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Actualités - ANALYSE

La construction communautaire fruit d'un long processus

Si le discours de Robert Schuman, prononcé le 9 mai 1950, constitue la pierre angulaire de l’énorme chantier qu’est l’Union européenne, l’idée d’une fédération qui unirait les peuples d’Europe remontait au XIXe siècle. Victor Hugo avait déjà évoqué la perspective d’États unis d’Europe, et cette vision a été relayée par des philosophes cultivant un idéal pacifiste et humaniste auquel les tragiques conflits qui brisèrent le continent durant la première moitié du XXe siècle ont apporté un brutal démenti. Il a fallu passer par deux grandes guerres, provoquées en grande partie par des idéologies totalitaires ou nationalistes, pour enfin permettre, dans une Europe meurtrie et humiliée, l’émergence du concept d’une organisation du continent capable de dépasser les antagonismes nationaux. L’Europe communautaire doit beaucoup à Jean Monnet, homme d’État français et véritable géniteur (avec l’Italien Altiero Spinelli) du plan de Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères de l’époque. Le discours du 9 mai appelait à la création d’un organisme mettant en commun les ressources de charbon et d’acier de la France et de l’Allemagne. En effet, la IVe République voulait se rapprocher de la RFA du chancelier Adenauer, dans la perspective de mettre fin à une rivalité franco-germanique qui a valu aux deux pays, et a l’Europe en général, trois guerres meurtrières. Les pays du Benelux et l’Italie se sont ralliés au projet de Communauté européenne du charbon et de l’acier, et, le 18 avril 1951, les Six signèrent à Paris le traite instituant la CECA, qui a ouvert la voie au processus de construction européenne. Cette première collaboration ne dépassa pas le plan économique, et le projet de défense commune, représenté par la Communauté européenne de défense (CED), n’a pas été ratifié par l’Assemblée nationale française. Le dualisme instauré par la guerre froide et le souvenir récent de la Deuxième Guerre mondiale rendaient l’opinion publique sceptique et réfractaire à l’idée d’une armée regroupant des unités allemandes et françaises. Néanmoins, l’intégration communautaire poursuivit son chemin, et, durant la conférence de Messine, en juin 1955, les Six décidèrent d’étendre cette intégration à toute l’économie. Tandis qu’en mars 1957, les traités de Rome instauraient la Communauté économique européenne (CEE), noyau dur d’un long processus qui a permis d’établir des bases constitutionnelles et des liens juridiques qui vont bien au-delà des relations contractuelles entre États souverains. Les traités de Rome sur la CEE et la Communauté européenne de l’énergie atomique sont entrés en vigueur en 1957. Ils ont été modifiés en 1986 par l’Acte unique européen, en 1992 par le traité sur l’Union européenne, adopté en février à Maastricht, et, enfin, par le traité d’Amsterdam signé en octobre 1997. Entre-temps, l’élargissement vers de nouveaux pays membres enrichissait la construction européenne : en 1973, le Danemark, le Royaume-Uni et l’Irlande, tentés par le succès des Six, sont admis au sein de la CEE. En 1981 et en 1986, les adhésions de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal renforcèrent le flanc sud de la Communauté, tandis qu’en janvier 1995, trois nouveaux pays rejoignaient l’UE. L’Autriche, la Finlande et la Suède enrichissent l’Union de leur spécificité et lui ouvrent de nouvelles dimensions au cœur de l’Europe centrale et septentrionale. Actuellement, le processus d’adhésion est lancé pour dix pays de l’Europe centrale et orientale ainsi que Chypre. Si les candidature de la Hongrie, la Pologne, l’Estonie, la République tchèque, la Slovénie et Chypre semblent réalisables à court terme, de grands obstacles économiques et politiques retarderaient l’adhésion de la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie, la Turquie et la Slovaquie. Par ailleurs, le long chemin parcouru depuis la création de la CECA en 1951 a permis d’approfondir l’union des Quinze. Sur le plan économique d’abord, avec l’adoption d’une politique agricole, douanière, commerciale et surtout monétaire commune. En effet, la création de l’Union économique monétaire (UEM), héritière du serpent monétaire européen, donnait une nouvelle dimension à l’Union : la création de la monnaie unique, l’euro qui doit supplanter les monnaies nationales en 2002, marque une étape importante de la construction européenne. Sur le plan politique et judiciaire enfin, l’approfondissement de l’Union a réalisé des progrès énormes avec des institutions communautaires comme le Conseil de l’UE, le Parlement de Strasbourg, la Commission européenne, qui concentre le pouvoir exécutif, et la Cour de justice, la Cour des comptes, le Comité économique et social et le Comité des régions (voir par ailleurs). Aujourd’hui, malgré les grandes réalisations de l’Union, les pays membres doivent montrer plus d’audace pour mener à bien le chantier entrepris depuis 1951. Les défis se résument à la capacité de l’Union d’intégrer de nouveaux pays membres, de réussir le projet de monnaie commune, de surmonter les obstacles posés par le fonctionnement d’une institution regroupant plus de 25 pays, sans altérer son pouvoir de décision, et, surtout, s’atteler à l’édification d’une structure assez forte et d’une expression unifiée pour faire de la Grande Europe une puissance organisée.
Si le discours de Robert Schuman, prononcé le 9 mai 1950, constitue la pierre angulaire de l’énorme chantier qu’est l’Union européenne, l’idée d’une fédération qui unirait les peuples d’Europe remontait au XIXe siècle. Victor Hugo avait déjà évoqué la perspective d’États unis d’Europe, et cette vision a été relayée par des philosophes cultivant un idéal pacifiste et humaniste auquel les tragiques conflits qui brisèrent le continent durant la première moitié du XXe siècle ont apporté un brutal démenti. Il a fallu passer par deux grandes guerres, provoquées en grande partie par des idéologies totalitaires ou nationalistes, pour enfin permettre, dans une Europe meurtrie et humiliée, l’émergence du concept d’une organisation du continent capable de dépasser les antagonismes nationaux....