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Politique - Décryptage

Quand l’Arabie saoudite reprend la main au Liban


Trois développements ont eu lieu quasi simultanément ces derniers jours sur la scène libanaise. Le premier est l’annonce jordanienne du démantèlement d’une cellule proche des Frères musulmans (dans la mouvance desquels s’inscrit le Hamas) qui comprend des Palestiniens qui auraient effectué des séjours de formation au Liban. Le pays du Cèdre s’est empressé de mener sa propre enquête sur le sujet. Mais il devient de plus en plus clair qu’il lui est demandé de mettre en cause la présence et les activités du Hamas sur son territoire. L’armée a, de son côté, annoncé avoir arrêté des Libanais et des Palestiniens qui seraient proches du Hamas et derrière le lancement de missiles à deux reprises vers Israël à partir du Sud. Le troisième développement, c’est l’annonce par le chef du courant du Futur Saad Hariri de sa décision d’empêcher le courant qu’il dirige d’intervenir dans les élections municipales prévues le mois prochain. Cette décision a constitué une surprise pour les milieux politiques mais aussi, et surtout, pour la rue sunnite. En effet, celle-ci avait cru, voire espéré, après le discours prononcé par Saad Hariri à l’occasion de la commémoration de l’assassinat de son père le 14 février, qu’il opérait enfin un éclatant come-back sur la scène politique. Il est désormais clair qu’un tel

rendez-vous est reporté, pour ne pas dire annulé. En une période aussi délicate, il est difficile de croire aux coïncidences. D’autant qu’en parallèle à ces trois développements, on ne peut occulter la visite discrète à Beyrouth de l’émissaire saoudien Yazid ben Farhane, en charge du dossier libanais, qui est arrivé par surprise dans la nuit de dimanche à lundi pour repartir mardi dans la nuit. Certes, le prince saoudien a eu pendant sa courte visite des rencontres officielles, notamment avec les trois hauts responsables, le chef de l’État, le président de la Chambre et le Premier ministre, mais il a aussi tenu de nombreuses réunions avec des représentants de plusieurs parties politiques. Cette visite était d’autant plus importante qu’elle a eu lieu en même temps que celle, officielle, de Nawaf Salam à Damas, laquelle avait été précédée par la rencontre à Djeddah des ministres de la Défense du Liban et de la Syrie.

Sans entrer dans les détails de chacun de ces développements, un survol rapide montre un rôle prépondérant de l’Arabie saoudite. Après de longues années de retrait partiel, voire de désintérêt saoudien à l’égard de la scène libanaise, l’Arabie semble avoir décidé d’y revenir en force. Cela a commencé par son rôle dans l’élection du commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, à la présidence de la République, dans le cadre de ses efforts propres et de son action au sein du Quintette (États-Unis, France, Arabie saoudite, Qatar et Égypte). C’est ensuite devenu encore plus clair avec la nomination de Nawaf Salam à la tête du gouvernement, alors qu’un accord avait été en principe conclu entre Joseph Aoun et le tandem chiite pour maintenir Nagib Mikati jusqu’aux prochaines législatives prévues en mai 2026.

Dès lors, les Saoudiens ont montré qu’ils ont leur mot à dire dans le cours des événements au Liban, d’autant qu’il est apparu au cours des dernières années que sans un aval de Riyad, le Liban s’enfonce dans une crise sans fin. C’est ainsi que même si le courant du Futur ne le confirme pas officiellement, les milieux sunnites sont convaincus que les dirigeants saoudiens ont joué un rôle, même indirect, dans la décision de Saad Hariri de ne pas participer aux prochaines élections. Selon les milieux du Futur, les Saoudiens, qui ont décidé de recommencer à être influents sur la scène sunnite, préféreraient dans la période actuelle ne pas avoir à composer avec un leader populaire, mais avec un homme d’État, pour qu’il puisse mettre en marche le plan de redressement de l’État et de ses institutions. Nawaf Salam avait donc le profil idéal, ce qui n’était le cas ni de Saad Hariri ni même de Nagib Mikati.

