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Actualités - OPINION

Impressions de la semaine "Vous êtes à Vienne Madame"

Depuis près d’un demi-siècle, je garde, dans ma mémoire et dans mon cœur, la devise qu’un journal de France pensait pouvoir octroyer à des ministres autrichiens. Il écrivait:
«Si vous ouvrez le cœur de Fey, vous y trouverez Fey
«Si vous ouvrez le cœur de Starhemberg, vous y trouverez l’Autriche
«Si vous ouvrez le cœur de Dollfuss, vous y trouverez le pape».
Quelle belle devise pour un même gouvernement! Et puis Dollfuss fut assassiné et son sang coula à la chancellerie sans qu’on pût arrêter l’hémorragie.
D’autres souvenirs plus anciens me revenaient à l’esprit au cours de la cérémonie organisée par le consul Khalil Fattal et son épouse en l’honneur de Mme Ferrero Waldner et de ses collaborateurs autrichiens. Nous avons raison de ne rien oublier de ce que l’Autriche a été pour le Liban avant et après la guerre mondiale.
Mais bien des évènements plus ou moins importants occupaient mon esprit. J’étais à Vienne en 1951. C’était la veille de Noël, célébrée dans la joie et l’espérance.
Le chauffeur de taxi qui nous accompagnait à la gare, à l’aube, tâchait de ne pas évoquer trop de souvenirs pénibles de l’Anschluss. «Comme c’est aimable à vous d’affronter le froid et d’arriver à l’heure au moment de notre départ glacial».
Le chauffeur ne se retourna même pas pour expliquer et presque pour excuser son déplacement si matinal: «Mais vous êtes à Vienne, Madame». C’était comme une simple parole qui justifiait et dépassait le comportement de tous ses compatriotes.

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Je ne sais pas si dans la cohue où je me trouvais en cette fin de semaine, dans un très élégant hôtel de Beyrouth, il était possible de faire entendre les propos du vieux chauffeur de taxi (lequel n’avait même pas de manteau).
«Mais vous êtes à Vienne, Madame». Un prince n’aurait pas pu trouver mieux et c’est si vrai que j’ai emporté dans mes bagages cette manifestation de grande gentillesse.
Je la répète après plus de quarante-cinq ans.

Les chiffres de Georges Naccache
3.500.000.000 de livres (oui trois milliards et demi de livres libanaises) plus un montant égal en timbres fiscaux: ces chiffres sont à peine croyables mais ils ne sont pas le total des bénéfices recueillis par les gens qui ont pratiqué une véritable razzia sur les finances libanaises.
Il y a soixante ans, parlant du budget de l’Etat libanais qui venait d’être élevé à près de 3.000.000 de livres libanaises, Georges Naccache écrivait dans «L’Orient»: «Deux millions c’est déjà énorme; mais trois millions c’est une fois et demie plus énorme. Et c’est contre cette énormité (et demie) que d’abord nous protestons».
Mais ces chiffres de l’époque (c’était vers 1934) paraissaient considérables et le responsable des Finances d’alors laissait entendre que ce n’était qu’une partie de la somme dont l’Etat avait besoin.
Que devons-nous dire maintenant? Si Mlle Amal Naccache feuilletait, avec grande attention, les pages de «L’Orient» de l’époque elle retrouverait sûrement les chiffres et les commentaires que nous empruntons aujourd’hui à son père. Georges Naccache était le polémiste le plus redoutable, non seulement au Liban mais en France aussi, je veux dire dans la presse française.
Qu’est-ce que ce journaliste aurait dit si nous étions, comme maintenant, devant des milliards?
Mais ce n’est pas le gouvernement qui les réclame, ce sont des employés du gouvernement qui les ont mis dans leurs poches.
Que dire? Que faire? Si le ministre Siniora voulait bien éplucher les comptes de l’Etat, nous devrions remonter sans doute à beaucoup plus loin dans le passé et nous dirions que ce n’est pas seulement l’argent qui disparait; ce sont les fonctionnaires aussi qui se tuent ou se font tuer.
Quand les escroqueries n’étaient que des escroqueries, nous pouvions dire: «Hélas! Hélas!». Mais depuis qu’il s’agit de meurtres en série, nous pouvons crier: «Hola!»
Que M. Siniora veuille bien m’excuser si je lui applique ces souvenirs d’antan.
Depuis près d’un demi-siècle, je garde, dans ma mémoire et dans mon cœur, la devise qu’un journal de France pensait pouvoir octroyer à des ministres autrichiens. Il écrivait:«Si vous ouvrez le cœur de Fey, vous y trouverez Fey«Si vous ouvrez le cœur de Starhemberg, vous y trouverez l’Autriche«Si vous ouvrez le cœur de Dollfuss, vous y trouverez le pape».Quelle belle...