Depuis sa diffusion vendredi, la vidéo intitulée « Nos montagnes, nos dépôts, les installations Imad 4 » continue de faire l’objet d’interprétations diverses et d’occuper les spécialistes militaires et stratégiques, ainsi que les médias arabes et israéliens. Mais la question la plus importante reste de savoir pourquoi le Hezbollah a-t-il choisi ce timing précis pour dévoiler l’une de ses installations militaires les plus secrètes ?
En quatre minutes et 36 secondes, la vidéo montre des installations souterraines, dans un environnement montagneux, des missiles de longue portée bien rangés, des rampes de missiles, des camions gigantesques qui transportent ces cargaisons et des motards qui circulent dans un dédale de tunnels taillés dans le roc, éclairés et bien asphaltés. Aucune indication de lieu n’est donnée, à part le fait qu’il s’agit d’installations creusées dans la montagne, sans la moindre ouverture à l’air libre, mais dotées d’un éclairage électrique. De quelle montagne s’agit-il ? Nul ne le sait et les spéculations vont bon train, sachant qu’il y a plusieurs reliefs montagneux dans la Békaa et dans le Sud du Liban. La vidéo, tournée avec des effets spéciaux spectaculaires, a été diversement accueillie. Certains au Liban se sont empressés de préciser qu’il s’agit d’images travaillées grâce à l’intelligence artificielle, mais cette théorie n’a pas vraiment été prise au sérieux. D’autres, toujours au Liban, se sont demandé de quel droit le Hezbollah s’empare-t-il ainsi de l’intérieur des montagnes ? Mais la grande majorité des médias locaux, arabes et même israéliens a considéré qu’il s’agit d’installations impressionnantes qui dénotent d’une grande puissance militaire, notamment en matière de missiles.
Selon des informations recueillies auprès de sources proches du Hezbollah, l’idée de construire ces installations est venue après la guerre de 2006. Le parti a alors décidé de faire une évaluation de ses capacités et de sa prestation pendant cette guerre, tout en cherchant à combler les lacunes apparues pendant les 33 jours de combats (12 juillet-14 août 2006). Dans leurs réunions d’évaluation, ceux qu’on appelle au Hezbollah les responsables jihadistes ont ainsi estimé qu’un des handicaps des combattants était l’absence d’importantes structures souterraines. Par conséquent, dans toute confrontation future, il fallait éviter de revivre l’impact de la destruction de 210 immeubles dans la banlieue sud de Beyrouth et donc de se doter de structures souterraines fortifiées et inattaquables même par les nouvelles bombes puissantes américaines. Cette idée a été soumise au Conseil du jihad qui l’a approuvée et l’exécution a commencé dès 2007, dans le plus grand secret. Qu’est-ce qui a été construit au juste et combien y a-t-il de souterrains dans le genre de celui qui apparaît dans la vidéo ? Nul ne le sait. Ce domaine fait en effet partie des grands secrets militaires du Hezbollah. Pourquoi dans ce cas avoir choisi d’en parler maintenant ? Selon les sources proches du Hezb, la décision de tourner cette vidéo et de la diffuser a été prise en haut lieu et elle marque une nouvelle étape dans la confrontation avec les Israéliens. Pour la première fois, le Hezbollah a choisi de dévoiler une partie de son arsenal caché, alors que jusqu’à présent, il n’en était question qu’oralement et sans donner de détails.
Pour les sources proches du Hezbollah, si le commandement du Hezbollah a pris la décision de dévoiler une partie de cet arsenal, c’est qu’il a décidé d’envoyer plusieurs messages tant aux Israéliens qu’aux Américains, et surtout aux négociateurs. Le message principal, selon elles, c’est d’abord de dissuader les Israéliens et de les pousser à renoncer à tout projet d’élargir le champ de la confrontation avec le Liban, car il leur sera très difficile de détruire les installations et les rampes de missiles du Hezbollah. Il s’agit aussi, par ricochet, d’un message aux Américains, qui viennent de donner aux Israéliens des bombes censées détruire les tunnels et les installations souterraines, pour leur dire que même ces bombes ne serviront pas à détruire les tunnels équipés du Hezbollah. Ces messages sont d’ailleurs envoyés au moment précis où des négociations pour aboutir à une trêve sont menées à Doha et au Caire, et l’objectif est que Tel-Aviv revoie à la baisse ses exigences. Toujours selon les mêmes sources, la vidéo comporte aussi un autre message qui, lui, concerne le dossier libanais. Face à l’arsenal de missiles sophistiqués qui a été dévoilé par la vidéo, l’idée avancée pour l’application de la résolution onusienne 1701, qui consiste en un retrait des unités de commandos du Hezbollah d’une zone allant de 3 à 10 km à partir de la frontière, devient caduque. En effet, cette réclamation était justifiée par le fait que les missiles généralement utilisés par le Hezbollah sont d’une portée maximale de 10 km. Le retrait d’une zone de 10 km pouvait donc suffire à instaurer le calme à la frontière. Désormais, avec l’apparition des missiles de plus longue portée cachés dans des lieux inconnus, cette exigence devient insuffisante pour instaurer la calme à la frontière. Il faudra donc chercher d’autres arrangements ou s’incliner devant l’équation du Hezbollah selon laquelle le calme à Gaza entraînera forcément le calme sur le front de soutien ouvert au Sud. Le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, a d’ailleurs déclaré dans son dernier discours que les missiles de sa formation peuvent atteindre Israël « De Kyriat (Shmona) à Eilat », c’est-à-dire de l’extrême nord à l’extrême sud. Dans l’optique du Hezbollah, il s’agit d’une volonté de dissuader les Israéliens de se lancer dans une grande guerre et même de les pousser à chercher des solutions. Mais cette vidéo suffira-t-elle à les convaincre ?
Un satellite peut très facilement déterminer les coordoneees du point de lancement des missiles, suite à quoi il suffirait de quelques petites bombes pour ensevelir les barbus.
07 h 03, le 21 août 2024