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Culture - Cinéma

Et Nadine Labaki devint égyptienne...

Pour « L’Orient-Le Jour », le réalisateur égypto-suisse Tamer Ruggli explique la genèse de « Retour en Alexandrie »*, son premier long métrage réunissant deux pointures du cinéma sur fond de road trip bariolé et de pardons écorchés.

Et Nadine Labaki devint égyptienne...

Nadine Labaki dans « Retour en Alexandrie » de Tamer Ruggli. Photo DR

À la sortie de l'aéroport du Caire, la lumière orangeâtre enveloppe Sue, enfin de retour au pays. À peine arrivée, la voilà prise dans le tourbillon enivrant des grandes capitales arabes. Entre la foule de chauffeurs de taxis la poursuivant, les klaxons vrombissant et les cris de joie, la quadragénaire venue de Suisse redécouvre, blasée, ses terres qu’elle a longtemps tenté d’oublier. Après avoir reçu un appel inquiétant de sa tante lui signalant l’état critique dans lequel se trouve sa mère, cette psychologue se voit forcée de prendre le premier avion pour le Caire avant de se rendre à Alexandrie où s’est réfugiée sa génitrice.

Dans le véhicule qui l’engouffre dans le quartier de Zamalek qu’elle ne reconnaît plus, son regard se perd dans les vieilles bâtisses colorées et boutiques aux devantures ternies par le temps.

Dans le rôle de cette égyptienne en quête de sens et de réponses, Nadine Labaki - et son nouvel accent - signe, aux côtés de Fanny Ardant, son retour de comédienne sur le grand écran après un passage par la case Netflix et l'adaptation arabe de Perfect Strangers. « Lui proposer d’incarner Sue était une évidence. Nadine est capable de mettre sa casquette de réalisatrice de côté, d'être totalement et entièrement une actrice », explique Tamer Ruggli qui, avec Retour en Alexandrie, dévoile son tout premier long métrage.

Le cinéaste égypto-suisse Tamer Ruggli. Photo Pascal Triponez

À 37 ans, le cinéaste égypto-suisse réunit ainsi, pour la première fois devant la caméra, la coqueluche des salles obscures cannoises et libanaises et l’insaisissable tragédienne tricolore irradiant d’excentricité et de désirs artistiques à combler. Pour les besoins de ce duo, le réalisateur rassemble ses kitschissimes repères d’expatrié et les sentiments refoulés que tant de familles de la région ne peuvent exposer. « J’ai en quelque sorte voulu retracer l’histoire de ma mère et de ma grand-mère et étudier cette notion de surféminin », ajoute-t-il. Complexes, tenaces, parfois fébriles, exigeant respect et libertés, c’est surtout les femmes arabes qui sont racontées dans ce film.

Aristo, moi ?

Dans une Suisse proprette aux immeubles et intérieurs cliniques, le réalisateur écrit et réécrit, sur une décennie, un scénario qui ne sera finalisé que quelques mois avant un tournage de six semaines, entamé au printemps 2022.

S’il a, à son actif, trois courts métrages acclamés par la critique et présentés dans nombre de festivals, Tamer Ruggli photographie dans ce film ce qu’il a connu. Une Egypte quelque peu romantisée, un milieu bourgeois qu’il découvre les étés en vacances et les portraits de celles qui ont marqué son inconscient de conteur à la sensibilité pailletée. « Les hommes ont été moins intéressants lors de mon éveil au monde. Les femmes de ma famille, de mon entourage, étaient des mastodontes. Elles criaient, parlaient fort, s’agitaient… »

Au travers de Fairouz, - l'exubérant personnage campé par Ardant - et des dames qui entourent Sue dans son cheminement vers une potentielle réconciliation, la notion de camp est omniprésente.

Nadine Labaki signe aux côtés de Fanny Ardant son retour de comédienne sur le grand écran. Photo DR

Cette esthétique visuelle se basant sur l’ironie questionnant les genres et la bien-pensance ainsi que la théâtralité superflue s’esquisse sur les paupières vertes et les ongles bleus des interlocutrices de Labaki ; dans les magasins qui affichent de larges robes bouffis à strass ; dans ces paysages ensablés où se retrouvent les vieillards en costume et les touristes aux têtes blondes.

Pour le cinéaste, ces « figures secondaires » du film fusionnant dans leur jeu les télénovelas et la dramaturgie réaliste « peuvent être enquiquinantes, étouffantes. Mais en grandissant, on les humanise. On les trouve infiniment touchantes ».

Dire l’intime

En 90 minutes, le personnage de Nadine Labaki navigue vers Alexandrie en décapotable rose bonbon, entre les routes couleur or et devant les pyramides, éternelles guest-stars de tout film tourné en terre des Pharaons. Loin des questionnements politiques et sociétaux d’une Egypte ultra conservatrice, les divas de la chanson orientale s’invitent dans la bande-son comme un énième appel au récit clinquant.

De Dalida à Warda, les références musicales et cinématographiques s’accumulent et s’empilent entre les tasses fissurées de Nescafé et le manteau léopard et vert émeraude d’une Fairouz parlant à sa fille… à sa manière.

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« Ce film n’est pas un manifeste féministe. C’est une lettre d’amour à celles qui souffrent en silence, à celles aussi qui ont fait des erreurs », rappelle Tamer Ruggli, « fier de voir (son) premier bébé » faire l’ouverture de festivals internationaux, de Lyon à Beyrouth.

* « Retour en Alexandrie » est projeté en ouverture du Festival international des femmes du cinéma de Beyrouth le lundi 15 avril à 20h, au Grand Cinemas ABC Dbayé. 

À la sortie de l'aéroport du Caire, la lumière orangeâtre enveloppe Sue, enfin de retour au pays. À peine arrivée, la voilà prise dans le tourbillon enivrant des grandes capitales arabes. Entre la foule de chauffeurs de taxis la poursuivant, les klaxons vrombissant et les cris de joie, la quadragénaire venue de Suisse redécouvre, blasée, ses terres qu’elle a longtemps tenté...
commentaires (2)

Remplacer quarantenaire par quadragénaire ?

Dijoux Maylis-Thérèse

07 h 34, le 13 avril 2024

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Commentaires (2)

  • Remplacer quarantenaire par quadragénaire ?

    Dijoux Maylis-Thérèse

    07 h 34, le 13 avril 2024

    • Bonjour, Merci pour votre commentaire. Nous avons bien corrigé cette erreur. Bonne journée

      L'Orient-Le Jour

      09 h 52, le 13 avril 2024

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