Le chef de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), Fernando Arias, serrant la main du président syrien par intérim, Ahmad el-Chareh, à Damas, le 8 février 2025. Photo présidence syrienne/Handout / REUTERS
Le chef de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) a rencontré samedi le président syrien par intérim, Ahmad el-Chareh, lors d'une première visite officielle depuis la chute de Bachar el-Assad, accusé d'avoir utilisé des armes chimiques pendant la guerre civile qui a ravagé la Syrie.
Il y a plus de dix ans, la Syrie avait rejoint l'OIAC et remis son stock déclaré en vue de sa destruction, mais l'organisme a toujours été préoccupé par le fait que la déclaration faite par Damas était incomplète et qu'il restait encore des stocks d'armes chimiques. Après le changement de pouvoir en Syrie, où le président déchu a été chassé le 8 décembre par une coalition rebelle menée par les islamistes de Hay'at Tahrir el-Cham (HTC), la visite de l'OIAC relance les espoirs de voir le pays se débarrasser de ces armes après des années de relations difficiles, de retards et d'obstructions.
Le président syrien par intérim, Ahmad el-Chareh, et le nouveau chef de la diplomatie syrienne, Assaad el-Chaibani, « ont reçu une délégation de OIAC dirigée par le directeur général de l'organisme, Fernando Arias, a indiqué le ministère syrien de l'information. Il a diffusé des photos des trois hommes se serrant la main.
Depuis la chute de d'Assad, le sort du stock d'armes chimiques de la Syrie suscite de vives inquiétudes dans le monde entier. L'OIAC s'est également déclarée préoccupée par le fait que des preuves précieuses sur cet arsenal et son usage pourraient avoir été détruites à la suite de frappes israéliennes intenses sur des sites de l'armée syrienne. Israël a déclaré que ses cibles comprenaient des armes chimiques, afin d'éviter qu'elles ne tombent entre les mains d' « extrémistes ».
En 2013, la Syrie avait rejoint l'OIAC, et accepté de révéler et de remettre ses stocks de produits toxiques sous la pression de la Russie et des Etats-Unis, et pour écarter la menace de frappes aériennes des Etats-Unis et de leurs alliés.
Mission d'enquête
Cet accord était intervenu après une attaque présumée au sarin, un agent neurotoxique, qui avait fait 1.400 morts dans la banlieue de Damas. L'attaque a été attribuée au gouvernement syrien, qui a nié toute implication et rejeté la faute sur les rebelles, dans le contexte de guerre civile déclenchée en 2011 par la répression par le clan Assad de manifestations prodémocratie. Bien qu'il ait insisté sur le fait que l'utilisation d'armes chimiques constituait « une ligne rouge », le président américain de l'époque, Barack Obama, s'était abstenu de mener des frappes de représailles, préférant conclure un accord avec la Russie sur le démantèlement de l'arsenal chimique syrien sous la supervision de l'ONU.
Face aux dénégations du gouvernement de Bachar el-Assad, l'OIAC avait mis en place en 2014 une mission d'enquête qui a publié 21 rapports couvrant 74 cas d'utilisation présumée d'armes chimiques. Les enquêteurs ont conclu qu'elles avaient été utilisées ou étaient susceptibles de l'avoir été dans 20 cas. Dans 14 de ces cas, le produit chimique utilisé était du chlore. Le sarin a été utilisé dans trois cas et du gaz moutarde (ypérite) dans les trois autres.
En avril 2021, la Syrie a été privée de ses droits de vote à l'OIAC, après qu'une enquête l'a accusée d'être à l'origine de nouvelles attaques au gaz toxique. Et en novembre 2023, la France a émis des mandats d'arrêt internationaux contre Bachar el-Assad, son frère Maher alors chef de facto de la quatrième division, une unité d'élite de l'armée syrienne, ainsi que deux généraux, Ghassan Abbas et Bassam el-Hassan, accusés de complicité de crimes contre l'humanité pour les attaques chimiques meurtrières de 2013.