Mardi après-midi, la nouvelle de l’arrestation et la détention provisoire de l’ex-gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé a secoué les milieux politiques et judiciaires du pays.
M. Salamé a été arrêté à Beyrouth après avoir été interrogé pendant trois heures par le procureur général sur des soupçons de détournement de fonds de la Banque du Liban, estimés à plus de 40 millions de dollars, a rapporté à l’AFP une source judiciaire ayant requis l’anonymat. Cet ancien dirigeant de la banque centrale, qui a terminé son dernier mandat à la tête de l’institution en juillet 2023 après 30 ans a son poste, fait l’objet de nombreuses enquêtes, dont certaines initiées en Europe pour des infractions financières.
Au sommet du pouvoir politique, le Premier ministre sortant et le ministre sortant de la Justice ont affirmé ne pas se mêler du travail de la justice. Du côté des partis politiques et dans les milieux des déposants, certains se réjouissent de l’arrestation de M. Salamé, alors que d’autres se montrent plus prudents. Voici un tour d’horizon des principales réactions à la détention de l’ex-financier en chef de la République libanaise.
Dans les milieux politiques :
« L’arrestation de Riad Salamé est une décision judiciaire dans laquelle nous n’interviendrons pas. La justice fait son devoir. Nous sommes tous soumis à l’autorité de la loi », a déclaré le Premier ministre sortant Nagib Mikati à la chaîne al-Hadath.
Dans le même registre, le ministre sortant de la Justice, Henri Khoury, a souligné : « La justice a dit ce qu’elle devait dire, et nous respectons cette décision. »
Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, s’est réjoui de la décision du procureur général près du parquet de cassation, Jamal Hajjar, qui « a défié le système » en s’en prenant à l’ex-« dirigeant financier du Liban et voleur de l’argent libanais ». Il a estimé que le magistrat « a redonné espoir au peuple libanais », espérant que le juge Hajjar « ira jusqu’au bout, sans se laisser influencer par les pressions et sans permettre que des tours soient joués ».
Le député Ibrahim Kanaan, chef de la commission parlementaire du Budget et des Finances, a écrit sur la plateforme X : « Lorsque la justice accomplit son devoir et son rôle avec indépendance et courage, la justice est rendue. » Il a ensuite « mis en garde contre toute tentative d’ingérence dans le travail de la justice, en particulier dans ce dossier ».
Le député Salim Aoun, membre du Courant patriotique libre, a écrit sur X : « Je demande au procureur général, Jamal Hajjar, de poursuivre l’enquête jusqu’au bout, sans céder à aucune pression et sans permettre que le dossier soit manipulé. »
Le député indépendant Mark Daou a proposé que M. Salamé soit transféré devant la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, car elle « a réussi à arrêter les plus hauts responsables des crimes financiers au Liban ». « Nous verrons si le procureur (Hajjar) recherche une justice complète ou s’il s’est engagé dans des manœuvres politiques dictées par les médias », a-t-il ajouté.
Dans les milieux associatifs :
Les avocats Zena Wakim et Étienne Arnaud de la fondation suisse Accountability Now, qui affirment lutter contre l’impunité des responsables libanais, se sont montrés sceptiques vis-à-vis de la détention provisoire de Riad Salamé. « Si un jugement est rendu au Liban sur les mêmes faits que ceux qui font l’objet d’enquêtes en Allemagne, en France, en Suisse, au Royaume-Uni et dans de nombreux autres pays, le processus judiciaire dans ces pays s’en trouve ébranlé. Dans le cadre de cette hypothèse, l’arrestation de M. Salamé pourrait être une manière de le protéger, conformément au principe en droit du “ne bis in idem”. » Ils ont estimé que « le timing de l’arrestation de Riad Salamé pourrait s’expliquer par une volonté d’éviter une expansion des enquêtes à l’étranger ».
Fouad Debs, avocat et membre fondateur du collectif l’Union des déposants, a déclaré à L’Orient-Le Jour : « C’est une bonne nouvelle en apparence. Mais j’ai peur que cela vise, à terme, à disculper l’ancien gouverneur de la Banque du Liban via une procédure bancale. » Il a ajouté prudemment : « Tout reste possible à ce stade. »
L’association Le cri des déposants a, elle, clairement salué l’arrestation de Riad Salamé. « Nous nous attendons à ce que la justice ouvre tous les dossiers et prenne des mesures en ce qui concerne les actes commis contre le système financier, que ce soit au niveau des banques privées ou de la banque centrale », a affirmé un porte-parole du groupe à L’Orient-Le Jour. L’association a également appelé à un « sit-in de solidarité avec le pouvoir judiciaire », jeudi à 10h, devant le Palais de justice de Beyrouth.
Espérons que ce ne soit pas une comédie. L’important est qu’il parle et dévoile tous les secrets et responsables. Il connaît 1x1 toutes les personnes et les banques qui ont fait fuir tout leur fric à l’étranger.
00 h 19, le 04 septembre 2024