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Actualités - ANALYSE

Des fissures dans les blocs et les partis

Quand il n’y a que quatorze carottes pour cent quatorze lapins, cela donne forcément une belle empoignade. Et les serments d’allégeance ou d’alliance en prennent un sérieux coup. C’est ce que l’on voit aujourd’hui dans les blocs parlementaires et les partis, déchirés par le nombre excessif d’ambitieux qu’ils abritent en leurs flancs. Dès lors, il n’est pas exclu qu’à la faveur de la phase de mutation qui s’opère au niveau du pouvoir, le paysage politique se trouve tout entier recomposé. Nombre de groupes peuvent se défaire d’un moment à l’autre pour être remplacés par de nouvelles coalitions. C’est cette tendance de recyclage généralisé que dégagent, entre autres éléments, les consultations parlementaires pour la désignation d’un président du Conseil. La preuve matérielle en a été apportée par un détail de simple secrétariat : pour convoquer les députés, les services de la présidence de la République ont recouru à la liste précédente des blocs. Or dans la plupart des cas, les parlementaires ont refusé d’être intégrés dans des délégations de blocs, faisant savoir que leurs rapports avec leurs groupes s’étaient trop distendus ces derniers temps et qu’ils préféraient s’en démarquer, êtres consultés à titre individuel. Ou même préciser dans certains cas que cette fois ils viendraient au palais avec un autre groupe. Certains parlent aujourd’hui ouvertement de fonder une nouvelle sorte de formation politique : un club en quelque sorte qui regrouperait des députés et des personnalités d’en dehors la Chambre. Ils estiment qu’avec le changement de régime, il faut également modifier les tonalités de l’expression politique, les élargir et les préciser. «Il est grand temps, affirme l’un de ces idéalistes opportunistes, qu’on mette un terme au méli-mélo, aux équivoques et aux ambiguïtés qui font que les loyalistes tiennent souvent des propos d’opposants et vice versa…». Un autre de ces réformateurs précise plus franchement que «l’avènement du général Lahoud peut nous permettre de larguer les leaders qui nous tiennent sous leur coupe pour nous mettre au service de la présidence». Le hic, c’est que cette présidence déclare ne vouloir avoir à sa solde ni ministres ni députés. Mais ces derniers sont quand même résolus à servir sous la bannière du général, même s’il ne doit pas leur flatter l’échine, pour le simple avantage de se mettre politiquement à leur compte. C’est donc un front néoloyaliste en puissance qui se formerait à la Chambre. Il pourrait englober, estiment les observateurs, les députés arméniens qui ont décidé à l’occasion de l’avènement du général Lahoud de reformer un bloc pour soutenir le régime alors qu’ils étaient séparés. Parallèlement, de grands blocs connaissent d’inquiétantes défections. Ainsi des députés arméniens se sont retirés du bloc Hariri. Et nombre de parlementaires affiliés à ce même groupement développent entre eux et avec d’autres des tractations fébriles pour se lier au sein d’un mouvement autonome. Il en va de même du côté du bloc Berry que le ministre Nadim Salem a été le premier à quitter, sans doute pour essayer avec Nassib Lahoud et Camille Ziadé de fonder un groupe qui comprendrait également des extraparlementaires. Chez M. Michel Murr, départ de Habib Hakim et de Sebou Hovananian. Le trio du parti Waad n’est plus de son côté qu’un duo Élie Hobeika-Jean Ghanem, après la désertion d’Émile Naufal qui va s’efforcer de rejoindre Nouhad Soueyd et Mahmoud Aouad pour former un bloc Jbeil. À l’Est, les partis qui espèrent pouvoir rentrer en scène, à savoir les Kataëb, le Bloc national et le Parti national libéral, sont en plein travail de renforcement ou de restructuration, car force leur est de reconnaître qu’ils sont maintenant affaiblis. Le vice-président des Kataëb Karim Pakradouni déploie ainsi d’intenses efforts pour la réintégration d’anciens cadres.
Quand il n’y a que quatorze carottes pour cent quatorze lapins, cela donne forcément une belle empoignade. Et les serments d’allégeance ou d’alliance en prennent un sérieux coup. C’est ce que l’on voit aujourd’hui dans les blocs parlementaires et les partis, déchirés par le nombre excessif d’ambitieux qu’ils abritent en leurs flancs. Dès lors, il n’est pas...