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Actualités - ANALYSE

Le système de la troïka : un véritable capharnaüm

Pour traiter les effets, il faut un peu remonter aux causes. La corruption gangrène ce pays et le met en danger de faillite. Comment a-t-elle pu se répandre au cours des dernières années et pourquoi au lieu d’un État des institutions, a-t-on vu s’édifier une république des fermes? Un politicien, député et ministre «inamovible» qui a pu suivre de près le déroulement du tournage, avoue que «depuis le tout premier cri «Action» sur le plateau, ou «Moteur» comme on dit en français, le film a été tronqué. Ce n’était pas un seul réalisateur mais trois qu’il y avait derrière la caméra. D’entrée de jeu, on a eu droit à un système de partage qui, partant d’abord de la troïka, s’étendait ensuite à toutes les couches du pouvoir, législatif, exécutif et administratif». «Chacun, poursuit-il, devait avoir sa part, proportionnellement à son influence. Un sous-directeur pouvait faire nommer un coursier; un directeur, un greffier; et un ministre… un sous-directeur. Les présidents s’occupaient pour leur part, c’est le cas de le dire, des postes clés de première catégorie ou encore des portefeuilles, ce qui était encore plus intéressant, pour ne pas dire plus juteux. La même échelle pour les contrats. Bien évidemment le capharnaüm que l’on obtenait ainsi ne pouvait pas produire des gouvernements cohérents et efficaces. Le Cabinet actuel en est un exemple type». «Là où le gouvernement français ne comprend que vingt-quatre ministres en titre, le nôtre en présente trente, dont le Libanais moyen ne connaît même pas tous les noms ou les postes, toujours selon ce politicien. Si l’on ose dire, il n’est pas étonnant que tant de bras inutiles en viennent aux mains régulièrement, pour s’occuper. Il ne s’est pas passé une seule semaine, depuis la naissance de la présente république, sans qu’il y ait une dispute soit entre les présidents, soit entre eux et des ministres, soit entre les membres du gouvernement, soit entre ce dernier et la Chambre, sans parler des altercations avec divers pôles non officiels, comme les syndicats. Ces luttes intestines, tout en empoisonnant le climat public, ont surtout servi à masquer l’aggravation du chancre dévorant de la corruption. Laquelle, alliée aux retombées naturelles des disputes, a fini par miner dangereusement l’économie libanaise». Les «planques» Revenant sur un sujet qui semble lui tenir à cœur, cet homme politique de poids, qui n’a jamais songé à démissionner malgré son apparent écœurement, affirme que «l’État libanais a beaucoup régressé cette année à cause des nominations. En effet, chaque fois que l’occasion s’en présentait on assistait à un bazar entre les tenants du pouvoir qui voulaient installer aux postes clés des hommes à eux, sans tenir compte évidemment des critères de compétence ou de capacité. Souvent, à vrai dire, ils n’arrivaient pas à s’entendre. Et ainsi beaucoup de postes nécessaires restent jusqu’à présent sans titulaires. Les autres ne sont pas toujours en de bonnes mains, et le rendement de l’Administration en a beaucoup souffert». «Le Conseil de la Fonction publique, qui devrait avoir la main haute sur les désignations, n’a pu qu’assister impuissant à cette dégradation, car on lui a ligoté les poignets en lui interdisant d’intervenir, dit encore ce ministre. Il n’a de même rien pu faire sur le recrutement forcené et aveugle, au nom du clientélisme, de fonctionnaires de toutes catégories. Ce qui a surchargé l’Administration d’un excédent incroyable d’employés tout à fait inutiles. Ces derniers, qui se comptent par dizaines de milliers, restent les bras croisés et se contentent de toucher leur salaire au début du mois, car les fonctionnaires du service public ont le privilège de percevoir leur traitement avant même d’avoir travaillé». Et de donner le frappant exemple du ministère de l’Information «dont les effectifs de 400 éléments, déjà pléthoriques, ont plus que quadruplé et sont passés à 1.700, pour placer les clients oisifs de tel président, de tel ministre ou de tel député». Ce ministre cite également, mais sans avancer de chiffres, d’autres bonnes planques notoires comme la MEA, les P&T ou le Casino. Il évoque ensuite les contrats de gré à gré passés dans le dos de la direction des adjudications et qui produisent de fabuleux pourcentages de main à main… Révélant que «l’une des astuces les plus courantes, pour contourner la commission des adjudications, est de lui adresser un dossier tronqué. Le temps qu’elle enquête et qu’elle corrige les données, les ministres prennent prétexte du préjudice causé par le retard pour procéder à la conclusion des contrats de gré à gré, pour des sommes qui dépassent évidemment de très loin une adjudication ordinaire». Selon lui toutes ces joyeusetés n’ont été rendues possibles que par le système de la troïka «que l’on ne regrettera pas…». Sauf évidemment ceux qui en profitaient.
Pour traiter les effets, il faut un peu remonter aux causes. La corruption gangrène ce pays et le met en danger de faillite. Comment a-t-elle pu se répandre au cours des dernières années et pourquoi au lieu d’un État des institutions, a-t-on vu s’édifier une république des fermes? Un politicien, député et ministre «inamovible» qui a pu suivre de près le déroulement du...