S'il a fallu à Imelda Marcos 2 000 paires exposées au shoe museum à Marikina à Manille pour devenir célèbre, une chaussure noire lancée à la figure de George W. Bush a suffi à un journaliste ni grand, ni blond, ni timide, Mountazer al-Zaidi, pour acquérir une notoriété planétaire.
Cette chaussure s'appelle Ducati 271, et elle fait la fierté de Ramazan Baydan, un Turc qui en revendique la paternité et dont il vante l'aérodynamisme au passage. Ce geste, déplacé pour les uns, loué par les autres, n'est pas la première riposte dans l'histoire impliquant une chaussure.
En 1941, dans une France occupée, tout manque. Les Allemands réquisitionnent le cuir : un accord oblige la France à livrer au Reich 6 millions de paires de chaussures durant l'année 1941. Le gouvernement crée des « bons de chaussures » que les particuliers désireux d'acquérir une paire de chaussures en cuir doivent demander à la mairie de leur domicile. Pour riposter à l'oppression nazie, le système D est créé. Les mères de famille bricolent, rapiècent, rallongent, récupèrent. Comme cette mère qui fait rallonger avec un petit bout de cuir les chaussures de son fils devenues trop petites, ou cette autre qui fait visser des patins d'acier sous la pointe des semelles et sous les talons de ses chaussures en cuir, et cette élégante Parisienne qui a tailladé les côtés et les contreforts des souliers dont l'extrémité était si usée qu'elle laissait dépasser le gros orteil, créant ainsi un nouveau modèle... Pour pallier au manque du cuir, on invente « les chaussures de l'armistice », des chaussures à semelles de bois guère confortables, mais dont la qualité s'améliorera avec le temps...
Une autre riposte impliquant une chaussure fut celle de Nikita Khrouchtchev. Le 13 octobre 1960, à la réunion de l'Assemblée générale de l'ONU, ce dernier interrompt à plusieurs reprises les orateurs, frappant son pupitre avec son poing. Sa cible principale, c'est le secrétaire général de l'ONU depuis 1953 Dag Hammarskjold, que Khrouchtchev juge trop favorable aux intérêts américains, et lorsque le président de l'Assemblée réclame son silence, il retire sa chaussure et frappe sur son pupitre pour le singer.
Mais si al-Zaidi, lui, chausse du 44, aux dires de Bush, l'histoire n'a pas retenu la pointure de Nikita.