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D’art et d’amour, Maria Callas chantée par Eric-Emmanuel Schmitt

Pour le centenaire de la plus célèbre des cantatrices, celle qui a vendu jusqu’aujourd’hui plus de 30 millions de disques, Eric-Emmanuel Schmitt vient d’offrir un étincelant bijou aux fans et détracteurs de Maria Callas.

D’art et d’amour, Maria Callas chantée par Eric-Emmanuel Schmitt

D.R.

La Rivale, en devanture des librairies, est un livre aux allures d’un récit court, non crayeux ou chétif mais bourré d’anecdotes et riche en rebondissements. Un peu déstabilisant mais certainement très agréable à lire car la cocasserie, la caricature, l’ironie, la dérision, l’humour noir et grinçant ne sont là que pour un hommage encore plus accentué à celle qui fit rêver les foules et paya cher de sa vie ses incartades et ses frasques sublimes… Sur tous les plans.

Étrange biographie, qui n’a rien à voir avec les sérieux et savants pavés de Jean-Jacques Groleau, René de Ceccatty ou Anna Stanissopoulos (pour ne citer que ces ténors afin de cerner le parcours de celle qui a littéralement brûlé les planches de la scène lyrique !), entre narration fantaisiste et précisions historiques d’une carrière à la fois portée aux nues et huée, ardemment suivie par un public international, tel un palpitant roman à couper le souffle !

Personnage mythique et emblématique de l’art lyrique, Maria Callas a défrayé la chronique. Elle s’est imposée aussi bien par une personnalité hors norme que par son chant, en révolutionnant le bel canto et la force d’interprétation, de comédienne et de tragédienne, qui l’habitaient.

Comme pour taquiner et titiller le lecteur, l’auteur de Madame Pylinka et le secret de Chopin (un autre plaisir de découvrir la musique au cœur de la littérature à travers les écrits de EES !) a imaginé une rivale à celle qui n’avait pas d’égale.

Et cette rivale est une certaine Carlotta Berlumi, née de l’imaginaire de Schmitt, obscure et mythomane cantatrice qui se pique, par une parano dingue, de se mesurer à une Prima Donna, étoile des étoiles… Souffrante d’un syndrome de persécution et convaincue d’une machination « complotiste » contre elle, Carlotta, femme très libre de son corps et qui chante sagement, sans originalité, s’attaque férocement à « la grosse Grecque, myope comme une taupe – une boulotte bigleuse –, qui n’est que cantatrice dramatique et de surcroît flanquée d’un mari sénile… »

Bien entendu risible portait tronqué de Maria Callas qui, telle une chrysalide, se transformera dans son éclosion en une femme merveilleuse, captivera les feux de la rampe, étonnera l’univers par ses prestations (entre autres !) de la Norma de Vincenzo Bellini et la Tosca de Giacomo Puccini… Même Aristote Onassis, Crésus moderne cousu d’or, succombera à son charme et sa sophistication infinie… Sans oublier que Luchino Visconti, au flair infaillible, fut le premier à lui donner le rôle de « la traviata » à La Scala de Milan en 1955.

Au lieu de dénigrer la perfectionniste et stupéfiante Maria Callas, les aigreurs, les énormes propos malveillants, les attitudes acariâtres, les combines de la vieille Carlotta, gâteuse en fin de vie, la rendent encore plus lumineuse, plus inaccessible, plus inatteignable.

Avec La Rivale, Eric-Emmanuel Schmitt signe là un texte incandescent, brillantissime et jubilatoire.

Un style admirablement maîtrisé, captivant jusqu’au bout. Pour un miroir déformant qui finit par restituer, comme un puzzle recomposé, toute la grandeur, le talent, le tragique et l’aura incomparable d’une cantatrice, soprane assoluta, qui a eu l’audace et le courage de chambouler tous les conventionnels ronrons de levers de rideau du bel canto…

De Paris à Vienne en passant par Londres et New-York, La Callas, de par sa particulière et unique tessiture vocale et son sens acharné au labeur, a conquis haut la voix les belcantistes chevronnés.

Si l’église et l’opéra règnent sur le cœur des Italiens, comme le souligne l’auteur, l’opéra, incarnation de la passion, des sentiments, de l’excès, du pathos et de la folie furieuse, aura été l’arène vivante d’une femme qui a vécu ce que Tosca chantait : « J’ai vécu d’art, j’ai vécu d’amour, je n’ai jamais fait de mal à âme qui vive !… »

La Rivale d’Eric-Emmanuel Schmitt, Albin Michel, 2024, 135 p.

La Rivale, en devanture des librairies, est un livre aux allures d’un récit court, non crayeux ou chétif mais bourré d’anecdotes et riche en rebondissements. Un peu déstabilisant mais certainement très agréable à lire car la cocasserie, la caricature, l’ironie, la dérision, l’humour noir et grinçant ne sont là que pour un hommage encore plus accentué à celle qui fit rêver les...
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