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Actualités - REPORTAGE

Présente au festival international des francophones en Limousin Abla Farhoud : écrire pour renouer le fil coupé de l'enfance (photo)

Abla Farhoud était de la fête au 15e Festival international des francophonies en Limousin. «Auteur en résidence» en 1992, elle est revenue cette année pour les dix ans de la «Maison des auteurs». À l’instar des 72 écrivains qui ont résidé à Limoges, elle a participé au «Parcours en labyrinthe», spectacle déambulatoire qui a investi la toute nouvelle médiathèque. Lauréate en 1993, du Prix Arletty de l’universalité de la langue française, Abla Farhoud est dramaturge et romancière à part entière. Libano-Canadienne, Abla Farhoud vit au Québec depuis plus de vingt-cinq ans. Née en 1945, elle a émigré une première fois vers le Canada dans le début des années cinquante. Originaire d’Aïn-Herché, «plus loin que Rachaya el-Wadi, vers le sud» dit-elle, «je viens d’une famille qui a pris le chemin du continent américain depuis la fin du XIXe siècle». En 1965, Abla Farhoud a 17 ans quand elle revient vivre au Liban avec ses parents. «J’étais comédienne, j’ai travaillé notamment avec Roger Assaf et Chakib Khoury. Mais le milieu libanais m’étouffait. J’ai pris la fuite en 1969. J’ai fait une escale à Paris. J’étais censée y passer 15 jours, j’y suis restée quatre ans». Elle entreprend des études de théâtre à l’université de Vincennes. Et reprend l’avion pour le Québec en 1973. «La vraie déchirure, je l’ai vécue en 1965. Je retournais au pays de l’enfance, avec tout ce que cela implique de rêves. Je me suis retrouvée dans un monde d’hommes où la femme n’avait aucun droit, aucune considération, aucune place. J’ai mal vécu tout cela». En 1985, elle obtient une maîtrise en art dramatique à l’université de Québec à Montréal. Comédienne puis dramaturge Être simplement l’interprète d’un texte, d’une histoire ne lui suffit plus. Elle a des choses qu’elle a envie de raconter, des chocs qu’elle veut jeter sur le papier. «Quand j’étais grande» est le premier texte qu’elle écrit. Il sera mis en scène par Louise Laprade et présenté au 3e Festival de créations de femmes, à Montréal en 1983. «C’est l’histoire d’une petite fille qui revit des vies antérieures dans lesquelles elle a eu à subir la tyrannie des hommes». La condition des femmes, spécialement des émigrées, est un thème récurrent dans l’œuvre d’Abla Farhoud. «Les filles du 5, 10, 15c», mise en scène en 1986, par Lorraine Pintal à Montréal et en 1992, par Gabriel Garran, au Festival international des francophonies en Limousin, est un dialogue entre deux sœurs, Amira et Kaoukab. Filles d’émigrés, elles tiennent le supermarché familial, permettant ainsi au frère de poursuivre ses études. Elles y sont confinées du matin au soir, sans aucune perspective d’avenir, que celle de se voir casées avec un concitoyen. «Elles sont confrontées à une situation dichotomique : prises entre un passé porté par leurs parents et un présent complètement défait, pour lequel elles ne sentent aucune appartenance», souligne l’auteur. Elle a commencé par écrire du théâtre, «parce que cela allait de soi. Cela faisait des années que je travaillais dans le théâtre. Il m’était plus aisé d’aborder l’écriture par ce biais». Suivent «Apatride», écrit en 1993, suite à un séjour à Beyrouth, en compagnie de ses deux enfants; puis «Jeux de patience» présenté en 1994. Dans cette pièce, deux femmes sont face à face: l’une a vécu une expérience traumatisante (la mort de sa fille) et l’autre (Monique) pas. «Arriver à exprimer ce que je n’ai pas vécu, c’est cela l’écriture pour moi. Aller encore plus loin dans l’inconscient». L’acte d’écriture serait-il une thérapie? «Pas pour régler un problème; plutôt écrire pour savoir l’innommable, ce qui ne se comprend pas avec l’intellect uniquement». Avec ces deux pièces, «je concluais ainsi un cycle en rapport direct avec le pays de l’enfance. À partir de là, l’origine de mes écrits n’a plus été le pays, mais moi-même. Le pays devient mon corps. Et l’émigration n’est plus un handicap mais une force». Discipline Abla Farhoud a une discipline très stricte dans son travail. «Levée à 5h30, la matinée est pour moi le meilleur moment pour écrire». Écrire est un moyen pour elle de garder une trace, de renouer le fil coupé de l’enfance. Ce traumatisme lui a donné, dit-elle, un rapport différent au temps et à la mort. À son actif un seul roman, «Le bonheur a la queue glissante», édité chez «L’Hexagone» au début de cette année. «L’idée que j’ai eu d’une femme de 75 ans qui raconte sa vie avait besoin de temps pour être menée à terme. Elle avait surtout besoin d’un autre mode d’écriture que le théâtre. Je ne voyais pas un corps dans l’espace, mais j’entendais une voix». Écrit grâce au récit de sa mère, ce roman relate le destin, largement biographique, de Dounia, partie de Beyrouth avec ses enfants et établie au Canada. Hommage à une femme que la vie n’a pas épargnée. Par sa présence, sa sagesse puisée dans les proverbes — qui émaillent agréablement le récit — elle a maintenu la cohésion d’un milieu familial arraché à sa terre natale. Abla Farhoud déclare avoir envie de voir ses œuvres traduites et publiées au Liban. «Afin qu’elles soient plus largement diffusées. Lues par un plus grand nombre», dit-elle. Elle lance, dans un rire: «Mon rêve est que mes livres soient traduits en 83 langues. Il y a encore du travail».
Abla Farhoud était de la fête au 15e Festival international des francophonies en Limousin. «Auteur en résidence» en 1992, elle est revenue cette année pour les dix ans de la «Maison des auteurs». À l’instar des 72 écrivains qui ont résidé à Limoges, elle a participé au «Parcours en labyrinthe», spectacle déambulatoire qui a investi la toute nouvelle médiathèque. Lauréate en...