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Actualités - CONFERENCES DE PRESSE

Maintenant son point de vue au sujet des municipales et adressant même un clin d'oeil à l'opposition Hraoui critique Hariri et Berry, mais laisse la porte ouverte à un arrangement (photo)

On considérait le dossier des municipales comme étant brûlant et la première impression qu’a laissée la conférence de presse du chef de l’Etat, M. Elias Hraoui, a confirmé ce sentiment. Mais en réalité, la situation est paradoxale comme l’illustrent les réactions des chefs du Parlement et du gouvernement qui ont jugé que les propos tenus par le président sont des plus «naturels».
Pourtant, le président de la République a placé haut la barre en affirmant que les élections doivent être organisées coûte que coûte et en reprenant publiquement ses critiques à l’égard de M. Hariri et dans une moindre mesure, à l’égard de M. Berry. Il les a implicitement accusés de ne pas respecter la Constitution et a laissé entendre, comme par un clin d’œil à l’opposition, qu’ils ont voulu renvoyer aux calendes grecques les municipales en raison de la mobilisation massive de cette dernière en prévision du scrutin. La conférence de presse que le président Hraoui a tenue en soirée au palais de Baabda était d’autant plus significative de la tension politique qu’elle a démontré que le chef de l’Etat est loin d’avoir renoncé à deux autres projets très controversés: les réformes constitutionnelles qui avaient été l’une des causes de sa brouille avec le chef du Législatif et la révision de la loi sur le statut personnel qui avait provoqué une levée de boucliers dans les milieux mahométans notamment.
L’impression que la crise politique (qui a éclaté après que M. Hariri eut décidé, jeudi dernier, de retirer du Parlement le projet d’amendement de la loi sur les élections municipales, sans consulter au préalable le Conseil des ministres) risquait de s’exacerber a été toutefois vite balayée par les commentaires, plutôt positifs, de MM. Berry et Hariri. Contre toute attente, les chefs du Législatif et du gouvernement ont exprimé leur satisfaction par rapport aux points développés par le chef de l’Etat qu’ils ont tous deux considérés comme étant «naturels». Leur réaction, pour le moins étonnante, étant donné les critiques dont ils ont fait l’objet de la part de la plus haute instance du pays, peut avoir deux explications: il y a d’abord le soin pris par le chef de l’Etat de ne pas adopter un ton de défi que redoutait notamment le chef du Législatif. Il y a surtout les appels à la retenue des responsables syriens et les médiations entreprises depuis quelques jours, notamment par le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr, pour détendre le climat politique local, assombri à cause de l’affaire des municipales.

Propos «sensés»
et «acceptables»

De sources politiques informées, on apprenait en soirée que, parallèlement à la médiation de M. Murr, les responsables syriens ont pris contact dans la nuit de mardi à mercredi avec les chefs de l’Etat et du Législatif pour les inciter à calmer le jeu et à régler leur différend au sujet des municipales dans le cadre des institutions. Ces informations n’ont toutefois pas pu être confirmées de sources officielles, mais peuvent expliquer l’assouplissement de position de M. Berry en particulier. De sources proches du chef du Législatif, on apprend que M. Berry s’est contenté de qualifier laconiquement de «naturels», de «sensés» et d’«acceptables» les propos du président Hraoui. Même son de cloche auprès du chef du gouvernement qui a, à partir de Paris qu’il a rejoint à l’issue de sa visite en Russie (VOIR PAGE 3), pris contact en soirée avec M. Murr pour se féliciter du «ton calme» qui a caractérisé, selon lui, la conférence de presse de M. Hraoui. Un peu plus tôt, le vice-président du Conseil était entré en contact avec le chef du Législatif.

Selon les mêmes sources politiques, M. Berry considère que la balle est dans le camp du gouvernement, estimant que le problème se pose entre les chefs de l’Etat et du gouvernement, surtout que le président Hraoui considère que le projet de loi sur les municipales se trouve toujours au Parlement, du moment que les modalités de son retrait sont, à ses yeux, anticonstitutionnelles. Le président de la Chambre estime qu’il appartient désormais à la commission ministérielle que préside M. Murr de «trouver les issues possibles au problème des municipales».

