A l’intérieur du parallélépipède magique livré à l’abandon, peu à peu des ronces, de l’herbe folle, des broussailles, des calices roses de camomille sauvage. Et même un succulent jujubier qui bordait tout en haut un ruisseau chantant dans la verdure, sous un étroit sentier poudreux flânant de figuier en figuier jusqu’aux vignes âpres des collines.
Là, dans ces sept cents mètres carrés d’un manoir avorté, nous avons vécu plusieurs dizaines d’enfances en un seul été. Nous y étions tour à tour Tarzan roi de la jungle volant de liane en liane, et nous nous martelions le torse à qui mieux mieux en nasillant très fort de puissants ahouha... Quo-Vadis, n’était-ce pas le vrai nom de Robert Taylor, fier général romain toujours casqué, bardé de cuir: une petite casserole de laiton et quelques lanières faisaient l’affaire... Ou encore notre préféré, Zorro l’indomptable, l’inusable, toujours toujours avec son loup noir, à cheval sur son blanc destrier: un peu de cirage Kiwi autour des yeux et une planche à repasser coupée en deux, clouée d’une laisse...
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Des paradis perdus, enfants miltoniens des villes, des sept cents mètres carrés comme ça, il ne vous en reste plus.
Sauf, à bien y penser, du côté du vieux Sérail. Là, Tarquin le Superbe, Laurent le Magnifique fait aménager une salle des banquets d’à peu près soixante mètres sur douze, parquet en marbre de Carrare, lourdes boiseries pour habiller les murs, table immense et trônes d’apparat tout autour. Une parfaite illustration du sobre bon goût à la séoudienne. Cette modeste pièce de bouffetance, dont par pudeur on ne vous livre pas le coût, n’est visiblement pas donnée.
Il faudrait pourtant qu’elle le soit: puisque le pauvre Etat qui l’a commandée n’a plus le sou... pour recevoir, puisqu’il ne trouve pas comme l’UNICEF un milliardaire du cœur genre Ted Turner pour le combler de millions, puisque tout ce qu’il fait est aussi invendable qu’impayable, autant que les gosses miséreux en profitent. Qu’on leur y dispose une aire de jeu pour une vie meilleure.
Et que les grands enfants qui pataugent là aillent jouer ailleurs.
J.I.
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