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Politique - Décryptage

Le dilemme cornélien du Hezbollah

« La parole est au terrain. Croyez ce que vous voyez, non ce que vous entendez. » En lançant cette formule dans son dernier discours, le secrétaire général du Hezbollah ne croyait pas si bien dire. Depuis lundi matin, ce que les Libanais (et les Israéliens) voient, c’est une escalade alarmante sur le terrain. Comment la situation a-t-elle si rapidement dégénéré ? Alors que les milieux politiques et médiatiques s’employaient à chercher à comprendre ce qu’a voulu dire cheikh Naïm Kassem lorsqu’il a parlé de « compte ouvert avec les Israéliens », ceux-ci ont une fois de plus surpris leur adversaire par leurs raids intensifs sur les localités du Sud mais aussi de la Békaa. Brusquement, « le compte ouvert » semble s’être agrandi et le Hezbollah s’est retrouvé devant une nouvelle situation. Soudain, après plus de centaines de raids aériens sur les localités et les routes du Sud, le paysage sur le terrain libanais a complètement changé. De longues files de voitures, les toits chargés de valises, ont pris le chemin de la capitale et du Nord, provoquant des embouteillages aussi intenses que dangereux. Après au moins 300 morts martyrs et plus de 1 100 blessés (selon les chiffres du ministère de la Santé), sans parler des destructions impressionnantes, le sud du Liban s’est soudain vidé de ses habitants.

Si le numéro deux du Hezbollah avait voulu, en parlant de « compte ouvert », maintenir la confrontation sous un certain plafond, tout en étant convaincu que la riposte de dimanche matin, à travers le lancement de missiles Fadi 1 et Fadi 2 contre des usines de technologie militaires au sud de Haïfa et contre la base militaire aérienne de Ramat David, avait atteint son objectif, lui et sa formation ont été pris de court par la violence et la nature de l’attaque israélienne, lundi, contre une grande partie du Sud, de certains lieux dans la Békaa et même dans la région de Jbeil. Alors que le Hezbollah disait qu’en voulant ramener les habitants du Nord, le Premier ministre israélien a réussi à mettre plus d’un million d’Israéliens dans les abris, à cause de la riposte qu’il a menée dans la nuit de samedi à dimanche, il s’est retrouvé face à des milliers de personnes sur les routes, fuyant les localités du Sud. C’est comme si soudain, le commandement israélien avait décidé de réaliser de facto la fameuse « ceinture de sécurité » qui consiste en une zone désertée par les habitants, à sa frontière nord, en plein territoire libanais. En même temps, il montre au Hezbollah que si celui-ci est fier de dire qu’il a réussi à pousser près de 130 000 Israéliens du Nord à l’exode, Netanyahu, lui, va envoyer plusieurs centaines de milliers de personnes hors du Sud.

En quelques heures, ce qu’avait réussi à faire le Hezbollah pendant un peu plus de onze mois en limitant l’exode des habitants du Sud à quelques localités et en les poussant à ne pas trop s’éloigner de leurs villages, s’est évaporé. Effrayés par les raids israéliens et par les messages menaçants dont ils ont été inondés, les habitants d’une large zone du Sud sont partis en catastrophe vers des lieux considérés comme plus sûrs. Par ces attaques, les Israéliens ont non seulement porté un coup à la stratégie suivie jusqu’à présent par le Hezbollah de maintenir la confrontation sous un certain plafond, en dépit de quelques débordements, mais ils ont aussi soulevé un vent de panique dans tout le pays, d’autant que des écoles publiques ont commencé à fermer leurs portes pour pouvoir accueillir les déplacés venus du Sud. C’est vrai qu’il y a aussi un élan de solidarité avec les nouveaux déplacés, et de nombreuses municipalités se déclarent prêtes à les accueillir, mais la situation générale du pays a vite dégénéré en un climat de guerre.

De son côté, le Hezbollah ne peut plus ne pas réagir, même s’il continue à déclarer que le front du Sud a été ouvert en soutien à Gaza. Il est donc tiraillé entre la décision de le maintenir en tant que tel et la nécessité de répondre aux provocations israéliennes.

Si les cadres du Hezbollah gardent le silence, les proches de la formation dressent le tableau suivant : les Israéliens ont commencé par faire exploser les pagers puis les talkies-walkies pour détruire les moyens de communication au sein du Hezbollah. Ils ont ensuite décapité l’unité d’élite al-Radwane et ils cherchent aujourd’hui à vider le sud du Liban. Ils planifient donc de réaliser ce que Netanyahu voulait, à savoir la création d’une zone déserte à la frontière nord, tout en portant un coup fort au Hezbollah sur le plan militaire et au niveau de son environnement. Pour ces mêmes proches, le Hezbollah n’avait plus d’autre choix que de riposter fort. Ce qu’il a fait en lançant pour la première fois des missiles d’une portée de 120 km vers Tel-Aviv et des colonies en Cisjordanie. Certes, il considère que toute opération terrestre israélienne est à son avantage, mais il ne veut pas en arriver là pour des raisons liées à la situation à Gaza qui doit rester, selon lui, le front principal, et pour des considérations libanaises internes.

