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Actualités - REPORTAGES

Cinéma - "Les enfants de Chatila", un film entre rêve et réalité Maï Masri, caméra au poing, identité au coeur

La caméra n’est qu’un moyen pour Maï Masri de s’engager dans le combat «humanitaire». Cette cinéaste de mère américaine a bénéficié d’une éducation cosmopolite. Ce qui a renforcé son appartenance palestinienne. Une identité qu’elle revendique à sa manière, calme mais déterminée. Le dernier film qu’elle a réalisé vient de remporter un double prix à Londres. Une occasion pour parler avec elle cinéma. À quoi rêvent les enfants des camps palestiniens qui ceinturent encore quelques-unes de nos villes ? C’est la question à laquelle tente de répondre Maï Masri dans Les Enfants de Chatila. Les premières images de ce documentaire de 50 minutes montrent Beyrouth bombardée. Flash-back. 1982, un torrent de fer et de feu s’abat sur la capitale. C’est l’invasion israélienne avec tout ce qu’elle a provoqué comme catastrophes. Aujourd’hui, le camp de Chatila est boiteux : immeubles tombant en ruine, routes défoncées, détritus partout… Une misère qui éclate à chaque coin d’image. À travers Issa, 12 ans, et Farah, 11 ans, le spectateur va entrer dans l’imaginaire de ces enfants, mais écouter également les anciens se souvenir, parfois même embellir ce qui a été. L’on va surtout découvrir une détresse que rien ne semble devoir apaiser. Issa a l’élocution lente, hésitante. À la suite d’un accident de voiture, il souffre d’une perte partielle de la mémoire. Comme un contrecoup de cette amnésie, son imagination vole à des hauteurs vertigineuses. Les histoires qu’il raconte sont surréalistes. Farah a deux sœurs. Son père, informaticien est obligé de travailler comme éboueur dans le service de nettoyage du camp. «Personne ne parle de nous» dit-il amer. «Il n’y en a que pour Jéricho ou les accords d’Oslo. Nous, on nous a oublié». Maï Masri a donné à ces enfants une caméra. Elle les a suivis à l’école, dans leurs jeux quotidiens. Loin d’être larmoyant, son documentaire a fixé des instants magiques. Un cheval blanc, lépreux, claudiquant, traîne derrière lui une charrette bringuebalante. C’est le carrosse dans lequel s’entassent les enfants pour aller à la mer. La baignade, canasson compris, est un moment de bonheur… Des instants magiques «Les enfants ont la capacité incroyable de transformer une réalité dramatique en instants magiques» commente Maï Masri. «C’est ce qui me laisse optimiste» dit-elle. Maï Masri ne fait que des films dont elle est convaincue. Les Enfants de Chatila est son neuvième documentaire. «J’ai choisi Chatila car je connais bien ce camp» souligne-t-elle. «J’y ai beaucoup filmé depuis 1982. Par ailleurs, c’est un camp qui a souffert, a été détruit plusieurs fois. C’est devenu un nom symbolique». Maï Masri explique que les camps libanais sont «l’exemple le plus poignant de la situation des réfugiés. On y vit dans la misère, sans autorisation de travailler ; sans espoir d’évolution. Les Palestiniens qui y vivent ont l’impression d’être oubliés. Ils ont été le noyau de la révolution palestinienne dans les années soixante-dix. Et aujourd’hui ce sont eux qui paient la facture de l’établissement d’un État palestinien». Un sentiment d’amertume et de tristesse qui les rend «encore plus attachés à leur identité et à un retour chez eux», dit-elle. Le choix d’Issa et de Farah s’est fait après un casting. «Les deux ont une présence devant la caméra. Issa a une imagination extraordinaire. Et Farah avec sa famille est représentative d’un vécu très courant au camp». Engagement Pour Maï Masri, un artiste doit être engagé, «humainement». Elle estime que «le politique n’est pas une condition obligatoire d’engagement, mais qu’il complète souvent l’action humanitaire». L’image l’intéresse parce que son impact est plus important que tout autre moyen de diffusion d’une idée. «De plus, c’est un art qui regroupe de nombreux moyens d’expression : l’écriture, la photo. Tout ce que j’ai appris, c’est à travers la caméra que je l’ai appris». Les neufs films qu’elle a signés sont des documentaires, mais pas au sens conventionnel. «Ils sont mélangés. Ce sont des gens ordinaires qui se racontent» dans un contexte réel. «La réalité est forte, riche. Elle dépasse souvent l’imagination». Ce qui n’empêche pas Maï Masri de soigner l’esthétique de ses films. En fait, «ce sont des fictions mais avec des caractères véritables» dit-elle. «Les gens me surprennent plus que les acteurs. Je leur trouve des talents naturels» conclut-elle.
La caméra n’est qu’un moyen pour Maï Masri de s’engager dans le combat «humanitaire». Cette cinéaste de mère américaine a bénéficié d’une éducation cosmopolite. Ce qui a renforcé son appartenance palestinienne. Une identité qu’elle revendique à sa manière, calme mais déterminée. Le dernier film qu’elle a réalisé vient de remporter un double prix à Londres. Une...