Actualités - OPINION
Tribune Festivals : hommage à l'innovation
Par AVEDISSIAN Gérard, le 04 septembre 1998 à 00h00
Cet été 98, le «jeune» Festival de Beiteddine a repris le flambeau en innovant et en osant commander (et ceci pour la première fois depuis 1963 au Liban) une création théâtrale, en langue arabe, à un metteur en scène libanais. Roger Assaf en a eu l’honneur, avec la création de «al-Mayssane». Sa réussite artistique pavera la route, je l’espère, à d’autres vieux routiers ou jeunes créateurs, afin que chaque été, la création théâtrale ne se limite pas au sempiternel folklore libanais naphtalineux. Ainsi, le Festival de Beiteddine démontre que les festivals d’été ne sont pas uniquement des programmateurs et des consommateurs de productions mondiales, mais aussi un véritable moteur créatif de la vie artistique au Liban. Mission accomplie avec honneurs, bravo! Le théâtre, entre autres, est une célébration de la vie. Le théâtre musical de Assi Rahbani avec Feyrouz est gravé pour toujours dans la mémoire collective du Liban et des pays arabes... Ces clichés de service étant dits, comment décrire les soirées Feyrouz à Baalbeck? A force de vouloir perpétuer le mythe national rahbanien, un certain Liban nostalgique et vieillissant a voulu revivre le passé glorieux du Temple de Jupiter, dans une entreprise anthologique, un véritable simulacre de la vie... La jeune voix palpitante du passé, réanimée en play-back, a été réinjectée dans le corps éprouvé du présent, à coups de centaines de milliers de dollars... L’âge a ses raisons que l’art ne connaît pas... Le parallèle avec la réalité libanaise est tentant: en consacrant la Feyrouz d’antan, le Liban continue à s’accrocher à son passé fictif. Evidemment, il est plus difficile d’affronter un futur incertain. Le Liban vit le deuil perpétuel de Assi et ne cessera jamais de l’enterrer, que Dieu bénisse son âme là où elle est... Lui qui n’a eu cesse de célébrer la vie, a dû survoler tel une âme vengeresse chaque soir les ruines de Baalbeck, se demandant ce que ses héritiers et ses ayants droit font de son legs artistique, devant un public béat, ne demandant qu’à être trompé, nourri des légendes et des prétentions fallacieuses des années dorées d’avant-guerre, jurant, oh miracle, que Feyrouz a soudain retrouvé sa glorieuse voix d’il y a trente ans!!! Par contre, le génial Assi et son copain Philemon Wehbé se sont sûrement amusés comme des fous à la clôture du Festival de Baalbeck avec «Urban Sax» et leur quarante musiciens futuristes et danseuses. Des musiciens étranges, comme des «aliens» débarqués d’une planète artistique inspirée, avec leurs merveilleux orgues à feu et leurs instruments de musique plus familiers à nos oreilles de mortels libanais, nous ont reçu à partir de la cour hexagonale, et dans une lente procession pleine de promesses et de délectations musicales, ils nous ont préparé en nous accompagnant jusqu’à la scène du Temple de Jupiter... Et là, entre feu et eau, par orgues à feu et trente saxophones interposés, ils nous ont transporté dans leur extraordinaire planète musicale, là où la création, la recherche musicale et l’inventivité scénique règnent, pour notre plus grand plaisir... Le Festival de Baalbeck a enfin réussi à nous étonner. Le public était ravi et emporté. Enfin, l’imagination créative se glissait dans les niches et les pierres des temples, en démontrant que la célébration de la vie et de la jeunesse se fait en vivant la vie «en direct». Sommes-nous encore des prisonniers du village mythique rahbanien et toujours malades de notre passé récent? Quand sortirons-nous de ce coma collectif pour célébrer notre nouvelle vie «post-Taëf»? Une vie moderne qui montre le chemin aux jeunes et qui ne leur fait plus porter le poids de notre passé peu glorieux. Espérons que les festivals continueront à nous surprendre chaque été, avec imagination et créativité, comme ils l’ont fait, par exemple, avec Fadia el-Hajj à Baalbeck et Shahram Nazeri à Beiteddine. ...Et un grand merci aux vaillantes dames des deux comités! Chapeau bas et applaudissements à la ronde!
Cet été 98, le «jeune» Festival de Beiteddine a repris le flambeau en innovant et en osant commander (et ceci pour la première fois depuis 1963 au Liban) une création théâtrale, en langue arabe, à un metteur en scène libanais. Roger Assaf en a eu l’honneur, avec la création de «al-Mayssane». Sa réussite artistique pavera la route, je l’espère, à d’autres vieux routiers ou...
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