Bénéficiant de « pauses humanitaires » en pleine guerre à Gaza, la campagne de vaccination anti-polio a officiellement été lancée dimanche dans l’enclave palestinienne, les premiers vaccins ayant été administrés la veille à l’hôpital Nasser de Khan Younès.
Opérée par diverses agences onusiennes et ONG, cette campagne vise à vacciner plus de 640 000 enfants de moins de dix ans et se déroulera en trois phases. La communauté internationale avait tiré la sonnette d’alarme après qu’un bébé de 10 mois avait été diagnostiqué à la mi-août avec cette maladie, pourtant éradiquée il y a 25 ans.
La directrice des relations extérieures et de la communication de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Tamara el-Rifaï, répond aux questions de L’Orient-Le Jour.
Comment va se dérouler cette campagne de vaccination à Gaza ?
La première phase de la campagne de vaccination contre le poliovirus est menée conjointement par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Unicef, l’Unrwa et le ministère palestinien de la Santé pour enrayer la propagation de cette maladie.
Celle-ci se déroulera entre le 1er et le 11 septembre : les équipes de vaccination se déplaceront des zones centrales, où la vaccination a commencé ce dimanche, et après trois jours, elles se dirigeront vers le sud à Khan Younès et Rafah, pour finir par Gaza-ville et le Nord. Outre les centres de santé dans lesquels nous administrons les doses, nous avons environ 500 équipes médicales qui se rendent dans les abris où se trouvent les personnes déplacées, allant de tente en tente.
Dans la première phase qui a commencé aujourd’hui, nous visons à couvrir 150 000 enfants. Nous utilisons donc les vaccins qui sont déjà arrivés dans l’enclave, soit 1,2 million de doses.
À quels obstacles font face les équipes sur le terrain ?
Cette campagne fait face à de nombreux obstacles : à cause des dommages sur nos infrastructures et des déplacements massifs à répétition, nous ne pouvons utiliser que dix de nos centres de santé sur les 27. Elle se déroule alors que la guerre fait toujours rage. L’Unrwa appelle à un cessez-le-feu humanitaire depuis la première semaine de ce conflit. Ces « pauses polio » sont positives, mais ce dont nous avons réellement besoin est d’un cessez-le-feu.
Les vaccins contre la polio doivent rester dans la chaîne du froid, ce qui signifie qu’ils doivent être stockés dans un endroit constamment réfrigéré, nous avons donc besoin de carburant pour faire fonctionner les centrales électriques afin d’activer les systèmes de refroidissement dans les espaces de stockage pour le vaccin. Nous avons également besoin de carburant pour pouvoir déplacer les équipes de santé dans la bande de Gaza.
Quelles sont les limites de cette campagne anti-polio sur le long terme ?
Il est très important de réfléchir aux raisons de ce premier cas de polio en 25 ans à Gaza. De façon générale, toutes les vaccinations sont interrompues pendant un conflit. En près de onze mois de conflit, l’administration de vaccins a sévèrement chuté, alors que le taux de vaccination était supérieur à 90 % avant la guerre.
Les obstacles à l’acheminement de l’aide et des médicaments, les attaques contre les centres de santé de l’Unrwa et les infrastructures, les déplacements constants des habitants font qu’il est extrêmement difficile d’atteindre la population à Gaza. Nous devons rappeler que 1,9 million de personnes, soit neuf habitants de Gaza sur dix, ont été déplacées à plusieurs reprises.
Les conditions de vie des habitants de Gaza sont aussi une cause directe de polio et d’autres maladies infectieuses. Les enfants souffrent de maladies de peau, d’éruptions cutanées, de gale, de diarrhée. Les familles vivent dans des abris de fortune, en plein milieu des eaux usées qui se déversent dans les rues, des ordures qui s’entassent, ce qui équivaut à 200 terrains de football selon les estimations. Les habitants sont entassés dans 15 % de l’enclave, après avoir reçu des ordres de déplacement forcé de la part des forces israéliennes.
Un cessez-le-feu est essentiel pour enrayer la propagation des maladies, mais aussi pour inonder l’enclave d’aide humanitaire, d’équipements médicaux, de carburant… Tout cela est nécessaire à la vie quotidienne des habitants de Gaza et à cette campagne de vaccination en particulier.
Sans parler de tous ces enfants qui n'auront pas de rentrée scolaire cette année et qui n'auront de cesse de grandir dans la haine de leur agresseur.
11 h 55, le 02 septembre 2024