Tout le monde s’accorde à dire que le Liban est gouverné depuis des années par une « mafiature » – la dictature des mafias – qui a méthodiquement sapé les fondements de l’État, saigné à blanc ses caisses, pompé l’argent des déposants et instauré un réseau tentaculaire comprenant banquiers, magistrats, officiers et médias, à la manière de la mafia de Chicago au temps d’Al-Capone ou de la Cosa nostra sicilienne. Le modus operandi de cette mafiature comprend la corruption à tous les étages, le blanchiment d’argent grâce à l’actuelle « cash economy », l’impunité judiciaire, la solidarité qui consiste à voler ensemble ou de manière « réciproque » en application du proverbe latin (et libanais) : « Gratte mon dos et je gratterai le tien », le sabotage des réformes, le clientélisme, le népotisme, ainsi que des campagnes de propagande ou de dénigrement dans les médias, généreusement financées par des caïds. Quand les acteurs de cette mafiature se donnent le mot d’ordre pour protéger leurs intérêts, leur machine de guerre se met en branle et leurs réseaux s’activent en synchronisation totale… Et l’on tombe des nues en découvrant l’ampleur des complicités et des connivences : « Mafieux de toutes les confessions, unissez-vous ! »
Aujourd’hui, le Premier ministre censé mettre un terme à cette mafiature, dont il est la négation, se trouve dans le collimateur de celle-ci, irritée de perdre ses privilèges et inquiète à l’idée de devoir rendre des comptes ou d’être démantelée. On la voit donc rameuter ses disciples et ses larbins pour tenter de rebondir ou de replacer ses pions. Mais la communauté internationale n’est pas dupe. Elle a bien compris que la mafiature a la peau dure et qu’elle n’est sortie par la porte que pour rentrer par la fenêtre. Pas un centime ne sera déboursé en faveur du Liban tant que ce réseau n’aura pas été neutralisé, et tant que les dirigeants du nouveau régime, aussi importants soient-ils, n’auront pas compris, une fois pour toutes, qu’on ne peut faire du bon pain avec de la mauvaise farine.