Entre les annonces israéliennes d’élargissement de l’opération terrestre au Liban et les informations en provenance des États-Unis sur un cessez-le feu proche, les Libanais sont perdus. Surtout que sur le terrain, ils constatent une recrudescence des bombardements qui commencent désormais dans la matinée et se poursuivent dans la nuit, tout en touchant de nouvelles régions sous prétexte que des cadres du Hezbollah s’y seraient réfugiés.
Mais bien qu’étant traqués, les cadres du Hezbollah cherchent autant que possible à poursuivre ce qu’ils considèrent être « une mission sacrée » qui leur a été confiée par leur grand martyr, Hassan Nasrallah.
L’un d’eux a ainsi confié à certains proches que tout ce qui se dit au sujet d’un éventuel accord qui serait entériné prochainement grâce aux efforts de l’émissaire américain Amos Hochtein n’est que de la poudre aux yeux, destinée d’abord à donner de faux espoirs aux gens et ensuite à faire assumer aux Libanais l’échec de cette « prétendue médiation ». En réalité, selon ce que rapportent les proches de ce cadre du Hezbollah, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu aurait obtenu un délai jusqu’à l’entrée en fonctions du président américain nouvellement élu Donald Trump, le 20 janvier, pour créer une nouvelle situation sur le terrain qui lui permettrait d’imposer ses conditions. Selon les informations rapportées par les proches du Hezbollah, Trump aurait été très clair en disant à Netanyahu que tout devrait être terminé au moment de son entrée officielle à la Maison-Blanche. C’est pourquoi, le Hezbollah s’attend à des semaines, voire des mois difficiles au cours desquels les Israéliens vont tenter d’avancer sur le terrain au Sud pour pouvoir se targuer d’une victoire exploitable dans l’accord à venir. En même temps, ils comptent augmenter leurs pressions sur le Liban dans son ensemble, en intensifiant les bombardements.
Sur le plan de l’élargissement de l’opération terrestre, le Hezbollah s’attend à une offensive de grande envergure sur plusieurs axes, et en particulier en direction de Bint Jbeil. D’abord parce qu’il s’agit d’une grande localité du Sud et ensuite parce qu’elle a un grand symbolisme. Pendant la guerre de 2006, c’est à Bint Jbeil et à la vallée al-Houjeir que l’armée israélienne a essuyé ses plus cuisantes défaites et c’est à partir de Bint Jbeil que l’ancien secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a prononcé son « discours de la victoire » le 26 mai 2000, après le retrait israélien de la plus grande partie du territoire libanais. Il y a aussi sans doute d’autres axes par lesquels les Israéliens pourraient songer à avancer vers la profondeur du Sud, mais les combattants du Hezbollah se déclarent prêts à une résistance farouche. Exactement comme ils l’ont fait depuis le début de l’opération terrestre le 30 septembre, après l’assassinat de Nasrallah.
À cet égard, les mêmes sources rapportent que lors des premiers jours qui ont suivi cet assassinat qui constitue un coup majeur porté au Hezbollah, les différentes unités et les cadres étaient sous le choc et ne parvenaient pas à entrer en contact entre eux. Malgré cela, les unités sur le front ont continué à se battre, multipliant les attaques sans même coordonner leur action. Puis, au bout de deux semaines, le choc a été surmonté et la chaîne de contact a été rétablie. Selon ces sources précitées, « le momentum » qui aurait pu être favorable aux Israéliens est passé, et le Hezbollah a repris ses esprits ainsi que l’initiative. Même s’il admet que le coup est très dur et qu’il n’a pas retrouvé ses capacités d’avant l’assassinat, il déclare être encore en mesure de résister et d’envoyer presque quotidiennement des centaines de missiles et de drones, allant chaque fois un peu plus loin et utilisant des missiles de plus en plus puissants.
Jusqu’à présent, et à bientôt 45 jours du début de l’offensive terrestre, avec l’ampleur des moyens utilisés par les Israéliens qui ont mobilisé pour cette opération près de 70 000 soldats, ceux-ci n’ont pas encore réussi à installer des positions dans des localités libanaises. Certes, ils ont détruit et pratiquement complètement rasé 29 localités frontalières, créant ainsi une sorte de zone tampon, totalement déserte, mais ils ne parviennent pas encore à y installer des positions. Les Israéliens font ainsi des incursions le jour puis se retirent et les combattants du Hezbollah s’y déplacent la nuit avant de s’en retirer eux aussi.
Selon les sources précitées, le Hezbollah estime qu’il peut encore résister au Sud le temps qu’il faudra pour empêcher les Israéliens de remporter une victoire même de courte durée et plus médiatique qu’effective. Ils reprennent à cet égard une phrase, devenue slogan, de Nasrallah : « Le terrain aura le dernier mot. » Mais cela ne signifie pas, ajoutent ces sources, qu’au cours des prochaines semaines, les Israéliens ne feront pas de nouvelles tentatives, par de nouveaux axes qu’ils considèrent comme des flancs faibles. Toutefois, la bataille des derniers jours à Khiam a été concluante pour les Israéliens qui ont été contraints à se retirer après des combats violents.
Le Hezbollah estime ainsi qu’au final, le plafond de l’accord qui sera conclu ne peut être que l’application de la résolution 1701. C’est d’ailleurs ce qui a fait dire au président du Conseil démissionnaire Nagib Mikati, il y a quelques jours, que « puisque, en définitive, il faudra revenir à la 1701, pourquoi ne pas économiser du temps et des souffrances en y allant dès maintenant ? ». Le Hezbollah, lui, pense que Netanyahu veut tenter sa chance jusqu’au bout en profitant de ce qu’il considère être une opportunité rare d’atteindre ses objectifs.
Au sujet de la situation interne, le Hezbollah estime que les Libanais, dans leur grande majorité, ont fait preuve d’une grande solidarité. Il rend aussi hommage à la position de l’armée et des forces de sécurité. Ses cadres affirment d’ailleurs que personne ne parviendra à semer la discorde entre le Hezbollah et l’armée, et que le parti ne s’oppose pas à une nouvelle prorogation du mandat du commandant en chef, le général Joseph Aoun.
Cet exposé est-il réaliste ? Les prochains jours devraient donner des éléments de réponse.
Je souhaite que ce peuple insatiable et sanguinaire se cassera les dents et les os sur notre territoire
15 h 09, le 14 novembre 2024