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Actualités - ANALYSE

Pour les loyalistes, la solution réside.. dans des présidentielles anticipées !

Et maintenant, après l’accord proclamé, la partie la plus «sérieuse» du contrat tacite, non rendu public, entre les présidents: l’organisation d’élections présidentielles anticipées, pour abréger une période de tensions préjudiciables à l’économie nationale et à la stabilité monétaire du pays. Les officiels, qui ont du «sérieux» une conception tout à fait originale, affirment sans sourciller qu’on peut «en amendant la Constitution à cette fin apporter par les présidentielles anticipées une solution radicale à la crise aiguë que traverse le pays».
On ne voit pas comment, à moins que les intéressés ne confondent les problèmes des gens avec ceux que leur posent leurs propres ambitions personnelles. Les sources loyalistes citées précisent que «l’on a convenu entre présidents qu’un changement ou un remaniement ministériels ne résoudrait rien et compliquerait même les choses en aggravant la risque d’une crise de pouvoir. Alors qu’en raccourcissant la campagne des présidentielles, on coupe court à la dégradation».
Il y a visiblement erreur sur les nuances: à la rigueur, des présidentielles avancées peuvent limiter l’aggravation des dégâts que la caste politicienne cause sur le plan socio-économique et réduire sa capacité de nuisance par rapport au pays. Mais elles ne peuvent certainement pas résoudre la crise économique.
De plus, abrégée ou pas, la campagne des présidentielles va très probablement mettre à mal par ses tiraillements forcés le laborieux replâtrage, dont les termes sont d’ailleurs confus, mis au point au sein de la troïka sur injonction expresse — encore une fois — des décideurs.
Toujours est-il que sur les détails, il y a déjà divergence entre les responsables. Les uns veulent que l’on amende les articles 35 et 73 de la Constitution dès la session parlementaire d’automne qui s’ouvre mardi prochain à la Chambre pour que l’élection présidentielle ait lieu en avril ou en mai. Les autres, que cet amendement n’intervienne qu’après l’approbation du budget, au cours de la session de printemps qui s’ouvre à la mi-mars, l’élection ayant lieu alors en été, ce qui ferait par ricochet reporter les municipales à 99.
Autre point de friction virtuelle qui n’est pas encore tout à fait clarifié: s’agirait-il comme en 1976 de différer la passation de pouvoirs jusqu’à l’expiration du mandat du président en place; ou faudrait-il raccourcir ce bail, M. Hraoui quittant alors Baabda un ou deux mois après l’élection de son successeur, et plus d’un an avant le terme ordinaire?

Forcing

On ne sait pas encore, mais ce sont les haririens qui se montrent le plus pressés. En effet un changement de régime rapproché entraînerait un remplacement simultané d’un Cabinet dont ils ne veulent plus, car leur chef n’y règne plus en maître absolu.
On sait en effet que M. Rafic Hariri a tenté de changer d’équipe ou à tout le moins de la remanier pour larguer les ministres contestataires. A cette proposition, Damas n’a pas dit non, mais a posé comme condition que l’opération fasse d’abord le projet d’un consensus entre les trois présidents, ce qui n’a pu se faire. Ce serait donc en partie pour sortir de cette impasse, car M. Hariri excédé risquait à tout moment de partir en claquant la porte malgré les conseils de retenue syriens, que l’on a opté pour des présidentielles anticipées ayant pour conséquence naturelle un changement de gouvernement. Et, dans cette perspective, les haririens affirment que leur leader est sûr de ce succéder à lui-même. Une certitude confirmée indirectement par les partisans de M. Berry qui révèlent que le président de la Chambre a envoyé balader ceux qui lui proposaient de laisser le gouvernement actuel démissionner pour qu’une fois pressenti de nouveau M. Hariri se trouve confronté à de tels écueils qu’il renonce à former un nouveau Cabinet et cède la place à un autre. Une manœuvre qui n’a donc pas du tout tenté M. Berry pour la bonne raison, probablement, qu’il est bien placé pour savoir que le seul vrai candidat de Damas à la présidence du Conseil reste M. Hariri.
Sans compter qu’un président du Conseil désigné peut rester des mois et des mois à tenter de former son gouvernement, rien ne le lui interdisant dans la Constitution qui ne règle pas le problème d’un blocage découlant durant cette procédure d’un différend entre le pressenti et le chef de l’Etat, comme on l’a vu lors de la dernière édition... On tomberait alors, comme on a failli le faire, dans une crise de pouvoir insoluble.
Il y a aussi, précisent des parlementaires, un autre élément à prendre en compte: si on devait provoquer l’éclatement du Cabinet, en amenant par exemple dix ministres à démissionner en bloc et si on devait faire sérieusement obstacle au retour de M. Hariri, il userait à son tour de son pouvoir d’obstruction — devenu effectif depuis les dernières élections législatives — pour empêcher la formation d’un nouveau gouvernement par un autre.

