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Actualités - OPINION

Régression féodale

L’une des premières choses que le nouveau chef de l’État devra faire, c’est réveiller un Liban qui, au fil des années, a effectué une formidable régression de nature féodale. Non pas le féodalisme de la terre, encore qu’il subsiste, mais le féodalisme servile de l’intérêt et de l’argent.Un féodalisme qui, associé au confessionnalisme, a cloisonné la société, et en a fait une juxtaposition de domaines réservés sur lesquels veillent de véritables barons qui, à leur tour, sont les vassaux d’un des princes du moment. La façon dont le nouveau chef de l’État a été choisi reflète, à sa manière, cette régression. Après avoir, un moment, accédé à l’indépendance, nous sommes de nouveau traités en mineurs. On a choisi pour nous. Que ce choix soit conforme aux aspirations de larges franges de la population, est heureux. L’hypothèque reste, et le président-élu ne peut pas ne pas en être conscient. On n’amende pas une Constitution dans l’intérêt d’une personne. Voilà le principe. Dans les faits, toutefois, depuis 1995, date de la prorogation du mandat du président Hraoui, et peut-être même avant, mais moins ouvertement, tout se passe comme si, en raison d’un État d’urgence politique, ou disons géopolitique donné, la Constitution était suspendue, et n’est appliquée que lorsqu’on y a intérêt. C’est peut-être du pragmatisme, mais cette instabilité constitutionnelle a un prix : elle anesthésie. Las de ne pouvoir se faire entendre et respecter, le peuple baisse les bras, démissionne. Le président-élu a parlé dans son premier message de ceux qui se sentent étrangers dans leur propre pays. À tous les niveaux, et non seulement au niveau politique. Car il y a ceux qui désespèrent de ne pouvoir faire entendre leur voix sur des projets de développement qui se font aux dépens du patrimoine, ou du bon sens, ou des Finances publiques, ou qui cherchent à préserver un site naturel contre l’invasion du béton. Et nous ne parlons ni des étrangers naturalisés, ni de la main-d’œuvre étrangère. «Je suis de ceux qui croient que la rectitude commence par le sommet», affirme encore le premier message du président-élu. Paroles plus que bienvenues, salutaires, dans un paysage social, administratif et moral en déliquescence. Paroles toniques. Paroles sages si le président-élu veut éviter de répéter l’erreur de ses prédécesseurs. La réforme administrative suit la réforme politique, et ne la précède pas. C’est un peu comme avec la circulation: on ne peut interdire de garer, avant d’avoir prévu des parkings. Ce serait mettre la charrue devant les bœufs, et faire payer, une fois de plus, aux petits, les erreurs des grands. «La rectitude commence par le sommet». Le peuple attend pour voir, et applaudir.
L’une des premières choses que le nouveau chef de l’État devra faire, c’est réveiller un Liban qui, au fil des années, a effectué une formidable régression de nature féodale. Non pas le féodalisme de la terre, encore qu’il subsiste, mais le féodalisme servile de l’intérêt et de l’argent.Un féodalisme qui, associé au confessionnalisme, a cloisonné la société,...