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Actualités - CHRONOLOGIE

Après l'inculpation pour fraude et falsification des 5 membres de l'armée rouge L'affaire japonaise entre dans une phase de procédure judiciaire Trois nippons (en règle) ont été libérés hier soir Oumayya Abboud, accusée de complicité, maintenue de détention Le brigadier Makki remplacé à la Sûreté de

Fin du premier acte. Avec l’inculpation, hier, par le parquet de Beyrouth de 5 membres de l’Armée rouge — et de la Libanaise Oumayya Abboud — accusés de falsification de cachets officiels, de fraude et de séjour illicite au Liban, le feuilleton à rebondissements de l’affaire des «détenus asiatiques» (telle que pudiquement appelée par les autorités) entre dans une phase de procédure judiciaire. Mais pour les trois autres Japonais (dont peut-être deux espions des autorités nippones), aux papiers en règle, c’est désormais la liberté sous, toutefois, caution d’élection de domicile.
N’étaient l’identité des inculpés et la confusion du début, l’affaire pourrait désormais ressembler à une banale histoire de fraude et de falsification, comme il y en a tant au Liban. Et alors que le chef de la police japonaise souhaitait dans une conférence de presse, tenue hier à Tokyo, l’extradition rapide des 5 membres de l’Armée rouge (sans qu’une demande officielle n’ait été présentée) le procureur Abdallah Bitar requérait contre eux des peines allant de 7 à 10 ans de prison... Mais la balle est désormais dans le camp du premier juge d’instruction de Beyrouth, M. Saïd Mirza, qui entamera ce matin l’interrogatoire des inculpés. Si ceux-ci se rétractent et reviennent sur les aveux faits au cours de l’enquête préliminaire, le juge aura alors beaucoup de pain sur la planche et le non-lieu pour certains d’entre eux ne serait pas impossible...
Le procureur général près la Cour de cassation, M. Adnane Addoum, peut désormais respirer. Les 200 journalistes japonais débarqués au Liban depuis plus de 15 jours, ne prendront plus d’assaut son bureau, à l’affût de la moindre information. A partir d’aujourd’hui, ils commenceront à harceler M. Saïd Mirza, au mutisme légendaire, désormais en charge de l’instruction du dossier des inculpés japonais et de leur complice présumée Oumayya Abboud.
Pour sa dernière (en principe) entrevue avec les journalistes nippons, M. Addoum — harassé — s’est contenté de lire les chefs d’inculpation — établis par le procureur près la Cour d’appel de Beyrouth, M. Abdallah Bitar — sur base desquels le dossier a été déféré devant le premier juge d’instruction de Beyrouth. Et pour la première fois depuis le début de l’affaire, un responsable officiel libanais a reconnu implicitement l’appartenance des 5 suspects japonais à l’Armée rouge, puisque les identités des inculpés correspondent à celles divulguées par les autorités nippones.
Kozo Okamoto, Masao Adachi, Mariko Yamamoto, Haruo Wako et Kazuo Hikodachi ne sont pourtant pas poursuivis pour leur appartenance politique. Ils sont accusés d’imitation et de fraude des cachets de l’Etat — ce qui est un crime passible d’une peine de 7 à 10 ans de prison —, de falsification de pièces d’identité et de visas, de détention de plusieurs faux passeports (deux au moins pour chacun d’entre eux), de falsification de permis de séjour et de fausses déclarations d’identité à la police judiciaire, au cours de l’enquête préliminaire. La peine la plus lourde qu’ils pourraient encourir est donc de dix ans de travaux forcés, à moins que le juge ne décide une accumulation de charges...
Quant à Oumayya Abboud, qui possède une clinique d’acupuncture dans la Békaa, elle est accusée de complicité dans la falsification des documents et pièces d’identité, notamment les permis de séjour libanais. Elle est aussi accusée d’exercice illicite de la médecine et encourt ainsi les peines prévues par l’article 24 de l’organisation de la profession médicale. Car, selon l’enquête préliminaire, la jeune femme n’aurait pas un diplôme lui permettant d’exercer le métier d’acupunctrice. Pourtant, selon des sources judiciaires, elle traitait Kozo Okamoto et Masao Adachi qui souffriraient apparemment de troubles divers.
Par contre, l’enquête préliminaire n’a trouvé aucune charge à l’encontre des trois autres Japonais arrêtés le 15 février dernier. Séi Harada (la fille de Masao Adachi), Takayaki Morishima et Yushiyoki Shamoto ont été discrètement libérés dans la soirée d’hier, sous caution d’élection de domicile et l’on pense qu’ils ne tarderont pas à quitter le pays, tout en donnant aux autorités libanaises, une adresse où les joindre le cas échéant. Officiellement, le procureur Addoum a vigoureusement nié, hier, l’existence d’un «deal» ou compromis avec les autorités japonaises, portant notamment sur la remise en liberté de ces trois personnes.
Mais selon des sources diplomatiques, les fonctionnaires de l’ambassade japonaise à Beyrouth étaient très inquiets sur le sort de ces personnes et souhaitaient vivement leur libération. Il est vrai que, selon le scénario qui circule actuellement, deux d’entre eux pourraient être des espions pour le compte des autorités nippones. On raconte ainsi que Séi Harada aurait rejoint son père malade au Liban en 1994. Yushi Yoki Shamoto y serait arrivé un an plus tard. Il se serait rapproché de la jeune femme et aurait même noué une relation amoureuse avec elle, dans le but de s’infiltrer auprès de son père, Masao Adachi, membre de l’Armée rouge. Ayant identifié les personnes recherchées par Tokyo et surveillé leurs allées et venues, l’homme aurait ainsi facilité leur arrestation par les agents de la Sûreté de l’Etat, tout en informant ses supérieurs de toutes ses démarches. D’ailleurs, selon son passeport, Shamoto aurait effectué plusieurs allées et venues entre le Liban et le Japon. Le rôle du troisième personnage, Morighima n’a pas encore été précisé. Mais arrivé au Liban en 1996, on pense qu’il y a été envoyé pour finaliser l’opération, sous la couverture du lancement d’un restaurant japonais à Beyrouth. D’ailleurs, au moment de sa remise en liberté, il aurait émis le souhait de rester au Liban le temps d’y liquider «ses affaires».

