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Actualités - CHRONOLOGIE

L'ombre de la présidentielle plane sur les querelles budgétaires

La véritable bombe qu’ont constituée les indications fournies, jeudi, devant la commission parlementaire des Finances par les organismes de contrôle de l’Etat au sujet du gaspillage et de la dilapidation des fonds publics continuera sans doute de provoquer des vagues pendant longtemps. Il n’en fallait pas tant, en effet, pour relancer et entretenir les tiraillements politiciens et les manœuvres entre les principaux pôles du pouvoir. Du coup, le prochain débat parlementaire sur le projet de budget 98 promet d’être particulièrement animé.
Alors que le déficit budgétaire et la dette publique ont atteint la cote d’alerte, et au moment où le gouvernement insiste pour une augmentation substantielle des taxes et des impôts indirects afin de renflouer les caisses de l’Etat, les informations présentées par les organismes de contrôle ne pouvaient plus mal tomber pour le premier ministre Rafic Hariri. Certes, la plupart des ministères ainsi que les trois présidences se sont vu reprocher un inqualifiable gaspillage dans leurs dépenses de fonctionnement. Mais, en réalité, ce qui est dénoncé (et visé), c’est essentiellement le Cabinet en place, et à travers lui M. Hariri et sa gestion des affaires publiques.
Conscient de la gravité et de la portée du coup d’éclat des organismes de contrôle, le chef du gouvernement et son équipe ont rapidement contre-attaqué en tentant de minimiser l’affaire, autant que faire se peut. Prenant la parole au cours de l’ouverture d’un congrès à Saïda, M. Hariri a d’abord souligné que les informations rapportées hier par l’ensemble de la presse ne constituent pas un «rapport» de la Cour des comptes sur le gaspillage dans les administrations publiques, mais une simple étude comparative établie par l’inspecteur financier de l’Inspection centrale pour faire un parallèle entre les budgets de 96 et de 97.
Cette nuance (quelle que soit son importance) ne change rien, cependant, à la réalité des chiffres exposés lors de la réunion de la commission parlementaire des Finances, jeudi (et que nous avons rapportés en détail dans notre édition d’hier). Des chiffres qui en disent long sur l’ampleur de la dilapidation des fonds publics Qalors que ce même gouvernement responsable de cet indéniable gaspillage impose au contribuable de nouveaux impôts indirects afin de résorber le déficit budgétaire.
Dans le but évident d’atténuer l’impact de cette «bombe» aux conséquences imprévisibles, la Cour des comptes a été amenée à faire paraître un communiqué de presse, distribué par les services de la présidence du Conseil, reprenant l’argumentation de M. Hariri et démentant avoir présenté un rapport «écrit» sur le gaspillage dans les administrations publiques. La Cour des comptes indique sur ce plan que son président avait exposé des «éclaircissements verbaux» devant la commission parlementaire et que le rapport repris hier par la presse était en réalité celui de l’Inspecteur financier qui a «établi une comparaison entre les crédits prévus dans les budgets de 96 et de 97».

Les explications

Quant à l’inspecteur financier, M. Sami Barakat, il a, lui aussi, publié un communiqué (distribué également par les services de la présidence du Conseil, en même temps que celui de la Cour des comptes) pour apporter des précisions qui (tout comme celles fournies par la Cour des comptes) ne changent en rien à la réalité des faits et ne constituent donc pas un démenti des informations parues dans la presse.
Le communiqué de l’inspecteur financier rappelle pour commencer que les chiffres exposés lors de la réunion de jeudi au Parlement se rapportent au budget de l’exercice en cours «qui a été voté par le Parlement». «La réunion de la commission parlementaire des Finances, ajoute le communiqué, était consacrée à l’examen de l’approche suivie pour l’élaboration du projet de budget, à l’occasion du transfert à la Chambre du projet de budget pour l’année 1998. Il n’a donc pas été question de gaspillage des fonds publics ou de dépenses non justifiées. Le débat a porté sur une étude comparative entre les chiffres du projet de budget et le budget de l’année précédente. L’accent a été mis sur la nécessité de justifier d’une manière claire et précise les écarts entre ces deux budgets».
A défaut de pouvoir démentir les chiffres et la teneur du rapport publié par la presse, les responsables s’en tiennent ainsi à souligner que les organismes de contrôle ne se sont pas employés à dénoncer «explicitement» le gaspillage mais se sont contentés de rapporter certains faits. Cette nuance a été évoquée en soirée par le ministre d’Etat chargé des Affaires financières Fouad Siniora qui n’a pas manqué de relever au passage que le Parlement avait voté les budgets de 96 et de 97 sans trop sourciller sur les chiffres mettant en relief le gaspillage et la dilapidation des deniers publics.
Une question se pose à ce niveau: le timing de la publication des indications fournies par les organismes de contrôle («verbalement» ou par écrit, peu importe...) était-il innocent ou était-il, plutôt, lié à des considérations politiques? Dans son discours prononcé hier à Saïda, M. Hariri a évoqué la deuxième hypothèse, dénonçant le «brouillard» politique qui accompagne cette affaire. Mais le premier ministre s’est déclaré confiant à ce propos, affirmant que ce brouillard sera rapidement dissipé.
Même son de cloche (et pour cause...) au niveau de M. Siniora qui a, lui aussi, évoqué l’hypothèse d’une manipulation politique. Il a toutefois été plus explicite que le premier ministre en faisant une allusion remarquée à la prochaine bataille pour la présidence de la République. «La bataille présidentielle aura lieu dans un an, a-t-il rappelé. D’ici là, il ne faut pas se perdre dans les méandres de la politique».
Ces allusions à peine voilées ont rapidement été rejetées par les sources du chef du Législatif Nabih Berry. Citées par l’ANI, les sources en question ont souligné à ce sujet que «l’action menée actuellement par le Parlement n’est nullement liée aux tiraillements politiques». «Cette action, poursuivent les mêmes milieux, reflète une volonté d’entamer un débat prôné par le président Nabih Berry et avalisé par le gouvernement. Tel est l’objet de l’initiative prise par la commission des Finances qui a entamé des concertations avec les divers organismes économiques et les pôles d’influence syndicaux dans le but de stimuler une réforme administrative et financière, et nullement une réforme politique».
Cette mise au point annonce la couleur: le président de la Chambre paraît déterminé à remettre en cause la gestion du gouvernement dans différents domaines. Et au-delà de cette volonté d’exercer un pouvoir de contrôle accru sur l’action de l’Exécutif, se profile sans doute en filigrane des considérations politiciennes qui ne sont pas sans rapport avec les opérations de partage du gâteau (notamment en ce qui concerne certaines nominations administratives).
Il reste que les limites de telles manœuvres sont dictées par les règles de jeu imposées par Damas et qui empêchent sans doute de trop grands bouleversements. Mais en dépit de ces garde-fous, les développements présents sont sans doute liés, d’une façon ou d’une autre, aux prémices de la bataille présidentielle.

M. T.
Michel TOUMA
La véritable bombe qu’ont constituée les indications fournies, jeudi, devant la commission parlementaire des Finances par les organismes de contrôle de l’Etat au sujet du gaspillage et de la dilapidation des fonds publics continuera sans doute de provoquer des vagues pendant longtemps. Il n’en fallait pas tant, en effet, pour relancer et entretenir les tiraillements...