
Un employé d'un restaurant du centre-ville de Beyrouth charge des sandwichs dans une camionnette avant de les distribuer aux personnes qui ont fui les bombardements israéliens et se sont réfugiées dans la capitale libanaise, le 1er novembre 2024. Photo AFP
« Nous sommes livrés à nous-mêmes ». C'est ainsi que les autorités locales et des habitants de Baalbeck (Békaa) ont dénoncé jeudi soir dans un communiqué l'absence d'aides de l'État dans cette région sous le feu de bombardements israéliens intensifs depuis l'offensive israélienne de grande ampleur sur le territoire libanais le 23 septembre, dans un contexte de guerre avec le Hezbollah déclenchée le 8 octobre 2023.
Signée par « les moukhtars du caza de Baalbeck », sans lister les noms de ces derniers, cette déclaration dénonce « le manque de transparence » dans la distribution des aides humanitaires par l'Union des municipalités de Baalbek, présidée par Chafic Chahadé, et exige des explications sur l'acheminement des aides, des garanties pour « une distribution équitable », ainsi que « la publication de listes claires des lieux de distribution et du nombre de bénéficiaires ». Le texte fait suite aux plaintes de nombreux citoyens affirmant n'avoir reçu aucune aide malgré l'aggravation des conditions de vie.
Contacté, Ali Osman, moukhtar de Baalbeck et à la tête de l'Union des moukhtars de Baalbeck, a affirmé ne pas savoir qui est à l'origine ce communiqué. Il a néanmoins rapporté que nombre d'habitants se sont plaints auprès des élus locaux quant au manque criant d'aide et que « nous avons ainsi publié un (autre) communiqué expliquant que nous ne sommes pas chargés de la distribution », explique-t-il. « L'association des moukhtars du caza de Baalbek tient à préciser à nos honorables et fidèles concitoyens de la ville de Baalbek et à l'opinion publique de notre région que la distribution d'aide alimentaire, de secours et d'assistance ne nous concerne pas et qu'elle est exclusivement liée à la municipalité de Baalbeck, à l'Union des municipalités de Baalbeck et que les moukhtars n'ont rien à voir avec ce sujet, ni de près ni de loin », peut-on ainsi lire.
Par ailleurs, le président de l'Union des municipalités de Baalbek, Chafic Chahadé a également jeté le doute sur la provenance du communiqué, indiquant que l'institution gère uniquement huit municipalités - Baalbeck, Maqné, Younine, Nahlé, Iaat, Douris, Haouch Tal Safiya, Majdaloun, où se trouvent toujours 13 000 familles - et non pas tout le caza. « Sinon, on parlerait d'une centaine de municipalités. Ce document n'est pas sérieux. Je ne sais pas qui est derrière cela », affirme-t-il, niant également les accusations à son encontre. « Aucune preuve n'a été avancée », dit-il, ajoutant que « toutes les aides reçues sont partagées sur le compte Facebook de l'union ».
6 175 cartons d'aides alimentaires
Une aide distribuée en prenant en compte un recensement fait par chaque municipalité et qui a été communiqué à l'Union des municipalités, explique M. Chehadé. Selon cette étude, le Conseil du Sud - en charge de la distribution depuis environ un mois - expédie les aides à l'Union des municipalités de Baalbeck qui les envoie esnuite aux municipalités, explique M. Chahadé. Pour la première fois depuis le début de la guerre, l'Union a reçu une premiere distribution d'aide « mais les raids israéliens en ont perturbé la réception complète. Finalement, depuis hier (jeudi), nous avons jusqu'à présent reçu 6 175 cartons d'aides alimentaires pour les municipalités de Baalbeck et Iaat ».
Le président de la municipalité de Younine, Ali Qossas, a lui affirmé à L'OLJ que sa localité n'a pas reçu d'aide étatique depuis le début de la guerre, « sauf jeudi, nous avons réceptionné 90 matelas et 90 draps ». Il a tout de même rapporté que d'ici trois jours Younine devrait recevoir une première aide alimentaire du Conseil du Sud. M. Qossas dénonce un manque d'organisation dans la distribution, ainsi que l'absence de l'État. « L'aide est essentiellement distribuée aux refuges. Ceux qui sont dans des appartements sont oubliés. Nous entendons parler d'aides alimentaires et de provisions médicales qui arrivent de pays étrangers. Pourquoi n'atteignent-elles pas notre population, qui en a un besoin criant ? », déplore-t-il. Des pays comme la Jordanie, les Émirats arabes unis ou l'Égypte ont envoyé des cargaisons d'aide humanitaire au Liban.
Contactés, le gouverneur de Baalbeck, Bachir Khodr, ainsi que le coordinateur du Comité d'urgence du gouvernement, le ministre sortant de l'Environnement Nasser Yassine, n'ont pas répondu à nos sollicitations dans l'immédiat. Ce dernier avait, par ailleurs, affirmé il y a près d'une semaine que l'aide distribuée aux personnes déplacées par la guerre au Liban ne représente que 15 à 20 % de leurs besoins alors que plus de 1,4 million de personnes ont été déplacées en raison de la guerre.
« Nous avons chez nous des gens qui ont décidé de rester, d'autres qui ont dû revenir et même des déplacés », explique Ali Qossas, alors que Younine, où se trouve toujours 1 800 familles, est visée par les bombardements. « Ces gens-là ne peuvent plus travailler ni circuler. Ils n'ont plus les moyens de subvenir à leurs besoins », affirme-t-il.
C'est le cas de Oum Ali, résidente d'une autre localité dans la région de Baalbeck. Depuis le début de la guerre, la septuagénaire n'a pas quitté sa maison. Son fils a vu son commerce réduit en cendres après une attaque israélienne aux alentours. « Ce n'est que pauvreté », « misère », décrit-elle. Cinq familles résident dans une même maison. « Et l'État n'aide pas. Il ne nous regarde pas. Baalbeck est privé de tout, marginalisé : nous ne recevons pas de nourriture, de quoi nous chauffer, de médicaments, rien... », s'indigne-t-elle.
Mais ou sont donc passes les Pasdaranes de jadis?
23 h 07, le 23 novembre 2024