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Actualités - ANALYSE

Jean Paul II au Liban pour confirmer , Grosso Modo, le synode de 95

Cela devient un tic: plus les engagements pris par les officiels locaux paraissent fermes, plus on doute qu’ils soient tenus. Ainsi, tout comme pour les municipales prévues pour juin et dont on se demande si elles vont vraiment avoir lieu, l’annonce d’une visite papale les 10-11 mai en laisse plus d’un sceptique.

«Il est clair, dit un politicien, que la visite serait reportée en cas d’insuffisance au niveau du dispositif de sécurité devant protéger le Saint-Père, ce qui risque fort d’être rapidement constaté par les techniciens du Vatican envoyés en avant-garde».
«Et il est également évident, ajoute-t-il, que des soubresauts régionaux ou locaux, voire une tension un peu trop poussée feraient annuler la démarche pontificale...».
«Sans compter, dit encore cette source, mais cela tout le monde l’aura compris tout seul, que le feu vert indispensable des décideurs pourrait bien, pour une raison ou pour une autre, être retiré d’ici mai. C’est un peu ce que l’on vient de voir avec l’histoire des arrestations à Tarik Jédidé ou dans la Békaa. Et c’est ce que l’on avait vu en 93 quand le pouvoir avait parlé de déployer l’armée au Liban-Sud dans la zone FINUL, la rétractation ne tardant pas après un sévère rappel à l’ordre...».
«Tout, poursuit cette personnalité, pourrait dépendre de la teneur de l’exhortation apostolique que le pape doit en principe lancer au cours de sa visite, en point d’orgue du synode pour le Liban tenu en 95 à Rome. S’il y rectifie les «égarements de langage» du communiqué final du synode sur les présences étrangères et l’«évacuation», terme qui avait fait sauter en l’air les loyalistes, tout irait comme sur des roulettes. S’il ne s’y résigne pas, il est difficile qu’on le laisse venir parler au Liban». Mais le texte de l’exhortation papale ne peut de toute évidence être soumis à aucune censure.
«Il ne s’agit pas de cela, répond le politicien, tout le monde sait qu’en pareille occurrence, des copies circulent bien à l’avance pour diverses raisons d’ordre pratique et il ne sera pas difficile aux différentes parties intéressées de savoir ce que Jean-Paul II a l’intention de dire. D’ailleurs il, n’en ferait préalablement pas mystère et on peut gager que s’il compte visiter le Liban, il sait parfaitement quelles considérations précises il lui faut ménager. De plus, cela fait des années que, sans inviter les chrétiens à renoncer à leurs droits, le Vatican leur conseille de se «montrer réalistes» et de traiter avec l’environnement. N’oublions pas enfin que le pape se préoccupe de religion et même de société humaine bien plus que de politique. Il viendrait couronner une incidence religieuse, le synode et aussi plaider, à travers l’exemple libanais de coexistence, pour les minorités chrétiennes d’Orient et d’Egypte».
«Cependant, le Saint-Père, prévoit cette personnalité, à quelques points près comme les présences étrangères sur le sol libanais, devrait confirmer les conclusions d’un synode auquel il avait apporté une inlassable contribution personnelle en assistant à presque toutes les séances».
Les principales résolutions du synode, rappelons-le, se résument comme suit:
— La dégradation socio-économique accentue la détresse des démunis. La classe moyenne a beaucoup perdu de son tissu et de ses potentialités. Le tiers de la population libanaise se trouvent au-dessous du seuil de la pauvreté. Le taux de chômage augmente de jour en jour, ce qui pousse les jeunes à quitter le pays. L’Etat doit légiférer et tirer des plans pour que le fossé cesse de se creuser, les riches devenant encore plus riches et les pauvres plus pauvres.
— On transforme le Liban en paradis fiscal pour attirer les capitaux. Mais il s’avère que ces fonds sont surtout utilisés dans la spéculation, et que très peu vont à des projets créateurs d’emplois.

Lourde imposition

— Le Trésor pèse de tout son poids sur les salariés, qu’il pressure à la source, ou par l’inflation, ainsi que sur l’ensemble des consommateurs de toutes les classes sociales, par le biais des flambées de taxes et d’impôts indirects, une imposition qui ne tient pas compte donc des différences de revenus. Les dépenses publiques profitent en premier lieu aux détenteurs de fonds qui prêtent à l’Etat sous forme de bons du Trésor. Le service de la dette publique (paiement des intérêts) accapare ainsi une bonne moitié des frais engagés par l’Etat. La structure des finances générales représente actuellement un instrument fort au service de l’injustice sociale.
— Le manque de logements est un problème grave qui menace la vie de famille et la jeunesse, en retardant le mariage ou encore en le rendant bien plus difficile. Cette situation découle de la guerre qui a détruit et endommagé près de 150.000 habitations. Les variations constantes dans la législation sur les loyers découragent les gens de construire pour louer et ont définitivement liquidé le créneau de la location qui, dans d’autres pays, occupe les 60% du domaine de l’habitat. Tout cela à cause de l’inexistence d’une politique de construction d’habitations populaires.
— Sur le plan médical, des familles connaissent des drames terribles quand une maladie se déclare, faute de ressources pour les soins. En effet, la Sécurité sociale ne protège pas tous les Libanais — même pas la majorité d’entre eux d’ailleurs. Les tarifs des hôpitaux flambent dans la proportion même où les revenus des Libanais décroissent.
— Sur le plan politique, rien n’abat plus le moral du peuple libanais que le constat qu’il n’est plus maître de son destin. Ce sentiment paralyse la vie nationale, retarde le retour des réfugiés et alimente le mouvement d’émigration.
— Les Libanais ont payé un prix exorbitant pour la guerre. Nul n’a le droit de les écarter de la table des négociations pour s’occuper de leurs intérêts comme s’il étaient mineurs et sous tutelle...
Ce texte de 95, qui parlait aussi des arrestations arbitraires, du pluralisme culturel et des droits de l’homme, est-il toujours valable en 97? Réponse positive du côté des ecclésiastiques libanais. Mais M. Rafic Hariri pense différemment et c’est ce qu’il s’est efforcé de faire valoir lors de ses entretiens au Vatican.

E.K.
Cela devient un tic: plus les engagements pris par les officiels locaux paraissent fermes, plus on doute qu’ils soient tenus. Ainsi, tout comme pour les municipales prévues pour juin et dont on se demande si elles vont vraiment avoir lieu, l’annonce d’une visite papale les 10-11 mai en laisse plus d’un sceptique.«Il est clair, dit un politicien, que la visite serait reportée...