A priori donc, la «guerre des municipales» semble avoir pris fin, du moins jusqu’à nouvel ordre, en attendant de voir comment le règlement de ce dossier va évoluer, à la faveur des travaux de la commission ministérielle ad hoc qui tiendra ce matin sa première réunion. Quant à la conférence de presse de Baabda, elle a permis au chef de l’Etat de «se défouler» et de faire en sorte que ses prises de position ne puissent prêter à aucune équivoque, selon les mêmes sources. Le chef de l’Etat a ainsi réaffirmé que la décision de M. Hariri de retirer le projet de la Chambre n’est pas conforme aux règles en vigueur. Il s’est prononcé de nouveau contre le cumul des mandats de député et de président de municipalité et contre l’élection de ces derniers au suffrage universel. Il s’est aussi déclaré en faveur du maintien de la situation telle qu’elle est actuellement
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dans la bande frontalière et dans certains villages à la population déplacée, sans procéder à des nominations et sans organiser des élections.

Un devoir et non
une bataille

Le président de la République a entamé sa conférence de presse en affirmant qu’il était attaché à la «tranquillité de la nation», pour laquelle il a dit avoir «œuvré durant plus de sept ans». «Je ne suis pas prêt aujourd’hui à gaspiller ce qui a été accompli, d’abord face aux Libanais, et ensuite devant le monde extérieur qui a assisté à notre renaissance», a-t-il dit.
M. Hraoui a assuré qu’il n’existait pas de «bataille» à l’heure actuelle. «Je ne considère pas la défense des institutions de l’Etat comme une bataille. Il s’agit d’un devoir pour moi», a-t-il indiqué, soulignant qu’il était «le seul (parmi les dirigeants) à avoir prêté serment sur le texte de la Constitution».
«Je suis le gardien de la volonté du peuple et de la bonne marche des institutions», a poursuivi le chef de l’Etat, relevant que l’ensemble des responsables se déclarent en faveur du renforcement de ces institutions. «Cela signifie beaucoup de choses, et d’abord faire en sorte que le pouvoir judiciaire demeure loin de toute intervention, d’où qu’elle vienne». A cet égard, il a reconnu que, dans des cas d’arrestations d’individus, «il a pu y avoir des défaillances». «J’ai essayé par tous les moyens de les éviter», a-t-il dit.
Abordant la question des élections municipales, le président a retracé l’historique du projet de loi relatif à l’amendement de la législation de 1977 sur l’organisation de ce scrutin, dont le principe avait été adopté le 4 décembre dernier.
Soulignant que la loi de 1977 était devenue «inapplicable sur le terrain», il a rappelé que l’ensemble de la classe politique et notamment les députés se sont déclarés en faveur d’élections municipales et qu’il n’avait fait que se conformer à leurs demandes en signant le projet de loi.
«J’ai signé le texte du projet de loi le 4 décembre 1996. Il est regrettable que le gouvernement, pris par l’étude du budget et les discussions budgétaires, ne l’ait fait parvenir au Parlement que le 18 février», a-t-il dit, estimant que si le projet avait été soumis plus tôt, il aurait maintenant était concrétisé.
M. Hraoui a ensuite souligné que l’opposition chrétienne, «qui avait boycotté les élections législatives de 1992 et de 1996, a cette fois-ci exprimé son intention de participer aux municipales», et cité à cet égard «le PNL, les aounistes, le Bloc national et les dissidents des Kataëb».
«Que voulez-vous de mieux pour consolider les fondements de l’Etat, puisque tous ceux qui se disent opposants sont prêts à prendre part» au scrutin?, s’est-il interrogé. «Ce sont nos compatriotes, que nous chérissons, et s’ils remportent vingt, trente ou cinquante municipalités, tant mieux pour eux», a-t-il ajouté.
Il a d’autre part réitéré son opposition à l’élection des présidents des conseils municipaux au suffrage universel et au cumul des fonctions de député et de président de conseil municipal et s’est déclaré contre la procédure de désignation de conseils dans les localités de la zone occupée par Israël et dans les villages à la population déplacée.

