primordial est de vendre, et en masse. Pour la plupart des consommateurs, le plus important est d’acheter le produit le moins cher, en faisant pratiquement abstraction de la qualité. Les plus grandes déceptions se font d’ailleurs remarquer lors des voyages organisés et des packages, souvent attrape-nigauds, vendus en masse. Les professionnels du marché avouent constater que le Libanais est assez négligent en matière de qualité du service proposé et qu’il porte très peu d’intérêt aux «plus» que devrait lui assurer son agent de voyages. Pourtant, bien que pas nombreux, certains agents s’investissent dans leur travail de manière à assurer un maximum de satisfaction à leurs clients. Ils considèrent que leur métier ne consiste pas simplement à vendre des billets, mais surtout à assurer un service de conseil, de suivi du dossier du client, de services annexes qui faciliteraient le déplacement des voyageurs. L’agent se doit par exemple de gagner la confiance de son client, en le renseignant honnêtement et exhaustivement sur le package qu’il lui vend. Il arrive en effet souvent que le client rentre des vacances plutôt déçu, croyant qu’il avait payé pour des services d’une bien meilleure qualité que ce qu’il a eu. Par ailleurs, une panoplie de services peut vous être proposée et qui «fait la différence» à long terme. On pourrait vous livrer votre billet à domicile ou encore vous le procurer le week-end malgré la fermeture des bureaux. On pourrait aussi vous fournir une liste des hôtels jugés convenables pour votre séjour, de bonnes adresses à l’étranger, ou encore des «tuyaux» pour minimiser vos dépenses dans telle ou telle ville que vous ne connaissez pas bien... De plus en plus d’ailleurs, les agences de voyages essayent d’adapter leurs services à la demande particulière de chaque client. Des formules sont alors taillées sur mesure pour maximiser la satisfaction du client. Un vecteur de promotion du tourisme libanais Pour le moment, les agences de voyages sont bien plus des canaux de promotion au Liban et, accessoirement pour quelques-unes, au Moyen-Orient, de destinations touristiques étrangères, que des promoteurs du Liban à l’étranger. Tous les professionnels du tourisme s’accordent d’ailleurs pour dire que le ministère du Tourisme et les organisations publiques et privées ayant des contacts avec l’étranger devraient unir leurs efforts pour promouvoir le Liban internationalement, lancer des campagnes publicitaires, œuvrer pour ranimer le secteur touristique dans le pays. D’ailleurs, en matière de formules organisées et de voyages d’agréments, les agences les plus actives sur les principales destinations des vacanciers sont aussi celles qui sont les plus actives localement. Ce sont ces quelques agences qui organisent des tours régionaux ou locaux et réceptionnent les rares groupes étrangers arrivés au Liban en voyages organisés. À en croire les estimations du marché, environ 40% des agences de voyages opérant sur le marché fonctionneraient plus ou moins bien. S’agissant des flux de touristes, le marché place actuellement tous ses espoirs dans les progrès du processus de paix au Moyen-Orient. Le Liban se retrouverait alors au centre d’une région du monde particulièrement attractive du point de vue touristique. Les étrangers ne sont pas les seuls cibles potentielles des agences de voyages libanaises, et quelques agences essayent déjà de se mettre en contact, avec l’appui des autorités locales, avec la diaspora libanaise, notamment celle de troisième génération qui n’a jamais connu le Liban. Dans le cadre d’une stratégie future d’expansion, certaines agences sont d’ailleurs déjà en train de construire un réseau international de connexions, d’associés, et de collaborateurs afin d’atteindre plus rapidement et plus efficacement les touristes étrangers potentiels une fois que la conjoncture politico-économique le permettra. Entre-temps, beaucoup reste à faire localement si l’on veut que l’expérience soit réussie.
Sous l’effet de l’euphorie générale qui régnait à la sortie de la guerre et des perspectives optimistes que laissaient entrevoir les pourparlers de paix au Moyen-Orient, les agences de voyages se sont multipliées au Liban. Une quarantaine avant la guerre, elles sont aujourd’hui environ 700 qui s’acharnent à survivre en attendant que le Liban soit réintégré comme destination...
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