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Actualités - ANALYSE

Elections françaises : l'onde de choc atteint Beyrouth

On ne vous le dira ni officiellement ni trop ouvertement, mais le système en place à Beyrouth est pris d’un certain malaise après le raz-de-marée qui a balayé la droite en France. Non pas seulement à cause de la forte sympathie qu’on éprouve pour un Chirac qui a visité deux fois le Liban, et qui est comme on sait un ami personnel de M. Hariri, mais aussi à cause de la peur de voir les assistances françaises, promises ou déjà entamées, fondre brusquement comme neige au soleil... Car les socialistes, pour être aussi généreux qu’ils l’ont promis à leurs électeurs, devront sans doute serrer la vis ailleurs et sabrer les programmes d’aide à l’étranger établis sous Balladur-Juppé.
Ceci étant, les Libanais en général se sont intéressés aux élections autant que les Français, qui globalement n’ont pas caché leur écœurement à l’égard de la chose politique toutes tendances confondues, ce dont le parti en place quel qu’il fût devait fatalement payer le prix.
Ici, du moins dans les salons, on est plutôt «gaulliste» et donc la déception est globalement perceptible. D’autant que le socialisme à l’occidentale, et surtout à la française, est assez étranger à la mentalité du cru, même chez nombre de progressistes locaux. D’autre part et comme «du dehors on voit mieux», selon l’adage, beaucoup de Libanais estiment, toujours dans les propos de salon ou de rue, que les Français, trop attachés à la Sécu et aux protections sociales de l’emploi qui rendent les licenciements (et par contrecoup les recrutements) difficiles, ne réalisent pas bien que cela ne peut plus marcher et qu’il faut s’adapter à la mondialisation, fait historique accompli... Ils s’inquiètent en fait que la cohabitation, encore possible sous Mitterrand, ne le soit plus en pratique désormais et craignent un grippage qui obligerait la France à se concentrer sur ses problèmes intérieurs et en affaiblirait le rôle dans le monde, singulièrement dans cette région où sa présence est très «complice» si l’on peut dire de la cause libanaise. En d’autres termes, on a un peu peur à Beyrouth que le nouveau gouvernement ne veuille prendre l’exact contre-pied de la politique pratiquée jusque-là par un Juppé qui pour sa part ne cessait de mettre solennellement en garde, depuis qu’il était ministre des Affaires étrangères, contre un règlement régional qui se ferait aux dépens du Liban. Certes, observent ces sources libanaises, l’amitié de la France est une constante qui, sauf sous de Guiringaud, ne s’est jamais démentie. «Mais, ajoute-t-on, les socialistes pourraient être tentés, si la cohabitation est dure, de multiplier les vexations faciles, imparables, à l’encontre de l’hôte de l’Elysée et il pourraient dès lors tourner à notre désavantage la trop solide amitié qui lie M. Chirac à M. Hariri...».
Et pour faire bonne mesure, ces personnalités vont jusqu’à soupçonner «le lobby juif, si influent dans les médias et l’Amérique inquiète du renforcement de l’idée européenne à travers Chirac, d’avoir favorisé la débâcle de la droite française. Ainsi dans l’Europe des Quinze, il n’y a plus que deux pouvoirs de droite, celui de Kohl en Allemagne et celui d’Aznar en Espagne. Les autres vont maintenant s’arranger pour faire sauter la construction de Maastricht, l’euro et le rêve d’un continent stratégiquement unifié auquel la gauche n’a jamais cru. Pour notre part, concluent ces sources, nous n’oublions pas que les gaullistes ont soutenu la cause arabe, que Chirac a presque fait le coup de poing contre les Israéliens en plein cœur de Jérusalem alors que Mitterrand n’a jamais caché son faible pour Israël...».
Il est probable, il est même évident, que c’est là de la part des «déçus» locaux des remarques impulsives discutables. D’une part, la politique étrangère de la France n’est pas conduite par le gouvernement sans approbation de l’Elysée, le contraire pouvant être vrai dans certains cas. Et d’autre part, il est douteux que les socialistes, qui ont pratiquement une seule petite année pour agir — après quoi Chirac peut de nouveau dissoudre l’Assemblée — aient beaucoup de temps à consacrer au Liban et même au dossier du Moyen-Orient dans lequel la part française est en tout cas réduite...

Ph.A.-A.
On ne vous le dira ni officiellement ni trop ouvertement, mais le système en place à Beyrouth est pris d’un certain malaise après le raz-de-marée qui a balayé la droite en France. Non pas seulement à cause de la forte sympathie qu’on éprouve pour un Chirac qui a visité deux fois le Liban, et qui est comme on sait un ami personnel de M. Hariri, mais aussi à cause de la peur...