«L’erreur de Hariri
et sa bonne foi»

Pour ces derniers cas, il s’est fait l’avocat de municipales partielles dans l’avenir. «Dès qu’un village est réintégré par ses habitants, rien n’empêchera alors le ministre de l’Intérieur de les appeler à élire un conseil municipal», a-t-il dit.
Déplorant ce qui s’était passé la semaine dernière à la Chambre des députés, il a réaffirmé que le retrait du projet de loi n’était pas dans les prérogatives du chef du gouvernement, soulignant qu’un projet soumis par décret présidentiel ne pouvait être retiré que par un décret de même nautre.
Il a toutefois estimé que, dans cette affaire, M. Rafic Hariri «a dû être induit en erreur», affirmant ne pas vouloir «douter de sa bonne foi».
Le chef de l’Etat a ainsi laissé entendre qu’il considérait toujours le projet de loi comme étant entre les mains de la Chambre. Il a néanmoins affirmé à la fois qu’il ne cherchait pas à «créer des problèmes» et qu’il ne fallait pas oublier «le délai des quarante jours».
Il faisait référence à l’article 58 de la Constitution qui stipule que tout projet de loi déclaré urgent par le gouvernement après avis conforme en Conseil des ministres et défini comme tel dans le décret de transmission peut être, après quarante jours de sa communication à l’Assemblée, et après son inscription à l’ordre du jour d’une séance régulière et sa lecture, sans que l’Assemblée ait statué, rendu exécutoire par le président de la République après approbation du Conseil des ministres.
Se référant toujours à la Constitution, il a indiqué que si le retrait du projet de loi était approuvé par les deux tiers des membres du Conseil des ministres, il ne s’y opposerait pas, et que si le Parlement décidait «à la majorité absolue de dire non aux élections», il n’y conformerait.
Il a en outre de nouveau démenti avoir menacé de démissionner au cas où les élections seraient annulées. «Ce ne sont que des mots», a-t-il dit.
Enfin, insistant de nouveau sur l’opportunité du scrutin municipal, M. Hraoui a indiqué qu’il avait été informé des résultats d’un sondage d’opinion à ce sujet réalisé par l’institut Maa-Data. Selon ce sondage, a-t-il dit, 82 pour cent des personnes interrogées se sont déclarées en faveur des élections et 17 pour cent seulement ont approuvé «l’attitude du gouvernement et du Parlement» (le retrait du projet de loi).

Combattre
les nominations

Le chef de l’Etat devait ensuite répondre aux questions de la vingtaine de journalistes présents à la conférence de presse. Il a notamment rappelé que c’est le président de l’Assemblée nationale, M. Nabih Berry, qui avait convoqué la Chambre à une réunion extraordinaire, sous le mandat du président Omar Karamé, pour voter une proposition de loi interdisant les nominations de conseils municipaux et de conseils de moukhtars. A l’époque, avait-il indiqué, les conseils municipaux de Tripoli et de Zahlé avaient été désignés. «Un telle éventualité est aujourd’hui hors de question et je suis déterminé à combattre ce projet, conformément au droit que m’accorde la Constitution, mais si la majorité parlementaire est en faveur des nominations, à ce moment-là, je ne pourrai rien faire», a-t-il affirmé.
Prié de dire si le retrait du projet d’amendement de la loi électorale du Parlement par le chef du gouvernement peut être considéré comme une atteinte aux prérogatives du président de la République, M. Hraoui a répondu en soulignant qu’il est toujours déterminé à présenter un projet de réformes constitutionnelles de manière à ce qu’aussi bien le gouvernement que le Parlement soient tenus de respecter des détails précis pour la transmission et le vote des projets de loi.
«Pourquoi ne fixe-t-on pas au Parlement un délai de 30 jours pour approuver un texte de loi, puisque je suis tenu de respecter ce même délai pour signer le décret de transmission d’un projet de loi à la Chambre, sinon il est promulgué par décret?».
Il a par ailleurs reconnu que c’est en Conseil des ministres, comme le veut la règle, que la commission ministérielle en charge du dossier des municipales aurait dû être formée. Rappelons que la Constitution de la commission avait été décidée durant l’entretien que MM. Hraoui et Hariri ont eu dimanche au palais de Baabda. Le chef de l’Etat a souligné que la commission doit présenter au Conseil des ministres, «au cas où il se tiendrait», un rapport sur les remarques et les craintes formulées par les députés durant la réunion parlementaire de la semaine dernière. «A commencer, a-t-il ajouté, par les remarques du président Sélim Hoss qui avait affirmé redouter que les chrétiens de Beyrouth ne deviennent comme les coptes d’Egypte à Dieu ne plaise».

