
Le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi lors du « sommet pour la paix » au Caire, le samedi 21 octobre 2023. Photo AFP
Organisée à l’initiative de l’Égypte pour tenter de trouver un accord sur l’arrêt des combats dans la bande de Gaza et en Israël, la conférence baptisée « sommet pour la paix » s’est soldée par un échec. En cause, l’absence notable de plusieurs représentants de première importance, ainsi que des divergences de vue très tranchées entre les participants sur la légitimité des adversaires à se défendre.
Les faits :
– Une trentaine de représentants de pays et d’organisations internationales, essentiellement européens et arabes, étaient réunis samedi au Caire en ouverture du « sommet pour la paix », à l’initiative du président égyptien Abdel Fattah el-Sissi. Parmi les présences notables, l’émir du Qatar Tamim ben Hamad al-Thani, le président des Émirats arabes unis Mohammad ben Zayed, le roi de Jordanie Abdallah II, l’émir de Bahreïn Hamad ben Issa al-Khalifa, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell ou encore la Première ministre italienne Giorgia Meloni.
– Hormis le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, aucune des deux parties impliquées directement dans la guerre opposant le mouvement islamiste Hamas à Israël ne s’est présentée à la conférence, sapant ainsi les espoirs des participants de trouver un accord. L’absence totale de représentation des États-Unis ou de l’Iran au sommet s’est également fait remarquer.
– Dès le début de la conférence, le président égyptien a proposé une feuille de route consistant à assurer une aide humanitaire de manière durable à la bande de Gaza, et porter la nécessité d’un cessez-le-feu entre les deux camps et d’une levée du blocus imposé à l’enclave palestinienne. Enfin, reprendre les discussions politiques pour conduire à une solution à deux États dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine.
– L’Égypte a également réaffirmé son refus de transférer les Palestiniens réfugiés dans le sud de la bande de Gaza vers la péninsule du Sinaï, une solution qu’Israël est accusé de vouloir provoquer en forçant les civils palestiniens à fuir les bombardements. Le président Sissi a évoqué un afflux de population massif et les problèmes sécuritaires que cela pourrait engendrer, ainsi que le risque de « liquidation de la cause palestinienne sans une solution juste ». Le roi de Jordanie a appuyé cette position, exprimant un « rejet sans équivoque » de tout déplacement de population. Le président Mahmoud Abbas a, quant à lui, répété à trois reprises que « les Palestiniens ne quitteront pas leur terre », soulignant le risque d’une seconde Nakba (la catastrophe de l’exil de 1948).
– Aucune déclaration commune n’a émergé à l’issue du sommet face aux divergences de points de vue. La majorité des représentants européens ont insisté sur le droit d’Israël à se protéger après l’offensive du Hamas du 7 octobre et appelé à une qualification unanime du groupe islamiste en tant qu’organisation terroriste. De leur côté, les dirigeants arabes ont pointé en priorité le droit des Palestiniens à l’autodéfense, le président irakien qualifiant par exemple le Hamas de « mouvement de résistance » et mettant en lumière le double discours dans le conflit israélo-palestinien.
Le contexte :
– Jusqu’à présent, les États-Unis et les pays occidentaux soutenant Israël n’ont pas encore appelé à un cessez-le-feu dans le conflit en cours dans la bande de Gaza, une position à l’encontre de celle des États arabes, qui réclament une cessation des hostilités.
– À l’initiative du premier rassemblement international d’une telle ampleur, organisé en quelques jours depuis la guerre déclenchée le 7 octobre, l’Égypte est en première ligne face à la crise humanitaire qui se joue dans la langue de terre sous blocus complet depuis plus de deux semaines. Ce pays est le seul, en dehors d’Israël, à partager une frontière avec la bande de Gaza.
– Le Caire, qui a normalisé ses relations avec l’État hébreu en 1979, était donc partie prenante aux négociations avec Israël et les États-Unis sur le sujet épineux de l’aide humanitaire, qui s’accumulait côté égyptien avant de pouvoir rentrer dans Gaza. Lors de son passage à Tel-Aviv mercredi, le président américain Joe Biden a réussi à obtenir du cabinet de guerre israélien l’autorisation du passage de 20 camions d’assistance humanitaire à partir de l’Égypte.
– Une première tranche a finalement transité samedi par le poste-frontière de Rafah, le seul à ne pas être contrôlé par les Israéliens. Deux heures après le début du sommet, les convois acheminant des denrées alimentaires et des produits de première nécessité ont ainsi afflué dans la bande de Gaza. Une aide jugée toutefois insuffisante pour répondre aux besoins de 2,3 millions de Gazaouis assiégés, alors qu’il faudrait au moins 100 camions par jour. D’autant que le point de passage a de nouveau fermé ses portes quelques heures après avoir été ouvert. Dimanche, 17 camions sont de nouveau entrés dans la bande de Gaza.
– Tandis que l’armée israélienne, qui a promis d’« anéantir » le Hamas, s’est engagée samedi à intensifier ses frappes après deux semaines de bombardements incessants dans le but de mener une offensive terrestre, le scénario d’une remise des « clefs de Gaza » à une tierce partie a été évoqué par une source au ministère israélien des Affaires étrangères à l’AFP. Une proposition qui impliquerait l’Égypte, comme cela avait été suggéré par le passé, mais qui reste sans garantie d’être acceptée par Le Caire.
Les enjeux :
– Forte de son rôle de médiateur naturel dans la question israélo-palestinienne depuis les accords de Camp David en 1978, l’Égypte cherche à se poser comme l’acteur principal dans la résolution du conflit actuel à Gaza. D’une part, parce qu’elle sait jouer les intermédiaires et a tenté plus tôt cette année de réconcilier les factions palestiniennes réparties entre la Cisjordanie et la bande de Gaza, et d’autre part, parce que c’est une question sécuritaire pour Le Caire, qui connaît le soutien de la population égyptienne à la cause palestinienne et craint en même temps de voir se multiplier les forces islamistes dans le Sinaï.
– Mais face à l’absence de représentants israéliens, du Hamas, des États-Unis et de l’Iran, le sommet du Caire ne pouvait dans tous les cas pas déboucher sur des résultats concrets. Si, comme l’a dit le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, présent à la conférence, celle-ci a marqué un « premier pas sur le chemin de la paix au Moyen-Orient », les participants ne sont même pas parvenus à mettre au point une déclaration commune, se heurtant aux vues divergentes des acteurs représentés. Alors que l’armée israélienne semble sur le point de lancer une incursion terrestre, les pays occidentaux ont fait comprendre qu’il était trop tôt pour faire pression sur Israël afin de négocier un cessez-le-feu.
– Alors que le président égyptien brigue un troisième mandat à l’élection présidentielle en décembre, il entend profiter de sa position régionale de premier plan pour regagner en popularité à domicile, à l’heure où le pays est plongé dans une crise économique sans précédent. Bien que les rassemblements propalestiniens soient d’habitude réduits au silence, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue depuis vendredi, saluant le rôle de leur président, mais des opposants au régime se sont mêlés à la foule, appelant à la chute du raïs. Une quarantaine de manifestants auraient ainsi été arrêtés.
Personne ne s’étonne de l’absence du Liban dans ce sommet? Sommes nous réduits à encaisser les coups sans jamais avoir le droit de donner notre avis sur notre devenir alors qu’ils ne cessent de nous bassiner de notre arabité lorsque cela convient à leur projet? Quel le motif de l’absence du Liban dans ce sommet?
12 h 43, le 23 octobre 2023