PARIS, 8 Janvier (Reuter). — Le chavirage de Thierry Dubois et de Tony Bullymore a attisé une polémique sur le coût des sauvetages en mer, mais dans le milieu de la voile, c’est surtout la formule du Vendée Globe qui est remise en cause.
Pour Philippe Jeantot, l’organisateur, «personne n’a jamais été obligé de faire cette course» et les risques sont calculés. Pourtant, c’est précisément par calcul qu’un vieux loup de mer comme Eric Tabarly émet des réserves.
«Je ne partirais jamais en solitaire autour du monde sur de tels bateaux», déclare la référence incontestée en la matière pour ajouter aussitôt: «Mais ce sont de très beaux bateaux skippés par de très bons marins. Au départ, je n’ai repéré aucun farfelu».
Adepte de formes plus classiques, profondes et fines, Eric Tabarly comme beaucoup d’autres reste étonné à la vue des coques modernes du Vendée Globe, ces fameux 60 pieds, véritables planches à voiles géantes faites pour glisser sur l’eau.
«C’est le parcours qui impose de telles formes, précise Jean-Marie Finot, auteur des plans de six des seize bateaux engagés. Quatre-vingt pour cent de la course se fait par vent faible ou par bonne brise venant de l’arrière. Il fallait donc des bateaux légers et capables de surfer longtemps».
Constructeur à La Rochelle de trois de ces bateaux, Marc Pinta reconnaît qu’il faudrait peut-être revenir à plus de classicisme: «Ce sont des bateaux marrants, excitants même. Techniquement, ils sont très intéressants à construire aussi. Mais la situation est de moins en moins marrante pour certains de ceux qui sont dessus en ce moment».
Comme d’autres, il évoque le retour des jauges, séries de paramètres fixes imposés par les organisateurs, qui permettrait un retour à la raison.
L’interdiction des ballasts, réserves d’eau latérales et mobiles, réduirait naturellement, par exemple, la largeur surdimensionnée des bateaux, facilitant ainsi leur retournement quand ils sont quille en l’air.
Limiter les tirants d’eau rétablirait l’installation de lests plus lourds donc plus efficaces à grande vitesse.
«Couper les ailes»
Proscrire les mâts ailes permettrait aux skippers de pouvoir se mettre vraiment à sec de toiles en cas de tempête, donc en sécurité. Et surtout de se rétablir après un retournement au lieu de se «planter» définitivement dans l’eau, à l’envers.
«Cela reviendrait à couper les ailes de ces bateaux et rétablirait indirectement une forme de monotypie des navires, admet Marc Pinta. Ça permettrait en plus de faire revenir les Anglo-Saxons sur ce type de courses, pour se battre à armes égales».
«Faux et archifaux, rétorque Philippe Jeantot, ce sont les Anglais qui ont inventé les courses sans jauges, où tout est permis, comme dans les premières transats».
Pour Bruno Peyron, qui prépare de son côté «The Race», un autre défi autour du monde, les limitations sont souvent inutiles.
«Pour ma course, j’avais entendu parler de projets géants. Finalement, ce sont les concurrents eux-mêmes qui ont limité les tailles».
«En matière de sécurité en mer, ce sont les skippers qui sont les plus exigeants», ajoute-t-il.
Pour beaucoup, d’ailleurs, la vitesse constitue souvent la base de la sécurité en mer.
«C’est comme pour l’escalade, explique Jean-Marie Finot. Autrefois, on partait pour trois jours avec des équipements lourds. Aujourd’hui, on va aussi haut en une journée. On limite donc le risque de se faire coïncer par la météo».
En tournant autour du pôle sud, les skippers restent rivés sur leurs cartes météo. Le but de la manœuvre est de deviner la trajectoire des dépressions qui défilent sur ces zones hurlantes et de venir se placer le plus rapidement possible au nord de ces trajectoires furtives pour bénéficier de vents portants.
En cas d’échec de cette manœuvre pour les bateaux trop lents par petit temps, les risques de casse et de fatigue augmentent aussitôt.
«Il y a la fatigue des hommes, mais aussi celle des matériaux, remarque Jean-Marie Finot. Un tour du monde, c’est 24.000 milles d’affilée dans les pires conditions. C’est plus que n’endurera jamais un voilier normal».
Les héros de cette aventure se chargent eux-mêmes de conclure le débat.
«Quand on s’inscrit au Vendée Globe, on connaît les risques . On les calcule, donc on les accepte», ajoute Alain Gauthier, ex-vainqueur de l’épreuve. «Il ne faut pas confondre la part du risque et les séries noires».
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