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Actualités - CHRONOLOGIE

Turquie : Ciller défie l'armée "Que chaque institution s'occupe de ses affaires" , déclare le ministre des AE après avoir refusé de renoncer à son alliance avec les islamistes (photo)

«Que chaque institution s’occupe de ses propres affaires»: Mme Tansu Ciller a choisi de défier l’armée turque, alors que celle-ci, gardienne de la laïcité de l’Etat, ne fait pas secret de sa détermination à chasser les islamistes du pouvoir et laisser planer depuis mercredi une menace de coup d’Etat. Le ministre des Affaires étrangères, qui est présidente du Parti de la juste voie (DYP) allié du Refah fondamentaliste de Necmettin Erbakan au sein du gouvernement, semble être revenue sur sa décision de quitter l’équipe en place si le premier ministre ne lui remettait pas sa charge avant le 18 juin.
«Nous ne remettrons la Turquie à aucune puissance hors de la volonté du peuple», a affirmé Mme Ciller à l’issue d’un entretien avec M. Erbakan, dont elle s’est refusée à dévoiler la teneur. «Certains sont d’avis que nous (le DYP) devrions nous retirer (de la coalition). Mais que se passerait-il si nous le faisons? Nous ne pouvons pas créer l’incertitude», a-t-elle ajouté.
La veille, un collaborateur du chef de la diplomatie avait indiqué que Mme Ciller redoutait une intervention des militaires «pour mettre fin par SUITE DE LA PAGE 1

la force à ce gouvernement» si M. Erbakan restait premier ministre.
M. Erbakan et Mme Ciller s’était entendus le 1er juin pour organiser des élections législatives anticipées avant la fin de l’année, trois ans avant la date normale. M. Erbakan avait accepté de céder son poste à Mme Ciller, conformément à leur protocole de coalition, mais aucune date n’avait été fixée pour ce changement.
Cependant, notent les observateurs, un tel arrangement, même s’il est accepté par le Parlement où la coalition est tombée un siège en dessous de la majorité, ne devrait guère plaire aux militaires car il perpétuerait la présence du Refah au gouvernement.

Un message clair

De plus, les militaires auraient fait savoir à Mme Ciller qu’elle était indésirable tout autant que le premier ministre ce qui expliquerait son revirement de jeudi. Mme Ciller, expliquent les analystes, est aussi honnie par l’armée que les islamistes, pour avoir amené ceux-ci au pouvoir en concluant une alliance avec eux, l’année dernière.
Jeudi, les leaders de l’opposition ont exprimé leur inquiétude devant la possibilité d’un coup d’Etat. «Le message des militaires, hier, est clair et le devoir du DYP est de se retirer immédiatement de la coalition avec les islamistes», a déclaré Bulent Ecevit, chef du Parti de la gauche démocratique.
«L’escalade actuelle de la tension entre l’armée et le Refah est très inquiétante», avait commenté de son côté le principal chef de l’opposition, Mesut Yilmaz.
«Dernier avertissement de l’armée», titrait jeudi une presse turque quasi unanime. Les quotidiens «Cumhuriyet» et «Hurriyet» reprenaient en manchette la citation d’un général: «Nous utiliserons la force s’il le faut».
Ce général, Fevzi Turkeri, chef des services de renseignement à l’état-major général des armées, avait, dans un briefing à la presse mercredi, accusé le Refah de M. Erbakan de «soutenir le fondamentalisme islamique» et d’«inciter le peuple à s’opposer à l’Etat laïc», dont l’armée se considère comme la gardienne.
«Les forces armées ont le droit constitutionnel de défendre le régime contre toute menace intérieure ou extérieure (...). Le combat contre les activités religieuses subversives est de la plus haute priorité pour les forces armées», avait-il ajouté.
Ce briefing a été donné à plusieurs reprises durant la semaine à des magistrats, des universitaires et des hauts fonctionnaires, l’armée prenant ainsi l’opinion turque à témoin.

Comme en 1980

Jeudi, un éditorialiste du quotidien «Sabah» faisait une comparaison entre les termes employés par le général Turkeri et ceux utilisés par les militaires avant le dernier des trois coups d’Etat qu’ils ont faits depuis trente-sept ans, celui de 1980. «Ce sont les mêmes», dans les deux cas il s’agit de «justifications d’un coup», écrivait-il.
«Il est désormais hors de question que le gouvernement reste au pouvoir (...). Il peut encore faire quelque chose de positif: démissionner immédiatement. Sans quoi, il ne reste plus beaucoup de jours à la démocratie», ajoutait l’éditorialiste.
L’avertissement des généraux est le dernier épisode d’un bras de fer qui dure depuis quatre mois entre le Refah qui s’accroche au pouvoir et les militaires qui veulent l’en chasser.
Consciente qu’un putsch ferait très mauvais effet en Occident, l’armée a privilégié jusqu’ici la voie démocratique, se contentant de faire monter progressivement la pression sur le gouvernement et espérant que l’opposition le ferait tomber au Parlement.
Mais cela n’a pas encore été possible, pour une large part en raison des divisions et des querelles de personnes entre les leaders des différents partis laïcs.
Tout le monde se demande maintenant jusqu’à quand les militaires voudront bien patienter.
«Que chaque institution s’occupe de ses propres affaires»: Mme Tansu Ciller a choisi de défier l’armée turque, alors que celle-ci, gardienne de la laïcité de l’Etat, ne fait pas secret de sa détermination à chasser les islamistes du pouvoir et laisser planer depuis mercredi une menace de coup d’Etat. Le ministre des Affaires étrangères, qui est présidente du Parti de...