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Politique - Disparition

Salim Hoss, l’énigmatique

Salim Hoss, l’énigmatique

Salim Hoss. Photo ANI

Loué par tout le monde ou presque pour avoir été un parangon de vertu et d’intégrité, qualités suffisamment rares, dit-on, dans les milieux politiques libanais pour mériter d’être soulignées, Salim Hoss, qui vient de mourir à l’âge de 94 ans, est pourtant resté une véritable énigme pour un grand nombre de ses compatriotes.

Sa formation d’économiste, sa carrière d’éminent universitaire et de serviteur de l’État – il fut président de la commission de contrôle des banques – annonçaient le profil d’un homme politique nécessairement atypique, sortant du cadre traditionnel libanais. À l’heure des bilans, il laissait à cet égard un sentiment très mitigé.

Homme de savoir et de principes, esprit ouvert et modéré, personne animée de bonté réelle, il était tout cela, et même davantage. Mais dans le même temps, il lui arrivait souvent de porter un regard politique plutôt figé et sommaire sur le monde, ne parvenant pas à dépasser un antiaméricanisme primaire et une vision romantique surannée du nationalisme arabe.

Surtout, Salim Hoss développera tout au long de sa carrière politique une espèce d’ambiguïté vis-à-vis des grands enjeux libanais, intérieurs comme extérieurs : l’évolution du système politique et ses rapports avec le confessionnalisme, les relations du Liban avec la Syrie et son régime, la stratégie de défense face à Israël. Autant de dossiers existentiels autour desquels les Libanais s’étripent depuis des décennies, mais qui ne suscitaient trop souvent chez lui qu’hésitation et tâtonnement, quand ce n’était pas carrément du conservatisme pur et dur dès lors qu’il était question de toucher au système confessionnel.

Plus à cause d’un caractère timoré que par conviction, il laissera faire bien plus souvent qu’il n’agira lui-même. En 1978, lorsque la guerre reprend au Liban, opposant l’armée syrienne de Hafez el-Assad aux milices chrétiennes retranchées à Achrafieh et Aïn el-Remmané, il est, en sa qualité de Premier ministre, l’homme qui, bien que n’étant pas foncièrement prosyrien, fera primer la parole de Damas sur la politique plus libaniste de son principal adversaire au sein du cabinet, Fouad Boutros, vice-président du Conseil et ministre des Affaires étrangères.

Salim Hoss s'entretenant avec Hahez el-Assad, ancien président syrien, à Damas le 6 janvier 1999. Photo Dalati Nohra

Son dernier passage à la tête du gouvernement, entre 1998 et 2000, présentera des caractéristiques similaires. On en retiendra, pour l’actif, son refus courageux et avant-gardiste d’endosser la peine de mort, lorsqu’il s’abstient, en mars 2000, de contresigner le décret d’application d’une décision d’exécution de deux meurtriers. Quelques années après ce refus, un moratoire de facto sera appliqué au Liban dans ce domaine, sous pression notamment de l’Union européenne. Et pour ce qui est du passif, son revanchisme et la chasse aux sorcières qu’il laisse mener alors par le régime policier libano-syrien contre les milieux haririens.

Il faut dire que Salim Hoss devait en quelque sorte son retour à la présidence du Conseil à la détestation qu’il vouait à Rafic Hariri, Premier ministre entre 1992 et 1998. Émile Lahoud, un autre détracteur du milliardaire, venait tout juste, en novembre 1998, d’être élu président de la République sous la paternité agissante de Damas. Bien que disposant d’une majorité parlementaire, Hariri refusera de former le gouvernement à la suite d’une entourloupe constitutionnelle à laquelle se livrent les députés prosyriens. Lors des consultations contraignantes pour désigner le Premier ministre, ces députés, probablement « encouragés » par Damas, feront « cadeau » de leurs voix au chef de l’État, lequel convoquera Hariri pour lui signifier qu’il les lui « offrait ». Ne pouvant accepter cette manne qu’il jugeait non conforme à la Constitution, ce dernier se récusera, ouvrant la voie à son adversaire. Mais la campagne anti-haririenne initiée par le pouvoir dès la prise en charge du gouvernement sera si maladroitement conduite qu’elle mènera tout droit au retour triomphal de Rafic Hariri lors des élections législatives de l’été 2000.

Emile Lahoud, ex-président de la République, lors d'une réunion avec Salim Hoss au palais de Baabda, le 29 décembre 1999. Photo Dalati et Nohra

La chute de Salim Hoss, alors même qu’il n’était que le témoin passif de cette politique, n’en fut que plus sévère.

Quatre fois Premier ministre

Né le 20 décembre 1929 dans une famille sunnite beyrouthine, Salim Hoss sera diplômé d’économie de l’Université américaine de Beyrouth et recevra un PhD en « business and economics » de l’Université de l’Indiana, aux États-Unis.

En décembre 1976, à la fin de la « guerre des deux ans », il devient Premier ministre, sous le mandat du président Élias Sarkis, et restera à ce poste jusqu’en 1980.

Il est nommé en 1984 ministre de l’Éducation dans le gouvernement de Rachid Karamé, sous le mandat présidentiel d’Amine Gemayel, et devient Premier ministre par intérim en 1987 après l’assassinat de Karamé.

En 1988, à la fin du mandat de Gemayel, il refuse de céder le pouvoir au Premier ministre par intérim Michel Aoun, dont il juge la nomination anticonstitutionnelle. Hoss reste à la tête d’un gouvernement dont le pouvoir s’étend essentiellement sur les régions musulmanes du Liban.

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Il est nommé à nouveau Premier ministre en 1989, après les accords de Taëf, par le président René Moawad puis par son successeur Élias Hraoui. Il démissionne un an plus tard pour être remplacé par Omar Karamé. Il reviendra à la fin de 1998 à la présidence du Conseil et y restera jusqu’à sa défaite cinglante aux législatives de l’été 2000.

