En dépit des vitres qui tremblent à chaque mur du son des avions israéliens et du vacarme des bombardements sur la banlieue sud de Beyrouth, le vice-président du Conseil supérieur chiite, le cheikh Ali el-Khatib, garde son calme. Il se sent responsable des centaines de milliers de déplacés chiites qui vivent dans des conditions difficiles. C’est pourquoi il souhaite s’adresser à l’opinion publique, assurant que sa communauté n’a pas un projet particulier et que la solution pour le Liban, c’est l’État. Il estime pourtant que le « front de soutien » à Gaza, décrété par le Hezbollah le 8 octobre 2023, était le meilleur moyen de lutter contre toute velléité de discorde entre sunnites et chiites.
Devant les membres du conseil de l’ordre des journalistes présidé par Joseph Kossayfi, le dignitaire insiste sur le fait que c’est « l’entité israélienne qui est la cause de tous les maux, non seulement du Liban mais aussi de la nation musulmane ». Pour lui, c’est parce que cette région est importante qu’elle connaît autant de troubles. « Aujourd’hui, déclare-t-il, il ne s’agit pas d’une guerre contre une communauté, mais contre le Liban tout entier, même si certains cherchent à dire le contraire pour des intérêts internes ou sur base de demandes externes. » Le cheikh el-Khatib insiste sur le fait que les Libanais sont un seul peuple. « Nous pleurons et nous rions ensemble. Nous avons en commun l’histoire, la géographie et les valeurs, et une même menace pèse sur notre pays et sur l’ensemble de la région », déclare-t-il.
Pourquoi dans ce cas, les autres pays de la région ne se battent-ils pas aux côtés du Hezbollah ? « Chacun d’eux a ses problèmes et ils sont tous visés. Les responsables israéliens ont eux-mêmes déclaré qu’ils comptent élargir leur territoire. Ils préparent déjà la Cisjordanie et d’autres lieux à l’annexion, et ils croient qu’en multipliant les massacres ils vont briser notre volonté. Mais au contraire, leur barbarie nous pousse à vouloir encore plus les affronter. » Il souligne que tout au long des années, les régimes arabes ont « multiplié les déceptions » avec les Israéliens. Ils ont accepté plusieurs initiatives et ils en ont même lancé une à partir de Beyrouth en 2002 qui parlait de la terre contre la paix. Mais à chaque fois, selon lui, les Israéliens répondaient avec encore plus de violence. « Hélas, aujourd’hui les Arabes continuent de croire qu’ils peuvent parvenir à un accord avec les Israéliens, mais, nous, ce que nous voyons, c’est toujours encore plus de violence. Malheureusement, le monde actuel est celui de la force. Si vous êtes forts, on vous écoute... Nous avons fait cette expérience au Liban, lorsque l’État était faible. »
Ali el-Khatib répète que « la solution aux problèmes du Liban est dans (l’édification de) l’État, non dans les tribus confessionnelles que l’on cherche d’ailleurs à monter les unes contre les autres, en les poussant à avoir peur les unes des autres ». Il ajoute que la diversité religieuse est une richesse pour ce pays, mais il ne faut pas que les religions et les confessions deviennent des tribus. Et de s’interroger : « Est-il sage et même est-ce dans l’intérêt du Liban de chercher à marquer des points contre une communauté au moment où l’ennemi nous attaque tous ? Est-ce cela le patriotisme ? Mais tous doivent savoir que nous sommes sur un même bateau. S’il fait naufrage, nous mourrons tous. » Il est catégorique sur le fait que le Liban ne peut pas exister sans ses deux volets, chrétien et musulman. « D’ailleurs, le Coran parle de Jésus et de la Vierge Marie », rajoute-t-il.
À ceux qui disent que le Hezbollah a eu tort d’ouvrir le front de soutien, lui imputant la responsabilité de ce qui arrive aujourd’hui (notamment aux chiites), le dignitaire répond que « le Hezbollah a ouvert le front de soutien à Gaza pour éviter justement de faire la guerre à Israël ». « C’est pour cela qu’il a insisté pendant des mois pour dire qu’il s’agit d’un front de soutien et rien de plus », dit-il. Il ajoute que « ce front de soutien a été le meilleur moyen d’éteindre toute possibilité de discorde entre les sunnites et les chiites, sur laquelle beaucoup de parties misent et ne cessent de travailler ». Pour lui, l’unité nationale est la meilleure arme contre les projets de l’ennemi et contre tous ceux qui cherchent à semer la discorde. Il affirme que « le Liban tout entier est favorable à l’application de la résolution 1701. Mais ce sont les Israéliens qui veulent plus et qui croient pouvoir imposer leurs conditions ».
« La situation est grave, dit-il, et l’État n’a pas les moyens de subvenir aux besoins des déplacés. De plus, les aides envoyées restent insuffisantes, mais nous devons nous entraider. Aujourd’hui, nous avons réussi à mieux organiser la distribution des aides. » « Nous payons cher, ajoute-t-il, mais nous resterons, car nous appartenons à cette terre et à cette histoire. Nous voulons un État souverain, efficace, avec des institutions qui fonctionnent, en mesure de protéger tous ses fils et nous voulons vivre comme nos autres frères libanais. Nous aimons la vie comme eux, mais cette guerre nous a été imposée. Et c’est lorsque l’État n’a pas voulu nous protéger que nous avons essayé de nous protéger nous-mêmes », tente-t-il de justifier. Dans ce cadre, il refuse que l’on parle du sort des chiites, comme s’il s’agissait d’une communauté séparée des autres et du pays. « L’attaque n’est pas contre les chiites, mais contre le Liban. Il faut aussi préciser que ceux qui parlent des chiites comme une entité à part restent minoritaires. » Interrogé sur l’attitude du patriarche maronite Béchara Raï, cheikh el-Khatib rappelle qu’il y a eu récemment un sommet spirituel très important à Bkerké et les propos tenus visaient à consolider l’unité nationale. Pense-t-il qu’après la fin de cette guerre, il devrait y avoir des changements dans le système libanais ? « J’espère que les Libanais tireront les leçons de toutes ces expériences. Quelle est la différence entre vous et moi ? La différence religieuse ne fait pas de nous des êtres différents et hostiles les uns aux autres », souligne-t-il.
On voudrait nous prendre pour des idiots on s’y prendrait pas mieux… il tente de nous vendre l’invendable, il veut nous faire croire qu’il croit que la solution passe par l’état …
21 h 40, le 13 novembre 2024