L'avocate et militante Rozkar Ibrahim, 33 ans, se tient à côté de la pierre tombale de Dekan Tarq Ali, la première femme victime dont le nom a été inscrit sur sa tombe, dans une zone réservée aux victimes de féminicides et de crimes d'honneur, au cimetière de Siwan à Sulaimaniyah, la deuxième ville de la région autonome du Kurdistan, le 17 mai 2024. Photo AFP/SHWAN MOHAMMED
Les survivantes de violences domestiques au Kurdistan d'Irak sont confrontées à des « obstacles significatifs » quand il s'agit d'assurer leur protection, a regretté mercredi Amnesty international, soulignant l'échec des autorités à traduire en justice les agresseurs, même en cas de viols ou de féminicides.
Dans la région autonome du nord qui se veut oasis de stabilité et de modernité, « les violences basées sur le genre se perpétuent à cause d'une justice pénale qui alimente l'impunité, et un cadre de protection épuisé et sous-financé », résume l'ONG des droits humains.
Les autorités « n'arrivent pas à faire rendre des comptes aux auteurs de violences domestiques, notamment dans des cas déchirants de meurtres, de viols, de coups et d'immolation par le feu », ajoute l'organisation basée à Londres.
Elle déplore des conditions « quasi-carcérales » dans la poignée de foyers d'accueil existant, selon un nouveau rapport publié mercredi, réalisé sur la base de 57 entretiens avec des travailleurs humanitaires, des responsables et 15 survivantes.
Amnesty réclame des financements plus importants aux services de protection des femmes.
Défi majeur pour les survivantes : « elles doivent elles-mêmes porter plainte au pénal contre leur agresseur pour qu'il y ait une enquête », souligne Amnesty. Cette plainte est aussi indispensable « pour accéder à des services de protection, y compris aux foyers ».
Or, celles qui portent plainte « sont fréquemment confrontées à des représailles, des menaces et des intimidations de la part de l'agresseur ou de la famille », pour les pousser à abandonner les poursuites, selon Amnesty.
Amnesty dénonce un « biais » chez certains juges en faveur des hommes, visible notamment avec « des peines qui ne sont pas proportionnelles à la gravité du crime. »
« Les femmes ne veulent pas aller en justice parce qu'on va leur demander +qu'as-tu fait pour qu'il te fasse ça+ », selon un travailleur social cité dans le rapport.
« On ne devrait pas demander aux victimes ce qu'elles ont fait pour se faire battre, poignarder, ou tirer dessus », ajoute-t-il.
Et dans les foyers, le cauchemar est loin d'être terminé.
« La liberté de mouvement des femmes et des filles, leur accès aux téléphones et à Internet sont sévèrement restreints », déplore Amnesty, des mesures s'apparentant « à une privation arbitraire de liberté. »
En 2023 le Kurdistan a connu 30 féminicides, contre 44 en 2022, selon des statistiques officielles citées par Amnesty.
Entre violences conjugales, mariages précoces et coercition économique, la question des droits des femmes reste un sujet épineux en Irak, pays de 43 millions d'habitants où la société conservatrice est dominée par des conceptions patriarcales et machistes.
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