Le Dr Rock el-Achy, directeur de l’ILE. Photo USJ
Dans un Liban en proie à une instabilité chronique, la fonction éducative voit sa reconnaissance diminuer tout en étant plus que jamais sollicitée et fragilisée. Pourtant, le rôle de l’éducateur, en pleine mutation, reste porteur d’espoir. Face à ces enjeux majeurs, l’Institut libanais d’éducateurs (ILE) de l’Université Saint-Joseph adapte ses programmes aux besoins actuels. Parmi les nombreuses initiatives menées dans ce cadre figure « un chantier de reconstruction de son référentiel de compétences, tant au niveau de la licence que du master, en éducation préscolaire, primaire et orthopédagogique », précise le Dr Rock el-Achy, directeur de l’ILE. « Ce travail a permis de renforcer les compétences fondamentales et didactiques, tout en intégrant de nouvelles dimensions telles que les compétences psychosociales, la pensée critique, le coaching pédagogique, la pleine conscience en éducation et l’évaluation orthopédagogique. »
Par ailleurs, l’ILE a lancé une campagne de valorisation du métier d’éducateur et de la formation, à travers des vidéos et des visuels diffusés sur ses réseaux sociaux, ainsi que sur ceux de l’USJ et des établissements scolaires partenaires. En complément, un événement a été organisé en avril, réunissant les chefs d’établissement, les syndicats d’enseignants et d’orthopédagogues, les bureaux pédagogiques, le Secrétariat général des écoles catholiques et les ministères concernés. Cette rencontre « a mis en lumière la nécessité de revaloriser le métier d’éducateur et de responsabiliser l’ensemble des parties prenantes », indique Dr Achy, qui insiste sur l’importance de former l’éducateur « non seulement aux savoirs académiques, mais aussi aux compétences psychosociales et à la pensée critique, afin de préparer des citoyens engagés et positifs ».
Un métier qui peine à séduire les nouvelles générations
Le métier d’éducateur attire de moins en moins de jeunes, note le directeur de l’ILE. « Tout d’abord, la société valorise principalement des métiers associés à une image sociale forte ou à un rendement financier élevé, ce qui conduit de nombreux jeunes à s’éloigner des professions liées à l’éducation, souvent perçues comme moins rentables ou prestigieuses. De plus, les conditions d’exercice des enseignants, marquées par des défis quotidiens, un manque de ressources et parfois une reconnaissance limitée, n’offrent pas une image favorable de ce métier, et cela est bien entendu perçu par les élèves eux-mêmes », estime-t-il avant de souligner le « rôle-clé » des institutions universitaires dans la « revalorisation sociale » du métier d’éducateur. « Elles doivent non seulement adapter leur formation aux réalités actuelles et aux besoins de la société, mais aussi jouer un rôle de modèle en valorisant l’engagement des étudiants et des enseignants. »
Les Sisyphe modernes
Dans ce contexte, le Dr Rock el-Achy souligne que le métier d’éducateur a « rapidement su se réinventer, notamment lors de la pandémie de Covid-19, alors que de nombreux services de l’État et autres secteurs ont stagné ou disparu face à la crise sanitaire et économique ». Confrontés à l’impossibilité d’assurer une présence en classe, les enseignants ont rapidement acquis de nouvelles compétences, en particulier dans le domaine numérique, pour garantir la continuité pédagogique. « Cette réactivité montre l’engagement et le dévouement des éducateurs, qui ont fait preuve d’une grande résilience et d’un sens profond de la mission. »
Cette capacité d’adaptation, révélée durant la pandémie, ne s’est pas estompée. Bien au contraire. Malgré les différentes crises auxquelles le pays est confronté, « ces » Sisyphe modernes « continuent d’accompagner leurs élèves avec une résilience exceptionnelle, les menant sans relâche vers la réussite. Leur engagement va au-delà des résultats scolaires, visant à contribuer au développement affectif, social et civique des enfants », estime le directeur de l’ILE. Et de conclure : « Être éducateur, c’est créer des opportunités pour un avenir plus juste. C’est à ce niveau que tout commence. »