Le changement de régime en Syrie a sans doute eu aussi un rôle dans la décision saoudienne. La chute de Bachar el-Assad a ouvert la voie à un pouvoir proche de la Turquie et du Qatar. Pour les Saoudiens, un retour au Liban par la porte sunnite devenait ainsi plus urgent. En raison de l’influence d’Ankara et de Doha dans le nord du Liban et en particulier à Tripoli, il y a d’abord eu des craintes que le Liban ne devienne le théâtre de tiraillements entre les deux principaux courants du monde musulman sunnite, l’un mené par l’Arabie et l’autre par la Turquie. Mais très vite, les Saoudiens ont réussi à imposer leur présence dans ces développements, et la première visite à l’étranger du nouveau président de la Syrie, Ahmad el-Chareh, a eu lieu à Riyad. De même, alors que l’on croyait que le passage obligé de toute réunion avec les nouveaux dirigeants de la Syrie était Ankara, il est apparu que pour le Liban, il est préférable que tout passe par Riyad. Les Saoudiens aident donc, donnent des conseils et encadrent les démarches des responsables libanais. Selon des sources politiques libanaises, Yazid ben Farhane aurait ainsi conseillé à tous ceux qu’il a rencontrés au cours de sa dernière visite à Beyrouth de resserrer les rangs autour du nouveau pouvoir au Liban et de ne pas chercher à alimenter d’éventuelles divergences entre le chef de l’État et le président du Conseil. En même temps, les dirigeants saoudiens ne cessent de presser leurs interlocuteurs libanais de procéder le plus rapidement possible aux réformes structurelles nécessaires. Mais cela ne signifie pas qu’ils mettent en veilleuse l’exigence du désarmement du Hezbollah. D’ailleurs, l’affaire de la cellule en Jordanie et les arrestations de Palestiniens proches du Hamas au Sud sont arrivées à point nommé pour imposer une nouvelle demande : les autorités libanaises devraient commencer par neutraliser les capacités du Hamas sur son territoire. Une nouvelle phase dans la lutte sourde entre l’Arabie saoudite et la Turquie se profile-t-elle ainsi dans la région, ou bien s’agit-il d’une étape dans le démantèlement de toutes les forces dites de la résistance ? À moins que ce ne soit les deux en même temps... Il est sans doute trop tôt pour le clarifier, mais ce qui est sûr, à ce stade, c’est que l’influence saoudienne au Liban se précise de plus en plus.

Trois développements ont eu lieu quasi simultanément ces derniers jours sur la scène libanaise. Le premier est l’annonce jordanienne du démantèlement d’une cellule proche des Frères musulmans (dans la mouvance desquels s’inscrit le Hamas) qui comprend des Palestiniens qui auraient effectué des séjours de formation au Liban. Le pays du Cèdre s’est empressé de mener sa propre enquête sur le sujet. Mais il devient de plus en plus clair qu’il lui est demandé de mettre en cause la présence et les activités du Hamas sur son territoire. L’armée a, de son côté, annoncé avoir arrêté des Libanais et des Palestiniens qui seraient proches du Hamas et derrière le lancement de missiles à deux reprises vers Israël à partir du Sud. Le troisième développement, c’est l’annonce par le chef du courant du Futur Saad...
commentaires (4)

Avec ou sans l'A.S., le Quatar, la Turquie ou l'Iran, le Liban reste toujours en état de crise. Seuls les Libanais peuvent sauver ce qui reste. Serons-nous à la hauteur (?) Tant que les divisions idéologiques persistent, c'est loin d'être gagné.

Raed Habib

06 h 49, le 19 avril 2025

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Commentaires (4)

  • Avec ou sans l'A.S., le Quatar, la Turquie ou l'Iran, le Liban reste toujours en état de crise. Seuls les Libanais peuvent sauver ce qui reste. Serons-nous à la hauteur (?) Tant que les divisions idéologiques persistent, c'est loin d'être gagné.

    Raed Habib

    06 h 49, le 19 avril 2025

  • Comme vous l’avez si bien dit bien , en politique il n’y y’a ni coïncidences ni surprises. Si Saad Hariri éclipsé c’est sur ordre de l’Arabie Saoudite et ce malgré la déception et le sentiment de frustration ressentis dans la rue sunnite.

    Hitti arlette

    16 h 30, le 18 avril 2025

  • Après des décennies d’emprise iranienne sur le Liban, avec ses résultats catastrophiques, le retour des Saoudiens n’est en aucun cas un drame. Et si de plus le taureau Trump épaule l’Etat libanais, on ne va pas crier à l’interventionnisme, n’en déplaise à ceux qui vénéraient la mainmise des mullahs barbus d’un autre âge. Au moins les nouveaux venus sur la scène libanaise n’ont pas de milices armées illégales, mais plutôt la clé des coffres à sous , absolument nécessaires à la relance de notre pauvre pays détruit et ruiné.

    Goraieb Nada

    08 h 11, le 18 avril 2025

  • Que nous apprend ce “décryptage”? RIEN

    Zampano

    02 h 56, le 18 avril 2025

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