Incontournable

Autrement dit, M. Hariri est devenu, sur la scène politique locale, une puissance avec laquelle il faut compter et qui détient de ce fait une sorte de droit de veto permanent.
Pour toutes ces causes, l’on a donc opté pour une élection présidentielle anticipée. Mais il est important à cet égard de savoir si M. Hraoui accepte l’idée de partir avant terme et si dans son esprit il ne s’agit que de rééditer l’expérience de 1976. Car s’il s’y refuse, rien ne peut se faire au niveau de l’Exécutif: la Constitution précise en effet dans l’article 76 «tel que modifié par la loi constitutionnelle du 17 octobre 1927, art 41», qu’elle peut être modifiée seulement «sur initiative du président de la République. Dans ce cas le gouvernement adressera à la Chambre un projet de loi constitutionnelle». Il reste bien une option de révision constitutionnelle passant par une initiative du Parlement, mais elle est bien trop longue pour être utile en pareils cas où c’est justement une question de délai qui est en jeu. En effet, si dix députés au moins font voter à la majorité des deux tiers une motion réclamant la révision, l’Exécutif a un délai de quatre mois pour l’approuver ou la renvoyer pour réexamen à la Chambre qui doit alors la confirmer par un vote aux trois quarts de ses membres. Après quoi, la balle est dans le camp du président de la République qui peut ou bien s’incliner ou bien demander au Conseil des ministres de dissoudre la Chambre et d’organiser des élections dans un délai de trois mois (art. 77). Comme on voit, si M. Hraoui n’est pas d’accord pour partir avant terme, il sera difficile de l’y forcer.
Autre point, tout à fait capital, à vérifier: l’accord entre protagonistes locaux sur des présidentielles anticipées a-t-il reçu l’aval des véritables grands électeurs, Syrie en tête? Pour beaucoup de sources qui se disent informées «il ne faut pas croire qu’il suffit à MM. Berry et Hariri de s’entendre pour tout faire passer. Cette histoire de présidentielles anticipées doit encore être tirée au clair et peaufinée non seulement entre les trois présidents locaux mais aussi au cours d’un sommet élargi avec les Syriens, s’ils en acceptent l’idée, ce qui n’est pas encore certain. D’autant, concluent ces sources, qu’on ne peut pas objectivement exclure qu’en définitive les décideurs trouvent préférable de proroger encore une fois le mandat de M. Elias Hraoui...»
En somme chacun ici rêve tout haut et c’est ailleurs que l’on agit et que l’on décide...

E.K.
Et maintenant, après l’accord proclamé, la partie la plus «sérieuse» du contrat tacite, non rendu public, entre les présidents: l’organisation d’élections présidentielles anticipées, pour abréger une période de tensions préjudiciables à l’économie nationale et à la stabilité monétaire du pays. Les officiels, qui ont du «sérieux» une conception tout à fait...