Actualités - CHRONOLOGIE
Appréhension du choc psychologique
le 11 novembre 1998 à 00h00
Certains parlent déjà de «choc psychologique énorme», d’autres vont jusqu’à évoquer un «petit deuil». De l’avis des praticiens et des experts, le passage du franc à l’euro risque fort de perturber le consommateur, en le privant brutalement de ses repères ancestraux. Ce changement sera plus fort chez les Français que chez les autres Européens, assure Marie-Adèle Claisse, psychanalyste et auteur du livre «Dites oui à l’argent. «Le franc est l’une des plus anciennes monnaies des onze nations à basculer dans l’euro et la seule à porter le nom de son pays», rappelle-t-elle. Le franc est apparu pour la première fois en 1360, en pleine Guerre de Cent ans, en l’honneur de la libération du roi Jean II le Bon, fait prisonnier à Poitiers par les Anglais quatre ans plus tôt. Après le paiement d’une rançon de trois millions d’écus d’or, le souverain était «franc» des Anglais, c’est-à-dire libre. «Le Français a une nature très terrienne, souligne Mme Claisse. Il ressent une identité commune avec le franc. Quand on lui retirera sa monnaie, il pourrait se sentir dépossédé de cette identité et le vivre comme un reniement de ses ancêtres. Regardez le temps qu’il aura fallu pour passer des anciens aux nouveaux francs». Au-delà du risque de déracinement, le consommateur va se retrouver brusquement dépourvu de repères. Une paire de chaussures à 69,90 euros, un Paris-Marseille en avion à 180 euros, est-ce cher ou bon marché? Sans son indispensable «prothèse-calculette», devenue depuis quelques mois un cadeau d’entreprise incontournable, on risque de se retrouver fort dépourvu. «N’oubliez pas que dans une langue étrangère, on retraduit presque systématiquement les chiffres dans sa propre langue, même si on est bilingue», relève Marie-Adèle Claisse. Généralement, les psys pensent que les réactions varieront selon la catégorie affective et le profil socio-professionnel. «Les gens qui ont des problèmes, avec l’argent, mais aussi des soucis d’insertion ou de nature affective pourront ressentir avec l’euro un appauvrissement», estime Ilana Reiss-Schimmel, analyste et auteur du livre La psychanalyse et l’argent. «L’argent, ce n’est pas seulement un pouvoir d’achat, c’est aussi un pouvoir d’être», insiste-t-elle. Or, avec le taux de conversion de l’euro (il faudra environ 6,50 F pour un euro), beaucoup de consommateurs pourraient croire, à tort, qu’ils ont perdu au change. Une sorte d’appauvrissement virtuel, très perceptible pour les exclus. À l’inverse, les gens ouverts au voyage, rompus aux technologies de l’information, pourraient «se sentir enrichis». «En s’ouvrant à une relation nouvelle avec l’Europe, cela pourrait même ramener l’argent à l’état de simple instrument de mesure, lui faisant perdre son côté divinatoire», résume Mme Reiss-Schimmel. Mais il faudra de toute façon attendre «la rencontre visuelle et tactile» avec l’euro pour mesurer précisément les résistances. D’où l’importance de la pédagogie mise en place autour de la monnaie européenne, avec le double étiquetage franc-euro. Les choses ne devront cependant pas aller trop vite. «Diviser un salaire par 6,5 alors que les références quotidiennes, comme les prix, sont encore en francs, représente un choc psychologique qu’il ne faut pas sous-estimer», pense Pierre Simon, directeur de l’Association française des établissements de crédit et des entreprises. Sans parler des sueurs froides attrapées en découvrant le solde de son compte en banque libellé en euros...
Certains parlent déjà de «choc psychologique énorme», d’autres vont jusqu’à évoquer un «petit deuil». De l’avis des praticiens et des experts, le passage du franc à l’euro risque fort de perturber le consommateur, en le privant brutalement de ses repères ancestraux. Ce changement sera plus fort chez les Français que chez les autres Européens, assure Marie-Adèle Claisse, psychanalyste et auteur du livre «Dites oui à l’argent. «Le franc est l’une des plus anciennes monnaies des onze nations à basculer dans l’euro et la seule à porter le nom de son pays», rappelle-t-elle. Le franc est apparu pour la première fois en 1360, en pleine Guerre de Cent ans, en l’honneur de la libération du roi Jean II le Bon, fait prisonnier à Poitiers par les Anglais quatre ans plus tôt. Après le paiement d’une rançon...
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