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Actualités - DISCOURS

Les jeunes s'adressent au souverain pontife "Dites ce que nous ne pouvons pas dire "

Voici les textes des deux interventions prononcées à la basilique de Harissa au nom des jeunes du Liban par deux d’entre eux, Pierre Najm, étudiant à l’Ecole de traducteurs et d’interprètes de Beyrouth — USJ, et Antoinette Khoury, de la Commission des Jeunes du Conseil pour l’Apostolat des Laïcs de l’APECL (Mouvement des Folorari):
L’intervention de
M. Pierre Najm:

«C’est avec une joie inexprimable, une émotion qui bat son plein, que j’ai l’honneur de m’adresser à vous au nom de la jeunesse chrétienne au Liban.

«Soyez le bienvenu dans notre cher pays qui, aujourd’hui, est béni par la grâce de vous recevoir. Votre présence parmi nous, votre rêve et le nôtre, revêt une importance extrême. Sa dimension et ses retombées positives sur le sort des chrétiens en Orient, et surtout au Liban, nous réconfortent et nous réjouissent. Un nouvel élan d’espérance est déjà né et nous a entièrement mobilisés.

«C’est dans ce contexte que nous souhaitons vous faire part de nos soucis et angoisses, mais aussi de nos attentes et espoirs, certains que nous sommes de votre écoute active qui déborde d’affection paternelle susceptible de rendre la sérénité à nos esprits inquiets.

«En effet, Très Saint-Père, nous ne vous cachons pas que nos esprits sont réellement troublés. Car, suite à une série de déceptions et désillusions sur le plan politique, la jeunesse libanaise, prise par un sentiment d’impuissance, s’est résignée devant le fait accompli et s’est progressivement désengagée de la cité. Vu le manque de projets convaincants, l’absence de perspectives et de volonté de leur attribuer un rôle effectif, l’absence du comment et du pourquoi s’engager, les jeunes, écartés de toute prise de décision, se sont noyés dans le désengagement politique qui a entraîné avec lui un désengagement social, religieux et même parfois national.

«Devant une telle résignation de la part d’un bon nombre de jeunes, l’avenir ne paraît pas rose. Quels que soient les problèmes auxquels une société fait face, elle ne risque rien à partir du moment où elle peut compter sur sa jeunesse pour sortir des décombres. Or, au Liban nous craignons que ça ne soit pas vraiment le cas.

«De plus, maintes appréhensions viennent encombrer notre avenir déjà fragilisé. La pacification qu’on s’obstine à nommer paix et dans laquelle nous vivons, n’a point guéri les esprits blessés. Si elle a prétendu reconstruire les villes, elle a été incapable d’édifier une société exempte de bombes à retardement, à savoir le manque de véritable dialogue intercommunautaire, la violence masquée, l’injustice et la frustration d’une société toujours en quête de souveraineté et d’indépendance. Ainsi, notre existence en tant que chrétiens nous paraît-elle menacée. Mais aussi, dans ce Liban-message, comme vous l’avez vous même appelé, où plusieurs religions se côtoient, voire se heurtent parfois et s’entrechoquent, nous ne savons plus trop comment vivre notre foi, que nous voulons incarnée dans un ici et maintenant. Dans des conditions pareilles, être chrétien nous paraît un vrai défi, et vous êtes dans la meilleure position pour nous aider à le relever: comment vivre, Saint-Père, les valeurs évangéliques, alors que nous nous sentons dépassés par notre instinct de survie? Souvent, nous ne savons plus à quoi nous en tenir.
«Nos craintes trouvent aussi leur source dans les problèmes soulevés, à juste titre, par le dernier appel du synode, qu’il est inutile de répéter peut-être, et dont vous êtes certainement conscient. Il va sans dire que la situation économique ne promet pas de jours meilleurs; que les libertés fondamentales nous sont arrachées une à une; que certaines détentions de jeunes se font pour des raisons politiques; que les droits de l’homme sont bafoués à chaque instant; que notre système de référence, social ou politique, éthique ou économique se dégrade et risque d’être réduit à néant.
«Résignés, désengagés, les jeunes ont versé dans l’indifférence et la passivité. Ils demeurent cependant assoiffés d’un vrai sens à leur vie. Dans une situation pareille et à l’heure où le danger des courants sectaires et anticléricaux se fait durement ressentir, n’est-il pas à craindre de voir certains d’entre eux, tourmentés, désorientés, égarés, se détourner de l’Eglise?
«C’est pourquoi, nous tenons à mettre, au premier plan de nos souhaits et attentes, notre profond désir de voir notre Eglise changer d’image et interpeller plus profondément ses enfants afin de promouvoir une dynamique de communion entre les jeunes et les autorités ecclésiastiques. Aidez-nous, Saint-Père, vous qui êtes le mieux placé pour le faire, à changer la face de notre Eglise. Qu’elle devienne capable d’aider les jeunes à se reconnaître d’une façon cohérente avec les savoirs de leur temps, à comprendre la réalité dans laquelle ils vivent, à devenir des missionnaires d’ouverture et de tolérance et des agents sociaux pour la promotion de la paix et de la justice. Qu’elle reconnaisse la place des jeunes et les fasse participer à ses structures afin de les attirer et de les faire sortir de leur passivité et indifférence. Donnez un plus grand rôle aux jeunes, vous qui avez toujours insisté sur ce point dans vos messages et exhortations, et nous nous déclarons déjà prêts à assumer un plus grand rôle auquel nous tenons. Main dans la main avec les autorités ecclésiastiques nous pourrons témoigner ensemble de l’amour du Christ.

