À l’occasion des cinquante ans de la guerre civile libanaise, L’Orient-Le Jour vous fait découvrir les témoignages de ceux qui l’ont vécue, subie, observée de près. Ceux qui ont aimé, ri et grandi avec. Ceux aussi qui ont pris les armes dans un camp ou dans un autre. À travers ces histoires racontées à la première personne, se dessine le récit intime de quinze ans d’un conflit qui marquera des générations de Libanais par sa violence. Une mémoire souvent méprisée, par crainte, sans doute, que l’étincelle ne jaillisse à nouveau.
Il est à noter que les propos exprimés dans cette série ne reflètent pas la position de L’Orient-Le Jour et n’ont pas vocation à fournir un récit historique infaillible. Nous avons tenu à ce que les personnes sollicitées livrent leur vision et leur ressenti subjectifs, avec la violence qu’ils comportent.
Épisode 2 :
Depuis ses dix ans, Georges Boustany collectionne. Méthodiquement, il découpe les articles de presse qui parlent des derniers coups d’éclat de la guerre, ramasse les cartouches vides des rues d’Achrafieh et enregistre les sons des obus qui recouvrent le chant des cigales à Beyrouth. Chaque fois qu’un « orgue de Staline » – le nom donné aux roquettes katioucha – retentit depuis la montagne, siffle au-dessus des têtes et fracasse un quartier de la capitale, Georges Boustany se précipite sur les cassettes seventies de sa mère et laisse son magnétophone tourner au balcon. Il est jeune, mais il comprend que cette brutalité doit être archivée, car il faudra un jour que quelqu’un s’en souvienne. C’est une habitude, une fascination, un devoir. Des années plus tard, il refuse d’oublier. Ses archives sonores et photographiques sont sa manière à lui de transmettre, de diluer le traumatisme et d’éviter de rejouer l’histoire comme un disque rayé qui passerait en boucle le même morceau.
Le crime, c'est de se voiler la face et de faire comme si de rien n'etait, ne pas avoir le courage de se dire les choses telles qu'elles sont, de tirer en commun les lecons du passe pour ne pas le repeter... Le crime, c'est de continuer a croire qu'en ignorant les erreurs, et en repetant les ignorances du passe a chaque etape, quelque chose changera et que le resultat sera different... Vous n'avez rien appris, et chaque catastrophe n'en sera que plus grande jusqu'a l'ultime, ou il ne restera plus rien qu'un exil definitif... et ce ne sera jamais votre faute, mais, encore, celle "des autres".
12 h 16, le 13 avril 2025