Un collectif d’avocats
pour Okamoto

Des sources judiciaires précisent qu’interrogés dans le cadre de l’enquête préliminaire, Shamoto et Morishima ont nié connaître les 5 membres de l’Armée rouge. Ce que les enquêteurs ont cru, puisque les huit Japonais sont détenus séparément dans des lieux différents, sans pouvoir communiquer entre eux. Mais au moment de la confrontation, mercredi, dans le bureau du procureur Addoum, Masao Adachi se serait précipité pour donner l’accolade à Shamoto. Ce qui soulève plus d’un point d’interrogation... Toujours est-il que les trois personnages sont désormais libres. Et pour les autres, la justice suivra son cours. Comme il n’y a pas de délai pour l’instruction d’un dossier, l’enquête du juge Mirza pourrait prendre quelques semaines... ou quelques mois, voire une année. Tout dépendra de l’interrogatoire des inculpés. Ceux-ci avaient reconnu au cours de l’enquête préliminaire les charges retenues contre eux. Mais ils pourraient, comme cela arrive souvent, se rétracter devant le juge et, dans ce cas, M. Mirza devra procéder à des confrontations et à un surplus d’investigation. A la fin de son enquête, il publiera un acte d’accusation qui pourrait prévoir des non-lieux en faveur de certains des inculpés, ou au contraire retenir les chefs d’inculpation du procureur Bitar.
De toute façon, à partir d’aujourd’hui, les inculpés ont le droit d’être assistés par des avocats. Et déjà, le chef des FL dissoutes Samir Geagea semble avoir un rival sérieux. Geagea qui avait enregistré un record en ayant un collectif de près de 111 avocats, pourrait être détrôné par Kozo Okamoto, figure légendaire pour tous les anciens «palestino-progressistes».Déjà, deux avocats ont spontanément offert de le défendre, Mes Hani Sleimane et Hussein Haïdar, alors que le Club nationaliste arabe a lancé hier un appel à la formation d’un collectif d’avocats en sa faveur. Les avocats désireux de défendre Okamoto se réuniront ce matin devant le palais de justice.
Enfin, le dernier chapitre de ce premier acte concerne le brigadier Ali Makki, remplacé officiellement depuis hier par le colonel Moustapha Dakroub. Makki avait présenté il y a quelques jours, sa démission de son poste de chef de la section d’information au sein de la Sûreté de l’Etat. Désormais, ne bénéficiant plus de l’immunité de sa fonction, il pourrait être poursuivi pénalement, si son rôle dans l’affaire s’avère suspect. Mais les autorités pourraient aussi décider de ne pas ouvrir une enquête à ce sujet et ce dossier parallèle pourrait être clos, au moment même où s’ouvre officiellement le dossier judiciaire des 5 membres de l’Armée rouge. Dans ce cas, les deux questions qui intéressent en premier lieu les Libanais — à savoir, le brigadier a-t-il agi de bonne foi, dupé par les Japonais ou a-t-il sciemment mené son affaire et a-t-il agi de son proche chef ou bénéficiait-il de couvertures plus importantes — demeureront sans réponse. Ce ne sera sans doute pas le premier dossier «délicat» à tourner court. Et demain, une autre affaire — ou un autre scandale — jettera probablement celle-ci dans l’oubli.
S.H.
Fin du premier acte. Avec l’inculpation, hier, par le parquet de Beyrouth de 5 membres de l’Armée rouge — et de la Libanaise Oumayya Abboud — accusés de falsification de cachets officiels, de fraude et de séjour illicite au Liban, le feuilleton à rebondissements de l’affaire des «détenus asiatiques» (telle que pudiquement appelée par les autorités) entre dans une...