
Une file de voitures en provenance de Syrie bloquées au niveau du poste-frontière de Masnaa, en décembre 2024. Mohammad Yassine/L’OLJ
Après la chute du régime de Bachar el-Assad au début du mois de décembre 2024, les réfugiés syriens du Moyen-Orient et du monde entier pourront enfin envisager de rentrer chez eux. De l’autre côté de la frontière, au Liban, après des mois de guerre dévastatrice avec Israël, la nouvelle année a commencé sur une note positive avec l’élection de Joseph Aoun à la présidence de la République. Dans ce contexte de double transformation politique majeure, l’avenir des réfugiés syriens au Liban reste dans l’incertitude et nécessite une approche plus cohérente.
Dans son discours d’investiture, M. Aoun a souligné son engagement à faciliter le retour des réfugiés en Syrie en établissant un cadre politique clair et applicable en coopération avec le gouvernement syrien. Il a également souligné la nécessité d’un plan d’action « exempt de propositions racistes ou d’approches négatives ». Deux jours plus tard, le Premier ministre sortant Nagib Mikati s’est rendu à Damas – une première depuis quinze ans –, ouvrant la voie à une intensification des contacts diplomatiques entre les deux pays. Si elle n’a débouché sur aucun accord concret, cette visite a jeté les bases des négociations de l’année à venir visant à garantir le retour des réfugiés et à résoudre le problème de la contrebande et du chaos le long de la frontière libano-syrienne.
Changer d’approche
Malgré ces progrès, il reste encore beaucoup à faire pour lancer un processus de retour volontaire. La question qui se pose est de savoir comment le gouvernement libanais et la communauté internationale peuvent garantir le retour volontaire, sûr et digne des réfugiés syriens tout en adhérant aux principes inscrits dans les conventions humanitaires internationales. L’envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, Geir Pedersen, a décrit, à juste titre, cette phase de transition comme un moment de « grandes opportunités et de réels dangers ».
Depuis 2011, la gestion de la présence des réfugiés par le gouvernement libanais a été caractérisée par l’ambivalence, des mesures politiques ad hoc et des efforts pour rejeter la responsabilité des réfugiés sur la communauté internationale. Les nouveaux dirigeants libanais sont confrontés au défi de s’éloigner de cette approche pour en adopter une qui soit plus proactive et qui préserve les intérêts nationaux tout en protégeant les droits des réfugiés à l’autodétermination.
Le discours libanais sur les réfugiés a souvent été défini par la démagogie et l’improvisation, en l’absence de tout consensus sur la manière d’aborder la question du retour. C’est pourquoi, dès la formation d’un nouveau gouvernement, le Liban devrait mettre en place un comité chargé de définir une position unifiée et d’établir un cadre politique clair qui lui servirait dans les discussions avec le gouvernement syrien et la communauté internationale. Le comité devrait étudier les options viables pour le retour des réfugiés et les voies légales potentielles pour ceux qui souhaitent rester au Liban. En établissant un tel cadre, le gouvernement peut unifier ses efforts et mieux défendre les intérêts du pays dans les forums internationaux.
Parallèlement, le Liban doit réformer sa réglementation en matière de résidence afin d’offrir des options aux Syriens, en fonction de leur situation. Ceux qui souhaitent rester et travailler devraient avoir accès à des permis de travail, ce qui contribuerait à l’économie, tandis que l’État devrait s’efforcer de réduire leur vulnérabilité à l’exploitation. Pour ceux qui souhaitent retourner en Syrie ou visiter le pays, des mesures légales doivent être mises en place sous la supervision de l’État libanais.
Aujourd’hui, le nombre de Syriens quittant le Liban par les postes-frontières officiels reste « faible mais constant », selon les autorités, ce qui souligne la nécessité de prendre des mesures proactives pour faciliter leur retour. Ces mesures comprennent des garanties de sécurité, des incitations financières et des voies légales qui respectent la souveraineté du Liban, telles que des permis temporaires, des réglementations en matière de visa ou des accords de retour coordonnés. Le renforcement du rôle des forces armées libanaises et de la Sûreté générale pour surveiller efficacement les frontières est essentiel pour garantir un accès sûr et organisé aux personnes désireuses de rentrer. En mai dernier, l’Union européenne a promis une aide financière d’un milliard d’euros au Liban pour la période 2024-2027, dont une partie est destinée à l’équipement et à la formation des forces sécuritaires pour la gestion des frontières et la lutte contre la contrebande.
