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Dernières Infos - Droits humains

La France devient lundi le premier pays à inscrire l'avortement dans sa Constitution

Le résultat d'un vote d'amendement sur un projet du gouvernement d'inscrire la "liberté" d'avorter dans la Constitution française, au Sénat français à Paris, le 28 février 2024. Photo AFP/STEPHANE DE SAKUTIN

La France devient lundi le premier pays à inscrire explicitement dans sa Constitution l'interruption volontaire de grossesse (IVG), à rebours de nombre de pays où le droit à l'avortement recule.

Députés et sénateurs réunis solennellement en Congrès au château de Versailles devraient approuver à une très large majorité la modification de la Constitution proposée par le gouvernement du président Emmanuel Macron.

A quatre jours du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, cette réforme introduira à l'article 34 la phrase: « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

Une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés est requise pour approuver ce changement. Elle devrait être atteinte sans difficulté, après les votes massifs de l'Assemblée nationale (493 députés contre 30) et du Sénat (267 voix contre 50).

« Quand les droits des femmes sont attaqués dans le monde, la France se lève et se place à l'avant-garde du progrès », avait souligné fin février le Premier ministre Gabriel Attal sur le réseau social X.

Il s'agira de « la première disposition constitutionnelle aussi explicite et large en la matière, pas juste en Europe, mais dans le monde », a souligné Leah Hoctor, du Center for Reproductive Rights, organisation américaine défendant le droit à l'avortement.

La réunion du Congrès viendra parachever une longue bataille politique initiée par la gauche, portée par les associations féministes et finalement embrassée par le gouvernement après plusieurs initiatives parlementaires.

« Il n'y a pas de suspense, mais le moment est crucial », a résumé lundi sur Yaël Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée nationale, première femme à présider un Congrès, évoquant « un moment important pour les femmes du monde entier ».

« Message d'espoir »

Soutenue par plus de 80% de la population française selon divers sondages, la constitutionnalisation de l'IVG s'est progressivement imposée dans le paysage politique.

Même la droite et l'extrême droite, historiquement opposées ou sceptiques devant la formulation retenue par le gouvernement, ont fini par voter majoritairement pour la réforme, malgré certaines réticences.

Le vote le 28 février du Sénat, dominé par la droite et le centre, longtemps considéré comme le principal verrou à ce projet, a surpris par son ampleur.

« Il faut graver les choses dans notre Constitution pour mieux protéger les femmes, pour s'assurer que personne ne touchera à l'avortement », a martelé dimanche le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti.

L'IVG a été légalisée en France en 1975, quatre ans après un appel choc où 343 femmes, dont les actrices Jeanne Moreau et Catherine Deneuve et les écrivaines Simone de Beauvoir, Marguerite Duras et Françoise Sagan, avaient révélé s'être fait avorter.

Militant inlassable de cette constitutionnalisation, le Planning familial a salué par avance le « message d'espoir » qu'enverra le Congrès « aux féministes du monde entier ». « Car en France et à travers le monde, le droit à l'avortement est encore gravement menacé », a souligné l'association de défense des droits des femmes, notamment en matière de sexualité et contraception.

« Bataille culturelle » 

Démonstration en a été faite de manière spectaculaire avec l'annulation en juin 2022 aux Etats-Unis de l'arrêt Roe v. Wade, qui protégeait l'accès à l'avortement au niveau fédéral. Depuis, de nombreux Etats ont fortement restreint voire interdit l'avortement sur leur sol et des milliers d'Américaines sont obligées d'entreprendre des voyages pénibles et coûteux pour avorter.

Cette décision outre-Atlantique a eu l'effet d'un électrochoc sur l'opinion et les élus français, conduisant à de premières initiatives la même année, d'abord sous l'impulsion de la gauche radicale.

En mars 2023, Emmanuel Macron annonçait sa volonté d'inscrire dans la Constitution la « liberté » de recourir à l'avortement.

Ces derniers jours, peu de voix hostiles se sont fait entendre. La Conférence des évêques de France a relayé lundi l'appel « au jeûne et à la prière » lancé par plusieurs associations catholiques. « De tous les pays européens, (...) la France est le seul où le nombre des avortements ne baisse pas et a même augmenté ces deux dernières années », a-t-elle affirmé.

Les opposants à l'IVG ont annoncé une mobilisation à Versailles lundi après-midi, tandis que les partisans de la réforme se sont donné rendez-vous au Trocadéro à Paris où une retransmission du vote sur écran géant est organisée à l'initiative de la mairie et de la Fondation des femmes.

« C'est un événement mondial, une inspiration pour les femmes du monde entier. Cela a dépassé nos rêves ! » a réagi auprès de l'AFP Claudine Monteil, pionnière féministe qui fut la plus jeune signataire en 1971 du « Manifeste des 343 ».

La France devient lundi le premier pays à inscrire explicitement dans sa Constitution l'interruption volontaire de grossesse (IVG), à rebours de nombre de pays où le droit à l'avortement recule.Députés et sénateurs réunis solennellement en Congrès au château de Versailles devraient approuver à une très large majorité la modification de la Constitution proposée...