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Actualités - ANALYSE

Un test pour la solidarité arabe : la conférence économique de Doha

En étroite coordination avec Damas, la diplomatie libanaise suit de près les pressions exercées par les Etats-Unis pour assurer la tenue, puis le succès, de la conférence économique de Doha prévue pour l’automne.

On sait que les Syriens ont fait un forcing effréné ces derniers temps pour torpiller ce projet. Le vice-président Abdel Halim Khaddam, le ministre des Affaires étrangères Farouk el-Chareh ainsi que d’autres émissaires ont démarché les capitales arabes pour les inviter à bouder ce rendez-vous, dans le cadre de l’arrêt de toute normalisation avec un Israël qui, depuis l’avènement de Netanyahu, a coupé lui-même les ponts en bloquant le processus de paix et en multipliant les provocations sur le front des colonisations. Dès lors, la Syrie fait valoir que, non seulement il est normal d’arrêter la normalisation, mais qu’il faut aussi passer aux contre-pressions, en rétablissant un boycott économique rigoureux des produits israéliens comme des entreprises étrangères qui traitent avec Israël. Elle souligne qu’il n’y a de toute évidence pas d’autre moyen, pour le moment, de faire comprendre aux USA qu’on ne peut laisser Israël mettre impunément la région en danger d’explosion par une politique foulant aux pieds les principes de Madrid, les droits des Arabes, des Palestiniens, du Liban et de la Syrie qui espéraient en une paix leur restituant leurs territoires, la Cisjordanie entière, le Liban-Sud, la Békaa-Ouest et le Golan.
Un moment il a été question de dégager une position arabe commune à travers un sommet, élargi ou restreint, mais les divergences apparues — encore une fois — ont fait mettre ce projet au placard. On a donc décidé de se contenter des dernières résolutions du sommet du Caire...
En fait, on a buté sur le choix des Etats qui devraient participer à un sommet restreint... et quant au sommet élargi, fallait-il y inviter l’Irak... De plus, on s’est rendu compte qu’il y avait des risques certains, en l’état actuel des positions, qu’une réunion arabe se solde par un fiasco, par un constat de dissensions plutôt que par des résolutions unanimes.
Pour tenter justement de rétablir et de renforcer la solidarité arabe, plus nécessaire que jamais à ses yeux en cette période de crispation régionale, la Syrie a donc intensifié les contacts bilatéraux. Evidemment imitée par le Liban, elle a pour sa part confirmé qu’elle bouderait la conférence de Doha, appelant à un rétablissement du boycott comme à l’arrêt total de la normalisation relationnelle avec l’Etat hébreu. L’Arabie Séoudite s’est alignée sur cette position mais la Jordanie, quant à elle, a annoncé, par la bouche de son premier ministre M. Abdel Salam Majali, qu’elle participerait à la conférence de Doha sauf s’il y avait refus arabe unanime d’y aller...

Le Caire

Tout le monde attend maintenant que l’Egypte se prononce. Pour le moment, Le Caire plaide pour un compromis à savoir qu’on reporterait la conférence sans l’annuler et il tente d’amener les pays arabes, dont Qatar lui-même, à accepter un tel arrangement. Mais Doha tient à sa conférence et la maintient à la date fixée. Ses arguments: au Caire même, on avait tenu précédemment un congrès similaire, après avoir menacé de l’annuler ou de le reporter toujours à cause des provocations israéliennes, en affirmant qu’en définitive on ne devait pas se passer d’une initiative servant avant tout les intérêts économiques arabes... Qatar ajoute qu’avant de lui donner des leçons ou de lui demander quoi que ce soit, les Arabes devraient commencer par décider qu’aucun d’entre eux n’aurait plus de relations diplomatiques avec Israël et qu’il faudrait alors rétablir le boycott économique total de l’Etat hébreu, appliqué par tous les Etats membres de la Ligue... Le discours de Qatar est donc simple et clair: avant de faire des surenchères, que les Arabes adoptent ensemble une ligne de confrontation et nous serions les premiers à nous y rallier. Ce n’est pas l’annulation d’un congrès économique, conclut la principauté, qui va rendre aux Arabes leurs territoires spoliés...
Bien entendu, les Qatariotes sont soutenus à fond par les Américains, véritables sponsors de la fête. Ainsi, Washington va dépêcher à Doha Madeleine Albright en personne, fait d’autant plus remarquable que le nouveau secrétaire d’Etat n’a pas encore trouvé le temps de visiter cette région du monde où son prédécesseur Warren Christopher avait effectué vingt-deux navettes... Les Etats-Unis relancent directement les grandes compagnies et font pression sur les Etats arabes pour qu’ils soient représentés, à n’importe quel niveau, à la conférence de Doha.
Parallèlement, pour ne pas indisposer les régimes arabes qui leur sont favorables, les Américains ont fait sous-traiter par les Européens la récente rencontre Lévy-Arafat et l’éventuelle reprise des pourparlers palestino-israéliens pour l’application des accords d’Oslo. Le coordinateur U.S. des pourparlers de paix, M. Dennis Ross, doit, dit-on, visiter la région en août pour soumettre de nouvelles idées sur Abou Ghoneim, sur le renforcement de la coopération sécuritaire anti-Hamas entre Israël et l’Autorité palestinienne et sur les dispositions à prendre pour compléter l’application des accords d’Oslo. A Beyrouth, comme à Damas, on estime que cette offensive de charme U.S. n’est pas tant destinée à remettre sur rail le processus de paix qu’à faciliter la tenue, sans trop de bouderies, de la conférence économique de Doha, tout comme cela s’était produit à l’occasion de la conférence du Caire que le président Moubarak avait menacé d’annuler...

E.K.
En étroite coordination avec Damas, la diplomatie libanaise suit de près les pressions exercées par les Etats-Unis pour assurer la tenue, puis le succès, de la conférence économique de Doha prévue pour l’automne.On sait que les Syriens ont fait un forcing effréné ces derniers temps pour torpiller ce projet. Le vice-président Abdel Halim Khaddam, le ministre des Affaires...