L'ancien dictateur guinéen Moussa Dadis Camara a été sorti de prison samedi matin par un commando lourdement armé après des échanges de tirs nourris dans le centre de Conakry, ont indiqué des avocats et une source judiciaire. Au moins deux autres anciens responsables actuellement jugés comme le capitaine Camara pour un massacre perpétré en 2009 sous sa présidence ont également été extraits de la prison, selon ces sources, sans qu'apparaisse clairement si Moussa Dadis Camara s'était échappé de son plein gré.
L'assaut du commando a réveillé avant l'aube le centre de la capitale au son des armes automatiques. Un groupe de militaires masqués et lourdement armés est arrivé vers 04H00 (locales et GMT) devant la prison dont ils ont forcé les accès, a dit une source judiciaire sous le couvert de l'anonymat compte tenu de la sensibilité du sujet. Ils ont déclaré « être venus libérer le capitaine Dadis Camara », a-t-elle dit.
À l’intérieur, les assaillants, qui semblaient connaître les lieux, se sont dirigés vers la cellule du capitaine et l’en ont extrait ainsi que d'autres détenus pour les emmener vers une destination inconnue, a-t-elle ajouté. « Le procureur général m'a confirmé que mon client avait été sorti de prison par des hommes lourdement armés », a dit à l'AFP son avocat, Jocamey Haba, en évoquant la possibilité que son client ait été emmené contre son gré.
« Je continue de penser qu'il a été enlevé. Il a confiance en la justice de son pays, c'est pourquoi il ne va jamais tenter de s'évader », a-t-il ajouté en faisant référence au procès actuellement en cours. « Sa vie est en danger », a-t-il assuré.
L'opération a secoué Kaloum, quartier de la présidence, des institutions, des affaires et d'un certain nombre d'ambassades, mais aussi de la prison centrale. « Il y a des tirs d'armes automatiques et de guerre » à Kaloum, disait aux premières heures du jour un habitant du secteur sous le couvert de l'anonymat pour sa sécurité. « Le centre ville est bloqué depuis l'aube, pas d'entrée ni de sortie », a déclaré un commerçant, également sous le couvert de l'anonymat. « On voulait aller au port où je travaille, mais nous avons été empêchés (de passer) à l'entrée de la presqu'île de Kaloum, où des blindés ont été déployés », a-t-il ajouté.
Un responsable de l'aéroport, éloigné du centre, a indiqué que les avions n'avaient pas décollé samedi matin, les personnels de navigation n'ayant pu rejoindre la plate-forme aéroportuaire depuis Kaloum, où ils passent communément la nuit. Cet accès de fièvre a immédiatement réveillé le souvenir du putsch, mené à peu près à la même heure, du 5 septembre 2021 quand le colonel Mamady Doumbouya avait pris d'assaut le palais présidentiel avec ses hommes et renversé le président civil Alpha Condé par les armes.
La « boussole » de la justice
Mais plusieurs sites d'information ont rapidement indiqué qu'un commando lourdement armé avait visé la prison centrale. « La maison centrale de Conakry a été effectivement attaquée la nuit dernière », dit l'inspecteur général des services judiciaires du ministère de la Justice Yaya Kaïraba Kaba, cité par le site Guinée Matin.
Les sites et plusieurs sources ont fait état de l'évasion de Moussa Dadis Camara, mais aussi Moussa Tiegboro Camara et Claude Pivi, jugés comme lui, parmi une dizaine d'anciens responsables militaires et gouvernementaux, pour le massacre de 2009. La Guinée, pays à l'histoire politique tourmentée depuis l'indépendance vis-à-vis de la France, vient d'entrer dans la deuxième année de ce procès, pour lequel Moussa Dadis Camara était détenu depuis le début des audiences en septembre 2022.
Ils répondent d'une litanie de meurtres, actes de torture, viols et autres enlèvements commis le 28 septembre 2009 par les forces de sécurité au stade du 28-Septembre dans la banlieue de Conakry, où s'étaient réunis des dizaines de milliers de sympathisants de l'opposition, et aux alentours. Au moins 156 personnes y ont été tuées et des centaines blessées, et au moins 109 femmes violées, selon le rapport d'une commission d'enquête mandatée par l'ONU.
Ce procès s'est ouvert en septembre 2022 alors que le nouvel homme fort du pays, le colonel Doumbouya, a promis après son coup de force de refonder l'Etat guinéen et de faire de la justice sa « boussole ». Après le putsch de 2021, le colonel Doumbouya s'est fait investir président et s'est engagé sous la pression internationale à remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de deux ans à partir de janvier 2023. Les Forces vives de Guinée, collectif de partis et d'organisations d'opposition ont dénoncé des engagements non tenus et une dérive autoritaire, évoquant une « dictature naissante ».
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