Nathalie Harb, « The Interval of Sleep and Unrest », 2023. Crédit photo TAP
Du 22 au 25 mai 2025, Beyrouth accueille « Breath is Tide », un programme artistique qui fait du souffle – ce geste universel, intime et vital – un manifeste politique et poétique. Conçu par Amanda Abi Khalil et produit par Temporary Art Platform (TAP), en collaboration avec le Festival Art Explora, l’événement célèbre dix ans d’activisme artistique tout en lançant symboliquement l’arrivée future du bateau-musée Art Explora au Liban.
« Le souffle est le point de départ – le phénomène le plus fondamental et universel du vivant », pose Amanda Abi Khalil, curatrice et fondatrice de TAP. Un souffle devenu rare, entravé, asphyxié : par les crises sanitaires, politiques, écologiques ; par les fumées, les gaz, le vacarme des générateurs ; par la guerre, aussi, et ses relents toxiques. C’est à cette suffocation collective que répond « Breath is Tide », en proposant un espace pour respirer – ensemble, librement, et autrement.
Pendant quatre jours, installations, performances, projections et rassemblements prennent place dans les artères de la ville : du Beirut Art Center au musée Sursock, de la forêt Beirut RiverLESS au jardin public de Karantina, en passant par la Bibliothèque nationale, Metropolis et Metro al-Madina. Autant de haltes symboliques pour retrouver un souffle commun.
Au cœur de ce programme, des artistes tels que Ahmad Ghossein, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Annabel Daou, Raed Yassin ou encore Yara Boustany explorent le souffle comme une pulsation politique et esthétique. De la performance silencieuse au murmure enregistré, de la danse aux soupirs captés, chaque œuvre devient un battement collectif dans une ville épuisée.

Un programme en quatre temps
Le jeudi 22 mai, « Breath is Tide » s’ouvre au Beirut Art Center avec la performance participative d’Ahmad Ghossein Service Servissen, des projections de films, une séance collective de mouvement et la performance silencieuse d’Annabel Daou. Yara Boustany présentera Plastispheres, une traversée chorégraphique des territoires invisibles.
Le vendredi 23 mai, le musée Sursock invite les visiteurs à enregistrer leurs soupirs dans Index of Sigh de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, tandis que Raed Yassin livre une performance inédite à la Bibliothèque nationale. En soirée, Metropolis projettera Treat Me Like Your Mother de Mohammad Abdouni.
Le samedi 24 mai, des œuvres permanentes sont inaugurées à l’hôpital de l'Université américaine l’AUBMC-ACC, suivies par A Room Without Walls, une performance participative pour enfants dans le jardin de la Quarantaine. La journée se conclura au Metro al-Madina par une soirée festive avec concerts et DJ set.
Enfin, le dimanche 25 mai, la clôture se fera au grand air dans la Beirut RiverLESS Forest, avec un pique-nique et un rassemblement organisé en collaboration avec theOtherDada, marquant également l’anniversaire de cette forêt urbaine plantée en pleine ville.
« Respirer ensemble, c’est résister. C’est un rappel de respirer même dans l’asphyxie. À travers les génocides et les écocides », déclare Amanda Abi Khalil. « Si nous ne pouvons plus respirer, alors nous chanterons. Si nous ne pouvons pas chanter, alors nous fredonnerons. » Dans ce souffle collectif, elle voit une « décennie de commissariat comme soin », une manière de réinvestir les biens communs et de réaffirmer le droit à la ville.
Initialement prévue pour 2025, l’arrivée du bateau-musée Art Explora à Beyrouth est reportée à 2027. Mais « Breath is Tide » en devient le « souffle inaugural », une promesse tenue malgré tout, celle de faire de l’art un refuge, un territoire de résistance, une respiration partagée.
Dans un Liban en crise, où l’air est parfois irrespirable, « Breath is Tide » rappelle que l’art peut être ce souffle ténu mais vital, ce flux qui, même à bout de force, continue de porter la vie.
bravo Amanda!
09 h 45, le 22 mai 2025