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Actualités - CHRONOLOGIE

Visconti, le maître indétrônable

VISCONTI, LE MAITRE «INDETRONABLE»

Aujourd’hui, un livre sort quasiment chaque semaine sur le cinéaste qui a profondément marqué l’esthétique de l’image en Italie. Pourtant, dans le public, dans les journaux à grande diffusion, on parle peu de Visconti, moins en tout cas que de Fellini, que les Italiens ont redécouvert avec émotion à sa mort en 1994 après l’avoir injustement négligé, ou de Pasolini, enfant terrible, génial et tourmenté de la culture italienne.
Visconti reste un monstre sacré, et ses deux films-culte sont sûrement «Mort à Venise» et «Le Guépard», dont la pellicule a été somptueusement rajeunie en 1994.
«Viscontien en italien signifie princier. Il a été un prince estimé, trop estimé peut-être, par la gauche. Personne n’a osé dire du mal de Visconti. La critique n’a jamais osé liquider un de ses films. Il a exercé une certaine dictature esthétique et morale», a relevé Aldo Tassoune, critique de cinéma italien et fondateur du festival France-cinéma de Florence.
«Devant Visconti, a-t-il noté, à cause de ses deux identités de prince et de grand-père du néoréalisme, personne n’osait dire par exemple qu’il en faisait parfois un peu trop» dans des films comme les Damnés et le Crépuscule des Dieux.
Suso Cecchi D’Amico, qui a été trente années durant sa scénariste, estime de son côté qu’il a «rénové l’usage de la couleur» après «Senso» (1953). Comparés aux films produits à la même époque, les films de Visconti ont des couleurs «à la fois plus délicates et plus réalistes», et «les maquillages trop forts ont été abandonnés».
Pour Tullio Kesich, autre grand spécialiste du cinéma italien, comme pour Suso Cecchi D’Amico, Visconti a aussi profondément rénové la mise en scène au théâtre et à l’opéra, des contributions trop mal connues à l’étranger.
Mme Cecchi D’Amico observe que, dans l’opéra, «il a créé l’acteur chantant», précisant qu’«il a rendu les acteurs d’opéra véridiques». A ce propos, elle a rappelé comment Visconti avait demandé à la Callas de suivre un régime amaigrissant sévère, ajoutant que Visconti a aussi valorisé les décors.
Visconti a fait venir un public plus vaste et plus exigeant, a insisté Mme Cecchi D’Amico.
Tullio Kesich voit Visconti à la fois «comme un révolutionnaire et un antiquaire». «Comme un antiquaire, il ne méprisait pas la tradition, voulait la rendre fidèlement», mais il «avait voulu sortir du monde de son grand-père, le Guépard». S’il n’a jamais été inscrit au Parti communiste, c’est, selon Kesich, «en raison de l’interdit qui pesait sur son homosexualité et son esprit indépendant, inclassable».
Tullio Kessich insiste sur le fait que entre le film «Ossessione» en 1942 et l’opéra La Traviata en 1956, il a été un «innovateur, un réformateur total». «Persécuté alors par une presse très hostile, c’est alors qu’il a été important. Puis, il est entré dans le système conservateur».
Quels sont ses héritiers? Kesich cite Francesco Rosi pour le réalisme, et Franco Zeffirelli, surtout dans l’œuvre d’art lyrique, même si l’élève n’a pas la profondeur du maître et si les deux hommes apparaissent politiquement à l’opposé.
Mme Cecchi D’Amico ne voit guère d’héritiers au «prince» Visconti en Italie comme à l’étranger – à part peut-être l’Américain James Ivory –, sans doute parce que le septième art en crise en Europe ne peut se permettre des films trop chers pour ses créateurs.
VISCONTI, LE MAITRE «INDETRONABLE»Aujourd’hui, un livre sort quasiment chaque semaine sur le cinéaste qui a profondément marqué l’esthétique de l’image en Italie. Pourtant, dans le public, dans les journaux à grande diffusion, on parle peu de Visconti, moins en tout cas que de Fellini, que les Italiens ont redécouvert avec émotion à sa mort en 1994 après l’avoir injustement...