Désormais, les deux camps se lancent donc dans l’escalade... en espérant que le camp adverse va s’arrêter avant d’aller vers la guerre totale. Netanyahu a certes annoncé qu’il voulait maintenir la pression militaire sur le Hezbollah, ajoutant qu’il est en train de « changer le rapport de force au nord ». Mais ces déclarations pourraient s’inscrire dans le cadre de la guerre psychologique. Toutefois, la situation sur le terrain pourrait échapper à tout contrôle, alors que l’administration américaine, qui aurait pu faire pression sur les Israéliens, est paralysée par la campagne présidentielle interne. Aucune partie internationale ou régionale ne semble donc en mesure de peser sur les événements. Netanyahu a donc le champ libre pour réaliser sa promesse

de ramener les déplacés du Nord chez eux, tout en affaiblissant le Hezbollah et en cherchant à lui faire perdre sa crédibilité à l'égard de son environnement. Et ce dernier veut revenir aux précédentes règles de la confrontation à n’importe quel prix. Il a d’ailleurs modifié le texte de ses communiqués de revendication (des opérations) en ajoutant, après « en soutien à Gaza et à sa résistance héroïque », « pour défendre le Liban et son peuple ». Ce qui montre que pour lui, la nature de la bataille a changé...

« La parole est au terrain. Croyez ce que vous voyez, non ce que vous entendez. » En lançant cette formule dans son dernier discours, le secrétaire général du Hezbollah ne croyait pas si bien dire. Depuis lundi matin, ce que les Libanais (et les Israéliens) voient, c’est une escalade alarmante sur le terrain. Comment la situation a-t-elle si rapidement dégénéré ? Alors que les milieux politiques et médiatiques s’employaient à chercher à comprendre ce qu’a voulu dire cheikh Naïm Kassem lorsqu’il a parlé de « compte ouvert avec les Israéliens », ceux-ci ont une fois de plus surpris leur adversaire par leurs raids intensifs sur les localités du Sud mais aussi de la Békaa. Brusquement, « le compte ouvert » semble s’être agrandi et le Hezbollah s’est retrouvé devant une nouvelle situation. Soudain, après...
commentaires (11)

Attention: censure immédiate si un lecteur a le culot de s’attaquer à Dame Scarlett

Lecteur excédé par la censure

10 h 14, le 24 septembre 2024

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Commentaires (11)

  • Attention: censure immédiate si un lecteur a le culot de s’attaquer à Dame Scarlett

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 14, le 24 septembre 2024

  • Le gouvernement Israelien, en depit de sa barbarie, a le soucis de sa population. Le Hezb (et le Hamas) puise sa force dans le fait qu'il se contrefiche des pertes colossales dans la population civile, fussent-elles de sa propre communaute.

    Michel Trad

    09 h 49, le 24 septembre 2024

  • De grâce arrêtez vos louanges au Hezbollah. La guerre et les morts semblent vous faire plaisir. Écrivez plutôt comment peut on arriver au cessez le feu et ensuite une paix .

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 37, le 24 septembre 2024

  • Le HB n'a jamais eu, n'a pas et n'aura jamais les moyens de sa politique. Seul a travers l’état et ses institutions nous arriverons a reconstruire le pays. Le HB n'a cure du Liban et de ses intérêts, pendant qu'il trucide son peuple, son maître négocie le nucléaire a New York. Est ce cela le rôle du HB? De la chaire a canon pour l'Iran? Il lui faudra rendre des comptes après cette folie meurtrière dans laquelle il a mis le pays. Cela ne lui a pas suffit de détruire son économie, voler l’épargne du peuple, il lui faut aussi raser son infrastructure? Il est temps qu'il soit dissout.

    Pierre Christo Hadjigeorgiou

    09 h 10, le 24 septembre 2024

  • Éclair de lucidité de la part de Mme Haddad. C'est louable. Espérons que ça conduise à une véritable prise de conscience. Attention à ne pas balancer dans l'erreur inverse en croyant que le Hezbollah va être anéanti ou même démilitarisé par notre voisin du Sud. Le problème des armes du Hezbollah restera entier à l'issue de la guerre. Dès que le Hezbollah comprendra qu'il est coincé il demandera au Hamas d'accepter les conditions israéliennes pour un accord de cessez-le-feu et ainsi se sortira lui-même de cette guerre dans laquelle il s'est fourvoyé.

    MAKE LEBANON GREAT AGAIN

    09 h 04, le 24 septembre 2024

  • Le dilemme du Hezbollah est plutôt: comment perdre sans perdre la face.

    Marionet

    09 h 04, le 24 septembre 2024

  • Mais de quel dilemme nous parlons ? Notre barbu grand stratège devant l'éternel va nous sortir les mots qu'il avait prononcé après 2006 : si j'avais su ... cela montre un manque de clairvoyance. Ce qui encore plus choquant c'est d'omettre que ce sont les barbus qui ont mis le Liban dans cette situation catastrophique, avec l'aval de l'Iran et certainement pas des libanais. Mais le pire c'est de voir écrit des articles où plus personne ne trouve d'anormalité dans la situation du pays où ce sont un ramassis de mafieux armées qui décident de la marche à suivre.

    Zeidan

    08 h 52, le 24 septembre 2024

  • À quoi s’attendait Samehto en se jetant dans la gueule du Lion? A être juste chatouillé par un gentil ourson???

    Lara Nader

    08 h 30, le 24 septembre 2024

  • Avec l’exode massif et dramatique des Libanais du Sud les provocations du hezbollah font plus de tort au Liban qu’à Isräel. Le hezb, qui se retrouve tout seul, devrait bien lire les déclarations des officiels iraniens qui proposent un arrangement avec le grand satan américain. Ces guerres n’auraient donc servi qu’à ça ?

    Goraieb Nada

    07 h 55, le 24 septembre 2024

  • Israël gaga la guerre mais perd sa crédibilité dans le monde

    Eleni Caridopoulou

    04 h 35, le 24 septembre 2024

  • Mais pardi, qui lui a octroyé la “responsabilité” ou le droit de défendre le Liban?

    Zampano

    03 h 31, le 24 septembre 2024

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