Depuis 2005, il gérait le Forum de l’unité nationale – la troisième force – qui se voulait équidistante des forces pro et antisyriennes.

Marié à une chrétienne, Leila Pharaon, décédée avant lui, Salim Hoss laisse une fille unique, Wadad.

Le décès de Salim Hoss est survenu quelques jours après celui de Georges Corm, ministre des Finances dans le gouvernement Hoss de 1998-2000.

Loué par tout le monde ou presque pour avoir été un parangon de vertu et d’intégrité, qualités suffisamment rares, dit-on, dans les milieux politiques libanais pour mériter d’être soulignées, Salim Hoss, qui vient de mourir à l’âge de 94 ans, est pourtant resté une véritable énigme pour un grand nombre de ses compatriotes.Sa formation d’économiste, sa carrière d’éminent...
commentaires (12)

Je ne retiens de Salim Hoss que son panarabisme qui l'amena à défendre tellement les palestino-destructeurs, qu'il a été poursuivi dans sa fuite au parlement par le député Amin Gemayel, horrifié par les contre-vérités proclamées par S.Hoss au parlement.Cet épisode aurait mérité d'être cité dans votre article, tant il révèle la véritable nature politique de ce personnage, qui a toujours mis l'intérêt du pays derrière celui de ses agresseurs !

GM92190

14 h 39, le 26 août 2024

Tous les commentaires

Commentaires (12)

  • Je ne retiens de Salim Hoss que son panarabisme qui l'amena à défendre tellement les palestino-destructeurs, qu'il a été poursuivi dans sa fuite au parlement par le député Amin Gemayel, horrifié par les contre-vérités proclamées par S.Hoss au parlement.Cet épisode aurait mérité d'être cité dans votre article, tant il révèle la véritable nature politique de ce personnage, qui a toujours mis l'intérêt du pays derrière celui de ses agresseurs !

    GM92190

    14 h 39, le 26 août 2024

  • Gangrené par la corruption, par le clientélisme et par l’occupation de milices, et armées étrangères, le pays a connu des personnalités dont justement ""Sélim Hoss, l’énigmatique"" qui au nom des bonnes intentions voulaient lutter contre ces fléaux, mais démunis de pouvoirs réels, se trouvaient confrontés à l’autre pouvoir pour ne pas dire qu’ils étaient complices…

    NABIL

    10 h 49, le 26 août 2024

  • Sélim Hoss devait être en phase avec le chéhabiste Fouad Boutros. Modérés ? Ils étaient au pouvoir sous occupation syrienne. Etonnant le mot d’adieu de Michel Aoun à titre posthume, alors qu’ils justifiaient leur action politique par une double légitimité, deux Premiers ministres. Quel sens de la légalité avait tout ce personnel politique en présence des armées et milices étrangères ? La presse étrangère retient son arrivée en politique par accident. Premier ministre (1990) le Liban est privé de son chef d’Etat, et mort (2024) alors que le pays peine à élire son président. Coïncidence ?

    NABIL

    10 h 38, le 26 août 2024

  • ""Le décès de Salim Hoss est survenu quelques jours après celui de Georges Corm, ministre des Finances dans le gouvernement Hoss de 1998-2000"". L’allusion est claire. Deux pro-syriens dont ils devraient être d’accord sur quelques points dont la lutte contre le clientélisme, tâche immense dont se réclamera bien de futurs politiciens. Leurs origines étaient pour quelque chose.

    NABIL

    10 h 37, le 26 août 2024

  • Ce mariage est plus commun que l’on pense

    nazih haddad,md

    03 h 37, le 26 août 2024

  • C’est plus commun que l’on pense

    nazih haddad,md

    03 h 35, le 26 août 2024

  • Mr Hoss aurait ete un premier ministre ideal dans un pays democratique normal, mais il etait comme un poisson hors de l'eau dans un pays corrompu et ouvert a toutes les influences etrangeres.

    Michel Fayad

    00 h 59, le 26 août 2024

  • Marié à une chrétienne et elle à un musulman et ils ont eu un enfant !! C'est extraordinaire!!

    M.E

    22 h 24, le 25 août 2024

  • RIP. Il était honnête. Un bon économiste. Un monsieur bien. Meilleur que toute cette bande de nuls actuels. Mais côté politique, il n’a jamais été ma tasse de thé. Politiquement je ne l’appréciais pas du tout. . Aujourd’hui, il est décédé, on devrait garder le souvenir de l’homme honnête qu’il était. Qu’il repose en paix.

    LE FRANCOPHONE

    21 h 51, le 25 août 2024

  • le reflexe communautaire toujours....en plus je n'ai aucune compassion pour tout ceux qui ont embrasse chaudement la main syrienne....harriri, hoss, lahoud, moawad mere, etc...

    Elementaire

    19 h 55, le 25 août 2024

  • Salim el Hoss, que j'ai eu l'honneur de connaître , était l'homme d'État du Liban le plus raisonnable de notre histoire ! Un grand homme qui n'a jamais rien demandé pour lu-même comme le font tant d'autres , mais toujours grand défenseur des intérêts du Liban , avant tout , et en silence ! Le Liban manque encore terriblement d'homme pareils !

    Chucri Abboud

    19 h 40, le 25 août 2024

  • Grand homme d'Etat, opposé à la peine de mort, il n'a jamais signé une autorisation d'exécution. Il disait approximativement "je suis végétarien, je ne supporte pas que l'on tue un animal, comment voulez-vous que j'autorise de tuer un humain". Paix à son âme!

    Céleste

    19 h 39, le 25 août 2024

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