Le jour de gloire était presque arrivé pour le Liban. Quarante-quatre ans après le bronze décroché par Hassan Béchara en lutte gréco-romaine aux Jeux de Moscou, Laetitia Aoun est passée à deux doigts de réussir l’impensable en remportant à son tour une médaille du même métal, ce jeudi au terme du tournoi olympique féminin de taekwondo dans la catégorie des moins de 57 kg.
Sous la verrerie du Grand Palais de Paris, transformé en « dojang » (nom d’un terrain de taekwondo en coréen) pour l’occasion, la combattante de 23 ans s’est inclinée au bout du suspense et de l’effort dans la petite finale face à la Canadienne Skylar Park, qui a dominé la Libanaise 2 manches à 0 sur le score de 0-0, 4-2.
« À partir du troisième combat, je n’arrivais plus à lever les jambes »
Après une première manche où aucune des deux combattantes n’est parvenue à marquer de points (0-0), l’avantage a été donné à la Canadienne pour avoir effectué le plus grand nombre de touches au plastron (qui sont comptabilisées électroniquement). Dans la deuxième reprise, Laetitia Aoun n’est pas parvenue à réagir et à combattre avec la même spontanéité qu’on lui a connue plus tôt de la journée. Visiblement crispée et émoussée physiquement, elle a concédé un coup de pied à la tête, détecté avec l'aide de la vidéo, qui a donné un avantage définitif à son adversaire canadienne pour empocher la médaille de bronze.
« Je suis déçue de ne pas avoir eu cette médaille, mais en même temps, je suis soulagée que ce soit terminé, car le stress que j’ai ressenti lors de ce dernier combat était immense », a déclaré Laetitia Aoun à L'OLJ au terme de sa rencontre pour la médaille de bronze. Au préalable, la licenciée du club Mont La Salle (Aïn Saadé, Metn) avait réussi un parcours honorable en s'imposant contre la Taïwanaise Lo Chia-Ling en 8ᵉ (4-2, 3-2), médaillée de bronze à Tokyo, puis la Macédonienne Miljana Reljikj en quarts (9-8, 6-6) pour se hisser dans le dernier carré.
Mais la marche était trop haute en demi-finale face à l'Iranienne Nahid Kiyanichandeh, qui décrochera quelques instants plus tard la médaille d'argent derrière la Sud-Coréenne Kim Yujin, sacrée championne olympique. Classée au 2e rang mondial de la catégorie des -57 kg, l'Iranienne a surclassé (10-3, 9-0) une Laetitia Aoun pas aussi inspirée qu'auparavant : « À partir du troisième combat, je n’arrivais plus à lever les jambes, c'est comme si j'étais bloquée, confie-t-elle. Je me suis fait mal au tibia droit lors du quart de finale. Cela m’a gêné pour la suite car j’utilise beaucoup ma jambe droite pour réaliser mes coups… mais ce n’est pas une excuse ! »
« J'espère pouvoir continuer... mais il faut que ça change »
Avec son magnifique parcours, Laetitia Aoun est passée à deux doigts décrocher la cinquième médaille de l’histoire de l’olympisme libanais et devenir la première athlète féminine à inscrire son nom dans ce palmarès à seulement 23 ans. De quoi prendre déjà rendez-vous pour Los Angeles dans quatre ans ? « J’ai très envie de continuer, mais c'est difficile de se projeter aussi loin, nuance l'étudiante en troisième année de médecine. Ce n’est pas facile de gérer les deux en même temps, surtout si je ne reçois pas plus de soutien financier au Liban. Pour que je dure jusqu'aux prochains Jeux… il faut que quelque chose change ».
Outre Hassan Béchara, les trois autres médailles de l’histoire ramenées par des Libanais aux Jeux sont Zakaria Chéhab et Khalil Taha, qui avaient respectivement décroché l’argent (dans la catégorie des poids coqs) et le bronze dans celle des poids mi-moyens, en 1952 à Helsinki également en lutte gréco-romaine. Vingt ans plus tard, c’était au tour de Mohammed Trabulsi d’être sacré en argent en haltérophilie (dans la catégorie des poids moyens) en 1972 à Munich.
Le taekwondo, art martial coréen, est apparu au programme officiel des Jeux olympiques en 2000 à l'occasion des Jeux de Sydney. Troisième Libanaise à avoir directement obtenu son billet pour Paris-2024, Laetitia Aoun était la deuxième taekwondoïste à défendre les couleurs nationales dans cette discipline, douze ans après la participation d’Andrea Paoli aux Jeux de Londres.
Qualifiée depuis le 17 mars dernier, après avoir remporté, en Chine, le tournoi de qualification (TQO) de la zone asiatique, Laetitia Aoun avait la lourde tâche de maintenir en vie la dernière chance de médaille du Liban dans ces Olympiades, à la suite des éliminations successives de ses huit compatriotes ayant défendu les couleurs du Liban à Paris. Passée tout proche de l'exploit et de mettre un terme à cette longue période de disette pour le pays du Cèdre, elle s'en excuserait presque en zone mixte : « Je veux remercier tous ceux qui m’ont supporté, mais aussi leur dire pardon, car je n’ai pas réussi à ramener cette médaille qui aurait été une chose magnifique pour le Liban », a-t-elle déclaré.
Mais une fois évacuée l'amertume de ce rendez-vous manqué avec l'histoire de l'olympisme libanais, le jeune femme revenait à l'essentiel en prenant déjà la mesure de l'ampleur du chemin parcouru lors de ce jeudi 8 août, un jour qui restera comme le moment fort de cette quinzaine olympique pour le clan libanais à Paris 2024 : « Savoir qu'autant de gens m'ont soutenu aujourd'hui signifie énormément pour moi, c’est presque aussi important que de gagner une médaille, se réjouit-elle. Le plus important pour moi, c’est d’avoir pu inspirer les jeunes Libanais en leur montrant que malgré toutes les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, on peut faire de grandes choses. Si quelqu’un comme moi a pu jouer quatre matchs aux JO tout en poursuivant mes études, je suis sûre que beaucoup d'autres Libanais en sont capables ».
Bravo
05 h 25, le 09 août 2024