«Enfin, nous vous demandons, vous qui êtes venu semer l’espoir, d’oser dire à haute voix ce que nous craignons de dire et ce que nous avons perdu l’habitude d’exprimer. Soyez notre courage et nommez les choses par leur nom. Soyez notre cri de douleur en portant notre voix au monde entier. Touchez les problèmes du doigt et apprenez-nous à faire face à nos réalités, politiques, sociales ou ecclésiales.

«Votre visite, Saint-Père, nous la considérons providentielle. Sachez que tous nos espoirs y ont été investis. Nous sommes persuadés qu’elle répondra à nos attentes et ne saurait nous décevoir. Elle nous rappelle sans cesse, malgré le tableau sombre que nous venons de dépeindre, qu’il n’est pas de chrétien sans espérance.
«C’est sur cette note finale que je vous prie, Très Saint-Père, d’agréer l’expression de l’amour et du dévouement filial de tous ceux que je représente, ainsi que l’entière gratitude pour votre présence et votre écoute».

L’intervention de Mlle
Antoinette Khoury:

«Très Saint-Père,
«A la fin du synode, vous aviez dit«J’étais affectivement libanais, maintenant je suis effectivement libanais», nous vous avons beaucoup attendu, et ce soir vous êtes effectivement parmi nous. Votre amour pour les jeunes est déjà connu, et nous jeunes nous vous aimons beaucoup.

«Face à la situation qui vient d’être présentée, nous voulons regarder vers le Ciel pour mettre en œuvre Son enseignement. Pour le réaliser, chacun doit passer tout d’abord par une conversion personnelle, et un choix plus radical de l’Evangile comme code de vie.
«Nous voulons croire davantage à l’Esprit Saint, qui est Consolateur et qui est capable de transformer les choses en nous et autour de nous. Puisse-t-il nous donner l’Espérance et le courage d’affronter toutes les épreuves auxquelles nous devrons faire face, pour la construction d’un avenir meilleur!
«Ainsi, nous voulons nous ancrer davantage dans notre société, pour mieux la transformer. Chacun de nous doit être prêt à donner de son temps et de son énergie pour changer le visage de notre monde dans les différents domaines de la santé, la justice, la politique, les médias, les loisirs, l’éducation...
«Pour cela 24 heures sur 24, il est indispensable de vivre notre christianisme, dans tous ces domaines en mettant au centre la dignité de l’homme, telle que Dieu nous l’a révélée. Ceci est notre manière de réagir à l’indifférence et de nous rendre plus responsables de la vie de la cité. Les vrais saints sont aussi des maîtres de justice, de vérité et de liberté.
«Avec tous les jeunes, nous désirons revivre l’expérience des premières communautés chrétiennes. Elles ne se trouvaient pas dans un monde plus facile que le nôtre. Leurs situations n’étaient-elles pas semblables aux nôtres?
«L’expérience d’amour réciproque, de communion, de solidarité, de la présence de Jésus ressuscité parmi nous, nous voulons la faire avec tous les membres de l’Eglise. Dans l’Eglise chacun parle et écoute l’autre, donne et reçoit. Tout au long de ce cheminement, Jésus ne manquera pas de nous donner sa lumière. Il ne manquera pas de nous indiquer la route à suivre pour édifier, à l’aube de ce troisième millénaire, des communautés ecclésiales plus vivantes.

