Serge Atlaoui lors d'une conférence de presse à l’aéroport international Soekarno-Hatta de Jakarta, à Tangerang, après avoir quitté la prison de Salemba en vue de son rapatriement en France le 4 février 2025. Photo BAY ISMOYO / AFP
Confronté au cas inédit d'adapter une peine capitale, abolie en France depuis 1981, le tribunal de Pontoise (près de Paris) a commué mercredi en 30 années de réclusion criminelle la condamnation à mort en Indonésie pour narcotrafic de Serge Atlaoui, un « premier pas vers la liberté » pour le Français.
Un petit moment d'histoire du droit s'est écrit mercredi après-midi pendant une heure au tribunal correctionnel de Pontoise.
La juridiction, compétente pour la prison où est incarcéré le sexagénaire depuis son transfèrement il y a une semaine d'Indonésie en France, devait adapter la situation carcérale de cet artisan-soudeur français de 61 ans, en prison depuis son arrestation en 2005 en Indonésie.
Dès l'introduction de son réquisitoire, la représentante du parquet de Pontoise souligne le caractère unique de la situation, qui oblige la justice française à se pencher sur un cas de peine de mort abolie en 1981: « Il a été condamné dans un autre pays à la peine capitale, qui n'existe plus chez nous. Nous n'avons eu jusqu'ici aucun transfèrement de condamné à mort en France ».
Quelle peine, en droit français, peut bien correspondre à la peine de mort ? Tels sont les termes du débat devant le tribunal.
En blouson noir, masque chirurgical glissé sous le menton, mâchonnant un chewing-gum, le rescapé des couloirs de la mort, emprisonné depuis 19 ans et quatre mois, suit l'audience dans le box des prévenus sans mot dire.
Lorsqu'une peine prononcée à l'étranger est plus sévère que son équivalent en France, le tribunal correctionnel du lieu de détention « lui substitue la peine qui correspond le plus en droit français ou réduit cette peine au maximum légalement applicable », selon le code de procédure pénale.
La peine de mort étant la plus haute peine possible, il faut lui substituer celle qui est la plus « rigoureuse » dans la législation française, estime le parquet.
En conséquence, au regard de la loi et de la jurisprudence, « le parquet considère que la seule possibilité de peine la plus proche de la peine de mort est celle de la réclusion criminelle à perpétuité », requiert la représentante du ministère public.
« Début de la fin »
La justice française n'est pas compétente sur le fond de l'affaire, définitivement jugée en Indonésie, et peut seulement se prononcer sur la peine de Serge Atlaoui.
« Pour ne pas obérer la capacité diplomatique de l'Etat français à obtenir le transfèrement de ses nationaux, il faut que l'autorité judiciaire se cantonne à ce rôle », estime le ministère public, reconnaissant se trouver dans un cas « aux confins du code de procédure pénale ».
M. Atlaoui avait été arrêté en 2005 dans une usine près de Jakarta où des dizaines de kilos de drogue avaient été découverts et les autorités l'avaient accusé d'être un « chimiste ».
Le Français s'est toujours défendu d'être un trafiquant de drogue, affirmant qu'il n'avait fait qu'installer des machines industrielles dans ce qu'il croyait être une usine d'acrylique.
Initialement condamné à la prison à vie, il avait vu la Cour suprême indonésienne alourdir la sentence et le condamner à la peine capitale en appel en 2007.
A la lecture proposée par le parquet, l'avocat de Serge Atlaoui, Me Richard Sédillot, réclame que le tribunal substitue plutôt la peine maximale encourue en France pour la fabrication et la production de stupéfiants en bande organisée, à savoir 30 ans de réclusion criminelle.
« La peine de réclusion criminelle à perpétuité est parfaitement disproportionnée au regard des faits commis par Serge Atlaoui », plaide-t-il, rappelant que les peines en France se basent sur les principes de proportionnalité et de personnalisation.
Après une vingtaine de minutes de délibéré, le tribunal lui donne raison et commue la peine de Serge Atlaoui en 30 ans de prison. Une victoire pour ses partisans, qui tombent dans les bras les uns des autres à la sortie de la salle. « C'est le début de la fin », se réjouit sa femme, Sabine Atlaoui.
« C'est un premier succès, un premier pas vers la liberté », a déclaré à la presse Me Sédillot, décrivant son client comme « soulagé » par la décision judiciaire française. Ses soutiens devraient désormais déposer dans les semaines à venir des demandes d'aménagement de peine et de grâce présidentielle.
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