«Dans les territoires occupés – la Cisjordanie et Gaza – la discrimination est totale, permanente, violente comme dans toutes les situations coloniales… L’occupation militaire et la démolition de la société palestinienne par la colonisation israélienne ne peuvent déboucher que sur d’autres événements désastreux. Nul n’est en mesure de prévoir les développements prochains de ce conflit et moins encore son issue à terme. » Ces propos signés Rony Bauman, ancien président de Médecins sans frontières, et tirés de sa préface à l’ouvrage Israël / Palestine, le livre noir, datent de… 2002 ! Ils confirment que le conflit actuel à Gaza est une catastrophe annoncée et qu’elle est, hélas, le résultat d’un cumul d’exactions et d’une politique de haine qui perdure depuis des années ; ils nous conduisent à regretter que rien n’ait été fait depuis plus de vingt ans pour désamorcer la bombe qui vient d’exploser aujourd’hui. Certes, au lendemain de la chute du mur de Berlin et après les accords d’Oslo, une nouvelle ère semblait s’ouvrir, dominée par un esprit de convergence démocratique, le déclin des confrontations idéologiques et une aspiration universelle à une « paix perpétuelle ». Or, avec le retour de ce que Ghassan Salamé appelle dans son dernier livre « la tentation de Mars », le monde est redevenu belliqueux, avec deux guerres au moins qui dominent l’actualité, l’impuissance avérée des Nations-Unies – ce « machin » raillé par De Gaulle ! – et l’appui inconditionnel et inconsidéré des États-Unis à un régime israélien qui se croit au-dessus du droit humanitaire et des conventions internationales, et qui, pour l’instant, empêche tout accord de trêve en multipliant les demandes insensées. Pis encore, la notion même de « processus de paix » est désormais moquée : on lui préfère, dans les médias israéliens, un équivalent en hébreu qui signifie « processus politique international » !
Au vu de ce basculement, il apparaît indispensable que la communauté internationale se mobilise pour freiner cet engrenage mortifère, appuyée par une opinion publique excédée par le terrorisme, l’impunité des agresseurs et les « jeux de princes » dénoncés par La Fontaine, que le prochain président des États-Unis (une Harris éclairée ou un Trump assagi !) se fasse dorénavant pompier au lieu de pyromane, et que l’ONU sorte enfin de sa léthargie pour remettre les pendules à l’heure. Après deux guerres mondiales qui ont causé des millions de morts, « la société des nations » donne le sentiment de n’avoir tiré aucune leçon de l’Histoire et se contente d’observer, les bras croisés, l’invasion russe ou les crimes en Palestine. Or, la paix juste et équitable n’est pas une option : c’est un devoir éthique sans lequel le monde perdrait son humanité – ou ce qu’il en reste.