La tension semble à son comble. Des trois côtés (l’Iran, le Hezbollah et les Israéliens), les nouvelles se succèdent, chacune plus effrayante que l’autre, dans le but de pousser les partisans du camp ennemi à vivre dans l’angoisse. Sur ce plan, on peut dire que la tactique a atteint son objectif, puisque de Tel-Aviv à Beyrouth et jusqu’à Téhéran, une seule question revient sur toutes les lèvres : quand donc aura lieu la riposte de l’Iran et du Hezbollah et quelle sera la réaction des Israéliens ?
La région semble ainsi retenir son souffle en attendant des développements supposés apocalyptiques. Et pour couronner le tout, de nombreuses ambassades lancent des appels à leurs citoyens, même ceux qui détiennent une double nationalité, pour qu’ils quittent la région dans les plus brefs délais. De là à penser qu’une grande confrontation attend la région, et en particulier le Liban, il n’y a qu’un pas que beaucoup sont en train de franchir, d’autant que « les scénarios de guerre » circulent sans interruption sur les réseaux sociaux.
En dépit de ce climat terriblement anxiogène, des sources militaires bien informées sont convaincues que la multiplication des déclarations et des scénarios menaçants s’inscrit essentiellement dans le cadre de la guerre psychologique qui fait désormais partie intégrante de la guerre dans sa conception traditionnelle. Les deux camps, à savoir « l’axe de la résistance » et les Israéliens, utilisent ce procédé avec brio, cherchant sans cesse de nouveaux moyens pour effrayer les gens et faire pression sur les parties qui se battent. Mais, selon les sources militaires précitées, l’objectif essentiel, des deux côtés, n’est pas de provoquer une guerre régionale, mais plutôt de maintenir la tension à un niveau maximal pour tenter d’arracher des concessions au camp adverse. De même, le maintien du flou au sujet de la riposte de l’Iran à l’assassinat à Téhéran du chef du bureau politique du Hamas Ismaïl Haniyé ainsi que celle du Hezbollah à l’assassinat dans la banlieue sud d’un des principaux chefs militaires de la formation, Fouad Chokor, est, pour « l’axe de la résistance », un moyen de miner les nerfs des Israéliens et de leurs alliés, tout en obligeant les différentes parties militaires et sécuritaires à rester en étant d’alerte maximale avec ce que cela a comme impact économique et social important sur le cours de la vie. C’est en effet la première fois que, selon les médias israéliens, près de 150 000 Israéliens sont coincés à l’étranger ne pouvant pas rentrer faute de vols aériens. Pour le commun des mortels, cela peut paraître un détail, mais dans le cadre de la guerre psychologique que mènent les deux camps adverses, il s’agit d’un élément important. Pour l’Iran et le Hezbollah, frapper l’économie et surtout le moral des Israéliens, c’est déjà marquer un grand point dans la guerre en cours. Et les Israéliens font de même.
Toutefois, les choses ne devraient pas en rester là. Selon les deux camps, la riposte de la part de l’Iran et du Hezbollah est sûre, mais nul ne sait quand elle aura lieu et sous quelle forme. L’Iran et le Hezbollah vont donc riposter, ensemble ou séparément, seuls ou avec les autres partenaires de « l’axe de la résistance », en une fois ou en plusieurs étapes. Mais les sources militaires précitées estiment que la riposte ne devrait pas être de nature à provoquer une guerre généralisée. Ces sources sont en effet convaincues qu’aucune des parties ne souhaite un tel scénario. D’abord, les États-Unis qui sont actuellement trop occupés par leur campagne électorale et qui ne sont pas en mesure de gérer une grande guerre. D’autant que la campagne s’annonce serrée et que la guerre à Gaza fait désormais partie des enjeux électoraux. De même, l’Iran, qui a réussi à faire de l’« axe de la résistance » une force régionale, ne pourrait pas prendre le risque de balayer tout cela juste pour une riposte à une attaque qui lui a certes fait mal, mais qui n’est pas de nature à détruire ni sa puissance ni ses capacités militaires. Le Hezbollah lui aussi ne souhaite pas l’élargissement de la guerre et cherche simplement à rétablir ce qu’il appelle « les règles d’engagement ». Hassan Nasrallah l’a déclaré à plusieurs reprises, et c’est bien l’une des raisons pour lesquelles il insiste pour que le front ouvert le 8 octobre à partir du Liban reste un soutien à Gaza et non une confrontation indépendante. Le Hezbollah ne considère donc pas que cette guerre est la sienne et elle ne constitue pas non plus la grande bataille pour la libération de la Palestine. Il est en effet convaincu que cette guerre est une étape, comme d’autres qui l’ont précédée et celles qui vont suivre, permettant à « l’axe de la résistance » de marquer des points. Le cumul de points devrait, à ses yeux, aboutir à la victoire.
Du côté israélien, le Premier ministre Benjamin Netanyahu pourrait être le seul à vouloir élargir la guerre, surtout pour entraîner les Américains dans un conflit avec l’Iran, au sujet du nucléaire notamment. Mais d’une part, le fait de frapper les installations nucléaires iraniennes ne pourra pas empêcher ce pays de poursuivre ses travaux dans ce domaine, alors qu’il est désormais très proche de la fabrication de la bombe, et d’autre part, les Américains ne peuvent pas se lancer dans une grande guerre dans les circonstances actuelles. C’est vrai que Netanyahu dispose aujourd’hui d’une marge de manœuvre plus grande, avec les vacances de la Knesset, et qu’il peut se vanter d’avoir réussi deux grandes opérations à Téhéran et dans la banlieue sud de Beyrouth, mais cela ne lui permet pas pour autant d’aller vers l’élargissement de la guerre, d’autant qu’il doit faire face à de nombreux problèmes internes. Certes, un dérapage est toujours possible, mais comme il n’y a pour l’instant aucune perspective de solution, nul n’a intérêt ni à l’arrêt de la guerre ni à son élargissement.
Excellent article de Scarlett Face à un netanyahu qui se croit invincible il faut une réaction
08 h 55, le 08 août 2024