Un monument historique, certes, qui a pu renaître de ses cendres grâce au travail acharné d’artisans et de vrais professionnels, mais Notre-Dame de Paris, c’est aussi un roman, des films et une comédie musicale qui ont fait voyager la cathédrale dans le monde entier et l’ont ancrée dans la culture populaire mondiale.
Quant à la belle Esmeralda, elle a été interprétée par de nombreuses stars hollywoodiennes ou francophones au fil des années avant de devenir – un peu – libanaise depuis 2016 avec Hiba Tawaji, qui s’est vu offrir le rôle principal pour le retour du spectacle musical éponyme de Luc Plamondon et Richard Cocciante au Palais des Congrès. Samedi 7 décembre, ces centaines de représentations dans le cadre d’une tournée internationale seront couronnées par une participation de la chanteuse au concert de réouverture de la cathédrale aux côtés d’artistes de renom, et qui sera diffusé en direct sur France 2. Depuis Paris, à la veille du grand événement, Hiba Tawaji livre à L’Orient-Le Jour ses impressions et ses émotions.
Votre nom d’artiste est aujourd’hui associé à ce monument qu’est Notre-Dame de Paris grâce à la comédie musicale. Que signifie ce lieu pour vous ?
En tant que Libanaise et citoyenne du monde, Notre-Dame de Paris m’a toujours fascinée. C’était une sorte de refuge quand je visitais Paris en touriste, avant même d’y habiter. Elle m’a toujours touchée par sa beauté et ce qu’elle représente historiquement et symboliquement. À chaque fois que je rentrais au Liban, je me promettais de revenir à Paris pour revoir la cathédrale. Je n’aurais jamais imaginé concrétiser mon rêve, faire partie de la comédie musicale et devenir Esmeralda… Jusqu’au jour où j’ai reçu cet appel du producteur qui m’a proposée ce rôle pour le retour au Palais des Congrès. Je peux vous dire que c’était presque surréel. Depuis, Notre-Dame de Paris, comme le dit Quasimodo, j’en ai fait ma maison. Et c’est à quelques dizaines de mètres seulement, à Saint-Julien-le-Pauvre, que mon mari (NDLR : Ibrahim Maalouf) m’a demandée en mariage.
L’incendie de Notre-Dame de Paris a touché Paris en plein cœur et des millions de gens. Quel effet cela vous fait de prendre part à la cérémonie de réouverture ?
D’abord, il faut savoir qu’en 2019, je chantais et célébrais la cathédrale tous les soirs. Cet incendie a donc eu sur moi un effet décuplé. Quand j’ai reçu par courrier une lettre d’invitation de la part des organisateurs et du recteur archiprêtre de la cathédrale, cela m’a fait quelque chose. Je vais d’abord revoir la cathédrale que je connais si bien, pour la première fois après l’incendie qui l’a ravagée, mais je suis surtout honorée de faire partie de cet éventail d’artistes prestigieux avec l’orchestre de Radio France et le maestro Gustavo Dudamel. J’ai hâte de chanter dans ce lieu qui symbolise la tolérance, l’amour et la spiritualité à une échelle mondiale, et où les gens viennent de partout pour s’y recueillir.
Qu’allez-vous chanter ?
J’aimerais vraiment vous le dire mais je suis obligée de garder la surprise. Rendez-vous sur France 2 à partir de 22h00 heure de Beyrouth ! Je peux juste vous dire que chaque artiste interprétera un titre et que les répétitions se feront entre le 4 et le 6 décembre avec l’Orchestre philarmonique de Radio France. Cette institution regroupe plus de 140 musiciens et est très connue en France et à l’international. Par ailleurs, ce concert sera à la fois un hommage vibrant aux artisans et ouvriers qui ont œuvré à la renaissance de la cathédrale, et une célébration de la résilience et de la splendeur retrouvée de Notre-Dame.
Vous vous êtes produite devant le président français Emmanuel Macron, à l’ouverture du sommet de la francophonie en octobre 2024. À quoi pensiez-vous en interprétant « Li Beirut » ?
Cette invitation de l’Élysée m’a honorée, mais c’était surtout un appel à rendre hommage au Liban et à Beyrouth en pleine guerre. Ce moment était émouvant. Je pensais à mes proches, à mes concitoyens qui vivaient ce drame. C’était aussi une grande responsabilité, car je portais un message. Comme si j’étais la voix, une voix. Celle de personnes qui n’arrivent pas à parler ou s’exprimer. J’avais la gorge serrée et je ressentais beaucoup de stress et de pression. Mais je voulais quand même chanter. Pour Beyrouth. Et contribuer à changer les choses et peut-être réveiller les consciences, en présence de nombreux dirigeants et chefs d’État.
Comment vit-on la guerre depuis Paris ?
Comme beaucoup de Libanais qui sont aux quatre coins du monde. Même si j’étais à Paris, mes proches, mon frère, ma sœur, mes parents étaient au Liban. J’avais peur pour eux, pour le pays, pour notre futur en tant que Libanais. Le plus difficile, quand on est loin, c’est de se sentir impuissant. On essaie de communiquer sur les réseaux sociaux, de diffuser des images, et c’est en quelque sorte un stress très différent mais qui est quand même très fort. On suit matin et soir les nouvelles, et cela devient une obsession. Le Liban, c’est un attachement viscéral, dont j’ai besoin dans ma vie. Et donc j’avais besoin de savoir que j’allais pouvoir y aller bientôt, et revenir en France chez mes enfants.
Votre concert à l’Olympia le 29 mai dernier était un vrai moment de partage. Racontez-nous.
L’Olympia, c’était waouh ! Un tournant dans ma carrière et un grand pas pour moi en France. Ce concert était marquant professionnellement et humainement, car j’étais entourée d’artistes exceptionnels que j’admire et avec qui j’ai collaboré. Lara Fabian, Florent Pagny, Ibrahim Maalouf, Ycare, Madame Monsieur m’ont fait l’honneur de partager cette scène avec moi. Durant le concert, j’essayais de vivre chaque moment pleinement. J’étais stressée, mais j’étais extrêmement heureuse de me retrouver sur une scène légendaire, avec des artistes et des musiciens uniques, des chansons mémorables et un public qui a montré beaucoup d’interaction. C’était une nuit magique. Quand j’y repense, j’ai déjà la nostalgie. Et pour revivre ce moment et le partager avec mon public, je vais bientôt diffuser ce concert que nous avons la chance d’avoir pu immortaliser.
Fierté de voir notre artiste nationale prendre part au concert célébrant la renaissance de Notre Dame de Paris. Il y a des êtres qui sont faits de lumière. Hiba Tawaji en est un.
13 h 38, le 04 décembre 2024