Pas de
désaccords

Le chef de l’Etat a ensuite nié être «en désaccord avec quiconque», soulignant que «les divergences de vues sont apparues au cours de la réunion parlementaire». «C’est pour cela que nous avions demandé à une commission formée des personnes qui ont assisté à la réunion parlementaire d’essayer de découvrir les raisons de ces divergences. Car, il se peut que le Parlement poursuive le débat (autour des municipales) du moment que le projet de loi est toujours au Parlement et n’a pas été retiré. Cela nécessite des solutions».
Concernant le retrait du projet de loi, il a réaffirmé que la décision de M. Hariri était illégale. «Je n’aime pas critiquer le chef du gouvernement en son absence, mais il ne peut agir en tant que député lors d’une réunion à l’Hémicycle que s’il s’excuse auprès des ministres et prend place parmi les députés. Il aurait aussi pu charger un des députés du bloc qu’il préside de proposer le retrait du texte. Ses propos selon lesquels il a retiré le texte en sa qualité de député ne sont en définitive qu’une invention du vice-président de la Chambre. Entre la présidence d’un Conseil des ministres et la députation, la différence est énorme». Il a poursuivi en soulignant que le chef du gouvernement aurait aussi dû demander à M. Berry de suspendre la réunion le temps qu’il délibère avec les ministres avant de décider s’il doit ou non reprendre le projet de loi.
Il s’est ensuite insurgé contre la thèse selon laquelle des problèmes d’ordre politique liés essentiellement à une éventuelle victoire de l’opposition commandent l’ajournement des municipales. «Pourquoi n’y avait-il pas de problèmes politiques lors des législatives de 1992 et de 1996? Pourquoi peut-on organiser des élections parlementaires et non pas des municipales qui constituent le fondement de notre système démocratique? Pourquoi les législatives ne menaceraient-elles pas l’entente nationale et les municipales la menaceraient? Au contraire, je crois qu’elles sont de nature à la renforcer», a-t-il soutenu en soulignant qu’il est contre l’organisation des élections en été «afin de pas nuire à la saison estivale». «Mais rien n’empêche que le scrutin se déroule en automne ou en hiver», a-t-il renchéri.

Des comptes à rendre

Pour le chef de l’Etat, «le gouvernement et le Parlement auront à rendre compte au peuple au cas où les ministres décideraient de retirer du Parlement le projet de loi sur les municipales et que la Chambre voterait contre l’organisation des élections». Il a rappelé qu’il a «fourni au Parlement de nombreuses solutions» pour sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve, selon lui, en raison de l’affaire du retrait. «Je répète: si le Parlement vote pour un retrait et que le texte m’est rendu, je suis déterminé à le renvoyer à la Chambre, mais si la majorité des députés votent de nouveau (contre l’organisation des élections), je m’inclinerai devant leur volonté». Dans ce cadre, il a rappelé qu’il avait renvoyé à l’Assemblée la loi 161 relative aux indemnités de fin de service des fonctionnaires de l’Etat «parce qu’elle grevait le Trésor», mais que la Chambre avait quand même adopté le texte par la suite.
Le chef de l’Etat a conclu en affirmant: «Je suis soucieux de ce que vont dire les 59% des électeurs qui ont obtenu la carte électorale. Que va-t-on pouvoir leur dire demain, quoique je sois sûr qu’après cette conférence de presse, leur nombre va augmenter? Les électeurs vont affluer au ministère de l’Intérieur pour présenter des demandes de cartes».
On considérait le dossier des municipales comme étant brûlant et la première impression qu’a laissée la conférence de presse du chef de l’Etat, M. Elias Hraoui, a confirmé ce sentiment. Mais en réalité, la situation est paradoxale comme l’illustrent les réactions des chefs du Parlement et du gouvernement qui ont jugé que les propos tenus par le président sont des plus...