Diversifier les efforts diplomatiques
La question du retour des réfugiés ne concerne pas uniquement le Liban. Tant au niveau régional qu’international, il y a eu un élan pour profiter de la chute du régime Assad pour faire pression en faveur du retour des réfugiés. Plusieurs pays européens ont déjà suspendu le traitement des demandes d’asile. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a repris ses activités dans les régions de Syrie où la sécurité s’est améliorée, comme Alep et Damas. Environ 80 % des centres communautaires sont désormais opérationnels et fournissent des services essentiels aux rapatriés et aux personnes déplacées à l’intérieur du pays. Malgré ces progrès, la réalité reste sombre pour beaucoup de ceux qui ont choisi de rentrer chez eux. Des rapports récents du HCR indiquent que plus de 125 000 réfugiés rentrés après des années d’exil sont confrontés à de graves problèmes tels que des abris inadéquats, des pénuries alimentaires et un manque d’accès aux services de base.
Après plus d’une décennie de conflit en Syrie, avec 7,2 millions de personnes déplacées et 6,2 millions de réfugiés dans le monde, il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que la situation s’améliore du jour au lendemain. De nombreux rapatriés trouveront leurs maisons détruites ou inhabitables. Sur la base des premières évaluations, le HCR a lancé un appel de fonds de 310 millions de dollars pour répondre aux besoins humanitaires urgents de la population et soutenir les efforts de redressement. Compte tenu de la complexité du processus et de l’issue incertaine de la situation politique en Syrie, les décideurs doivent prévoir un processus de retour progressif qui garantisse les moyens de subsistance, la sécurité et les infrastructures des rapatriés.
C’est pourquoi, avant de rechercher une aide financière, le Liban devrait diversifier ses efforts diplomatiques et s’engager auprès de la communauté internationale pour faire pression en faveur d’une transition politique en douceur en Syrie. Une fois la sécurité établie, cela faciliterait la fourniture d’une aide qui soutiendrait ensuite les efforts de redressement, créant ainsi un environnement socio-économique plus propice au retour des réfugiés. Par exemple, les États du Golfe et le Fonds monétaire international ont exprimé leur volonté de s’engager dans la reconstruction de la Syrie une fois que les conditions politiques et de sécurité le permettront.
Au-delà des dynamiques locales et internationales, la décision de rentrer reste un choix personnel, façonné par les circonstances et les aspirations individuelles. Les gouvernements des pays d’accueil, y compris le Liban, doivent reconnaître les difficultés rencontrées par les personnes qui ont trouvé des moyens de subsistance dans leur pays, ainsi que par les jeunes générations qui n’ont jamais connu leur pays d’origine. Ces catégories de réfugiés devraient avoir la possibilité de demander la résidence et l’option de construire une vie dans les pays d’accueil sur une base légale tout en garantissant leur liberté de choix. Si les pays d’accueil ont le droit souverain de prendre des décisions en matière d’immigration, de nombreux réfugiés hésitent à retourner dans un pays où leur confiance a été ébranlée, tandis que d’autres participent à l’économie libanaise, même si c’est de manière informelle et marginale. Par conséquent, leurs contributions, si elles sont pleinement intégrées et reconnues par la loi, pourraient contribuer de manière significative au redressement économique du Liban pendant cette phase de transition. L’appel au retour des réfugiés doit donc être soigneusement encadré dans un contexte international qui permette aux réfugiés de faire des choix éclairés fondés sur la liberté, la sécurité et la sûreté, tout en veillant à ce que leur présence au Liban repose sur une base juridique.
Si le régime Assad n’est plus, la crise humanitaire en Syrie persiste et le retour des réfugiés ne sera ni rapide ni simple. Il nécessitera au contraire un engagement à long terme, une planification stratégique et une coordination claire entre les principales parties : les gouvernements libanais et syrien, la communauté internationale et, surtout, le peuple syrien lui-même.
L’éviction d’Assad n’ouvre pas automatiquement la voie au retour des réfugiés. La réalisation de cet objectif nécessite des efforts continus et une vision à long terme. Grâce à une action unie, à la collaboration et à la détermination, l’espoir et l’opportunité peuvent ouvrir la voie à un changement significatif, plutôt qu’à des demi-mesures qui ne font qu’engendrer de nouveaux problèmes à l’avenir.
Ce texte est la version synthétique d’un article publié en anglais et en arabe sur Diwan, le blog du Malcolm H. Kerr Carnegie MEC.
Par Josiane MATAR
Ancienne coordinatrice des médias et des événements, Malcolm H. Kerr Carnegie Middle East Center.
Si l'Europe et les États-Unis peuvent les expuler, alors nous aussi. Il faut surtout EXPULSER LES réfugiés IRANIENS et les pros Assad. Ces gens peuvent travailler pour Téhéran et nous ont fait bcp de mal.
23 h 54, le 14 février 2025