«Alors, unis à nos pasteurs et sous leur conduite, solidaires de tous les jeunes du Liban, nous pourrons témoigner de l’Amour de Dieu pour chacun et pour tous.

«Le synode pour le Liban nous a fait réfléchir, il a éveillé en nous le sens de l’espérance et de la solidarité, et il nous a fait comprendre que, nous aussi, nous devons nous engager davantage dans l’Eglise, pour rendre l’Eglise plus belle et plus proche de celle que le Christ veut. Nous devons nous former et nous préparer pour témoigner de la bonne nouvelle dans les milieux où nous évoluons.

«Il est indispensable pour chacun de nous, jeunes, de nous rencontrer, de travailler ensemble. Et chaque fois que nous avons eu cette possibilité, nous avons expérimenté la joie d’être dans l’Eglise, de la reconnaître, de l’apprécier et de l’aimer.

«Nous avons à construire notre pays, nous voulons rencontrer les jeunes des autres Eglises et des autres familles religieuses, afin de mieux les connaître, de mieux les apprécier pour les aimer davantage. Ainsi nous aurons un pays uni.

«L’unité de l’Eglise est essentielle et fondamentale pour nous, et nous désirons y contribuer efficacement. Les points qui nous unissent sont plus nombreux que ceux qui nous séparent. Il faut savoir les mettre en relief, en vue d’un enrichissement réciproque. Pourquoi ne pas nous engager tous dans une pastorale, construite ensemble? Par ce témoignage d’unité, plus de jeunes croiront en Jésus-Christ.

«Il est aussi fondamental de développer avec nos concitoyens des autres familles religieuses une société caractérisée par l’ouverture, le dialogue et la convivialité, afin que notre pays devienne réellement le «Liban-message» dont vous nous parlez.

«Il faudra avoir alors la force de purifier nos mémoires des séquelles de la violence vécue. A l’image du Christ qui a aimé jusqu’au bout, qui a pardonné et a accepté l’autre dans sa différence, nous sentons l’urgence d’être artisans de paix et d’unité.
«Dans des rencontres à cœur ouvert entre jeunes Libanais, musulmans et chrétiens, il s’est avéré que les deux parties avaient parfois des préjugés l’un contre l’autre. Lorsqu’une rencontre franche, de personne à personne, s’est réalisée, ces barrières ont commencé à tomber.
«Collaborer avec tous dans des groupes mixtes de travail, dans le domaine de l’écologie, ou de l’aide aux nécessiteux, ou dans le domaine scolaire, ou d’autres, fera naître un dialogue de vie basé sur l’accueil et l’écoute de l’autre qui contribuera à l’unité et au bien commun.
«Très Saint-Père,
«Nous Vous remercions encore une fois pour votre amour, votre écoute et votre présence qui nous donnent l’espoir, la force et le courage de nous relever.

Aujourd’hui, nous nous sentons renaître. A présent, nous attendons votre parole et nous vous promettons de nous engager à l’appliquer et à faire de cette Exhortation Apostolique le point de départ pour «être des témoins crédibles de l’Evangile».

«Nous nous confions particulièrement à Marie, Notre Dame du Liban, afin qu’elle nous aide à avoir «une attitude de disponibilité et de responsabilité, un cœur pur et un esprit libre».
Voici les textes des deux interventions prononcées à la basilique de Harissa au nom des jeunes du Liban par deux d’entre eux, Pierre Najm, étudiant à l’Ecole de traducteurs et d’interprètes de Beyrouth — USJ, et Antoinette Khoury, de la Commission des Jeunes du Conseil pour l’Apostolat des Laïcs de l’APECL (Mouvement des Folorari):L’intervention deM. Pierre...